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MDXXI

Rémission accordée à Simon de Roches, meunier du moulin de Roches en la paroisse de Tersannes, au ressort de Montmorillon, coupable du meurtre d’un nommé Jamet, archer ou coutillier du sr de l’Isle-Jourdain, qui, après l’avoir rançonné, l’avait attaqué et frappé le premier.

  • B AN JJ. 197, n° 368, fol. 197
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 368-370
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receue l’umble supplicacion de Simon de Roches, mosnier, demourant au lieu, villaige et moulin de Roches en la parroisse de Tercennes ou diocèse de Lymoges ou ressort du siège de Montmorillon en nostre seneschaucée de Poictou, contenant que, le premier jour de ce present moys d’avril, ung nommé Jamet, soy disant archer ou coustilleur du seigneur de l’Isle Jourdaing1, fut logé avec autres gens de [p. 369] guerre soubz ledit seigneur de l’Isle, ou villaige de Charrocer, mesmement ledit Jamet en la maison de Pierre et Jehan de Jarrocier, qui sont hainneux dudit suppliant parce que long temps ilz ont playdoyé ensemble et du procès sont decheuz par sentence envers ledit suppliant. Lequel Jamet vint ledit jour en l’ostel d’icellui suppliant et le rançonna de poisson et quatre boisseaulx d’avoine, que icelluy suppliant lui envoya oudit villaige de Charrocier, ou quel lieu ledit Jamet et autres gens de guerre furent ce jour et y demourèrent jusques au lundi ensuivant ou autre jour, que ledit Jamet retourna en l’ostel dudit suppliant et apporta deux grans barris, tenans environ chacun sept ou huit pintes de vin, et dist audit suppliant qu’il lui fist emplir lesdiz barris de vin et lui portast en son logeis ; lequel suppliant respondit qu’il ne pourroit paier ne faire emplir lesdiz barris à ses despens, car il n’avoit pas de quoy, par ce que la misère du pays estoit grande et le vin bien cher, maiz estoit content de faire emplir l’un desdiz barris à ses despens. Et alors ledit Jamet dist audit suppliant, en jurant le sang Nostre Seigneur, qu’il lui feroit emplir sesdiz deux barris, ou qu’il seroit bien batu. Et icellui suppliant fit responce de rechief que de sa part il estoit content de faire emplir l’un desdiz barris, et qu’ilz estoient plusieurs personnes ou villaige, et valoit mieulx que chacun en payast sa part, que qu’il paiast tout. Maiz ledit Jamet lui repplicqua, en jurant autres foiz le sang Nostre Seigneur, qui lui empliroit ses diz deux barris ou qu’il seroit bien batu ; et gecta icellui Jamet sesdiz deux barris et prist une barre de charrette qui estoit devant l’ostel dudit suppliant et en frappa icellui suppliant par le costé, tellement qu’il cheut à terre. Lequel après se releva et osta ladicte barre audit Jamet, sans lui faire aucun mal, le mist hors de sa maison et ferma l’uys sur lui. Maiz ledit Jamet reprint une autre barre de ladicte charrette et par force rompit et brisa l’uys de ladicte [p. 370] maison d’icellui suppliant, et tellement fist qu’il lui entra. Et ce voyant, ledit suppliant s’en fouy par ung autre huys, maiz ledit Jamet lui vint au devant et le frappa de rechief de ladicte barre, tellement qu’il le fist chanceller du coup qu’il lui bailla. Et après osta de rechief ledit suppliant audit Jamet ladicte barre et la gecta assez loing de lui, en lui disant : « Ne me batez plus, car j’en ay assez enduré, et si vous me faictes plus d’oultraige, je me deffendray. » Et non comptent de ce, ledit Jamet dist audit suppliant que jamaiz ne se deffendroit contre homme de guerre, et tyra sa dague sur ledit suppliant et s’efforça de le vouloir tuer ou autrement oultraiger. Et voyant ledit suppliant estre ainsi oultraigé, print une barre de ladicte charrette pour se deffendre et resister à l’entreprinse dudit Jamet, et en frappa icellui Jamet par la teste deux coups tellement que, icellui jour, il ala de vie à trespas. Au moyen duquel cas, ledit suppliant doubte estre apprehendé et que on vueille contre lui proceder par rigueur de justice, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant icelles. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc., satisfaction faicte à partie civilement tant seulement, se faicte n’est, etc. Si donnons en mandement, par ces dictes presentes, au seneschal de Poictou ou son lieutenant à son siège de Montmorillon, et à tous noz autres justiciers et officiers, etc., que de nostre presente grace, quictance, remission et pardon facent, seuffrent et laissent ledit suppliant joyr et user plainement et paisiblement, etc. Donné à Tours, ou moys d’avril l’an de grace mil cccc. soixante douze, et de nostre règne le douziesme, avant Pasques.

Ainsi signé : Par le Roy, à la relacion du Conseil. A. Texier. — Visa. Contentor J. Duban.


1 Pierre II de Combarel ou Comberel, chevalier, seigneur de l’Isle-Jourdain, Rouhet, la Motte-de-Beaumont, capitaine de cent arbalétriers. (Cf. ci-dessus, p. 272, note.)