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MCCCCXXXV

Lettres étendant la rémission obtenue précédemment par Jean Texereau, de Champagné-Lureau, à des circonstances aggravantes et à d’autres actes criminels qu’il n’avait pas déclarés dans sa première confession.

  • B AN JJ. 200, n° 203, fol. 107 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 91-95
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Jehan Taixereau, povre homme de labour, de Champaigné Lureau ou pays de Poictou, à present detenu prisonnier en la Conciergerie de nostre Palaiz à Poictiers, contenant que, ou moys d’aoust derrenierement passé, il obtint de nous noz autres lettres de remission à laz de soye et cire vert, desquelles l’en dit la teneur estre telle : Loys, par la grace de [p. 92] Dieu, etc.1 … Lesquelles noz lettres de remission dessus transcriptes ledit Taixereau a presentées ou fait presenter à nostre seneschal de Poictou ou à son lieutenant, pour en avoir l’enterinement. Après la presentacion desquelles il a esté mis et constitué prisonnier èsdictes prisons de nostre Palaiz de Poictiers, èsquelles il a esté oy et interrogué par plusieurs foiz sur le contenu èsdictes lettres de remission par ledit seneschal de Poictou ou sondit lieutenant, et autres noz officiers en ladite seneschaucie, et aussi sur le contenu en certaines informacions que nostre dit senneschal ou sondit lieutenant et nos diz officiers dient avoir tant dudit cas que de certaine seureté enfraincte, donnée à Civray par ledit Taixereau à la personne d’un nommé Luqueau, et pareillement sur certain boutement de feu mis par luy en ung buschier ou loge de boys. Et sur ces choses a dit et confessé de son bon vouloir et sans gesne que, le lundi devant la Magdelaine xxme jour de juillet derrenièrement passé, luy, Guillaume Chaffaud, ledit feu Micheau et Chardin Barjaud, gendres dudit Chaffaud, eurent debat et question ensemble touchant ce que lesdiz feu Micheau, Chaffaud et Barjault abeuvroient de jour en jour leur bestail ou lac ou marchaiz du Troyne appartenant audit suppliant, et que en y venant les dessus diz faisoient mangier et gaster à leursdites bestes ses blez ; et à l’occasion de ce les diz feu Micheau, Chardin et Chaffaud batirent ledit Taixereau, et le blesça ledit Chaffaud d’un cousteau en la main senestre, et atant pour ledit jour s’en alèrent ; et en oultre que, le lendemain qui estoit jour de sabmedi2, xxie jour dudit moys, ledit suppliant estant en une pièce de terre, près ledit lieu, et avecques luy Jehan de Marigni, lesquelz mestivoient du blé, estant en ladicte pièce de terre, les diz Barjaud et Micheau, non obstant ce que dit est, vindrent [p. 93]abevrer leurs dictes bestes audit lac ou marchaiz, ce qui fut veu par ledit de Marigné qui ainsi le dist et rapporta audit Taixereau ; lequel incontinent dist que, avant le jour couché, il en mescherroit à aucun d’eulx. Et incontinent ala ledit Taixereau audit lac, tenant ung pal de boys qu’il trouva en son chemin, et illec eurent plusieurs parolles ensemble. Et après les diz Micheau et Barjaud, gendres dudit Chaffaud, commencèrent à eulx separer l’un de l’autre et emmener leurs bestes ; lequel Taixereau, voyant ladite separacion, se print à les suivre et actaignit ledit Micheau et luy donna ung cop sur l’oreille dudit pal, tellement qu’il cheut à terre ; et neantmoins suivit ledit Barjault et ne le peut actaindre, et en s’en retournent trouva encores ledit Micheau à terre, auquel, non obstant ledit premier cop, il donna deux autres coups de pal et le foula des genoulx, telement que peu de temps après ledit feu Micheau ala de vie à trespassement. Et pour ce que ledit Taixereau n’a les choses, ainsi qu’elles [sont] ci dessus specifiées et declairées, données à entendre en nosdictes lettres de remission dessus transcriptes, à luy octroyées, et que luy et ledit Lucqueau, auquel il avoit donné asseurement, avoient question ensemble, se trouvèrent oudit dommaine et y vouldrent labourer ; et pour ce que ledit Taixereau sçavoit bien que ledit Lucqueau n’y avoit riens et que ainsi soit que depuys ledit asseurement, iceluy Taixereau a obtenu gain de cause contre ledit Lucqueau touchant iceluy dommaine, ledit Taixereau frappa du poing seulement ledit Lucqueau et mist le feu en certaine quantité de boys couppé estant oudit dommaine ; et ainsi pour avoir aucunement varié sur lesdites choses, nostre procureur en ladite seneschaucie a contredit et debatu nosdictes lettres de remission, et dit et maintenu que ledit Taixereau n’en devoit joir ; et telement que à la parfin, par sentence de nostre dit seneschal de Poictou ou sondit lieutenant, ledit Taixereau a esté debouté de l’effect et contenu d’icelles noz lettres de [p. 94] remission, et condempné à estre pendu et estranglé, dont il a appellé. Et combien qu’il maintieigne avoir bonne cause d’appel, neantmoins il doubte que par le moyen d’icelle, se il la poursuivoit, il fust longuement detenu en procès et ce pendant demoure tousjours prisonnier et à la parfin en aventure de miserablement finer ses jours, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, comme il nous a fait dire de par les diz supplians ; lesquelz à ceste cause nous ont humblement fait supplier et requerir que, attendu qu’il est encores dedans le temps deu et introduit à relever ledit appel, que lui avions du cas principal donné et octroyé nosdictes lettres de remission, et que ce qui en a esté obmis a esté par inadvertance et parce que ledit Taixereau, à l’eure qu’elles furent obtenues, estoit detenu en prinson, et ne povoient lesdiz supplians, qui en ont semblablement fait la poursuyte, savoir la naissance au vray des choses dessusdictes, et quant ilz l’eussent sceu, aussi bien l’eussent ilz donné à entendre par nos dictes lettres de remission, par quoy dure chose seroit que ledit Taixereau, qui de present à jà soustenu longue paine et prinson pour ledit cas, finist ainsi miserablement ses jours, il nous plaise ladicte appellacion et ce dont a esté appellé mettre au neant sans amende et sur ce luy begninement eslargir nos dictes grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, la dicte appellacion oudit cas, avec ce dont a esté appellé, avons mise et mettons au neant sans amende, de grace especial, par ces presentes, sans ce que ledit Taixereau soit tenu icelle relever ne poursuivre en aucune manière. Et en ce faisant, luy avons de rechief quicté, remis et pardonné, et par la teneur de ces dictes presentes, de nostre dicte grace especial, plaine puissance et auctorité royal, remettons, quictons et pardonnons les faiz et cas dessus diz, ainsi par luy obmis en nosdictes lettres de remission et par luy confessez comme dit [p. 95] est, avec toute peine, amende et offence corporelle, criminelle et civille, en quoy pour occasion desdiz cas il pourroit estre encouru envers nous et justice. Et l’avons restitué et restituons à sa bonne fame et renommée, ou pays et à ses biens non confisquez ; satisfacion faicte à partie civilement tant seulement, se faicte n’est. Et sur ce imposons silence perpetuel à nostre dit procureur, present et advenir, et à tous autres. Si donnons en mandement à nostre dit seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, ou à leurs lieux tenans, presens et avenir, et à chacun d’eulx, si comme à luy appartiendra, que ledit Taixereau de noz presens grace, quictance, remission et pardon facent, seuffrent et laissent joir et user plainement et paisiblement, sans luy mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné, ores ne pour le temps avenir, en corps ne en biens, aucun destourbier ou empeschement au contraire, maiz sondit corps, pour ce detenu prisonnier, et ses diz biens et tout autre empeschement luy mettent ou facent mettre incontinent et sans delay à plaine delivrance. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces dictes presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Chartres, ou moys d’octobre l’an de grace mil cccc. soixante sept, et de nostre règne le septiesme.

Ainsi signé : Par le roy, le cardinal d’Angiers, le sire de Crussol3 et autres presens. B. Meurin. — Visa. Contentor. Duban.


1 Suivent les lettres données à Étampes au mois d’août précédent, dont le texte est imprimé ci-dessus, n° MCCCCXXXIV, p. 89.

2 Sic. On devrait lire « mardi ».

3 Jean Balue, cardinal, évêque d’Angers ; Louis, sire de Crussol, sénéchal de Poitou de 1461 à 1473. (Cf. ci-dessus, p. 25, note, et p. 47, note.)