[p. 127]

MCCCCXLVIII

Rémission en faveur de Jean Du Bouchet, demeurant au Bouchet, détenu dans les prisons de Montreuil-Bonnin, sous l’accusation d’avoir causé la mort de Jean Morrigeau, qu’il avait surpris, ainsi que ses deux frères, en train de charger, pour l’emmener chez eux, du bois qui lui appartenait à lui et à Jean Amyot, meunier du Bouchet, ce qui avait amené entre eux une rixe violente et un échange de voies de fait.

  • B AN JJ. 195, n° 173, fol. 49
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 127-130
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion des [p. 128] parens et amis charnelz de Jehan Du Bouchet, aagé de xl. ans ou environ, chargé de femme et de six petis enfans, contenant qu’il est demourant au lieu du Bouschet près le molin du Bouschet, mouvant de l’abbaye des Chasteliers, auquel moulin demeure ung nommé Jehan Amyot musnier, lequel Amyot depuis aucun temps ença se complaigny audit du Bouschet, en luy disant que en la rivière de Boyvre, sur laquelle est assis ledit molin, au dessus et au dessoubz d’icelluy avoit plusieurs arbres cheuz en ladicte rivière, qui empeschoient le cours d’icelle, par quoy ledit moulin ne mouloit pas si bien ; et à ceste cause lesdiz Amyot et Du Bouschet entreprindrent de curer ladicte rivière ; laquelle chose ilz firent et en tirèrent grant quantité de boys, et icelluy boys misdrent tout abilleté et prest à charrier, en ung pré appellé le Pré Rond ; et combien que, veu ce que dit est, il ne fust loysible à aucun prendre ledit bois, fors seulement à luy et audit Amyot, ce non obstant ung nommé Symon Morrigeau, qui est fort envieux, par ung jour de mercredy xviie jour d’aoust derrenier passé, s’est transporté, ayant ses beufz et charrete audit pré et, sans aucun droit ou cause, print à charger ledit boys et mettre en sadicte charrete, dont ledit du Bouschet estant en sa maison fut desplaisant, pour ce que ledit boys luy appartennoit en partie, et print une fourche de fer en sa main et s’en ala audit molin, pour savoir audit Amyot s’il avoit commandé en mener ledit boys, qui lui dist que non. Et incontinent ledit Du Bouschet s’en ala audit pré et trouva ledit Morrigeau, auquel il demanda qui luy avoit commandé de prendre ledit boys ; lequel respondy que ce avoit esté Pierre et Jehan Morrigeaux, ses frères. Et lors ledit Du Bouschet luy dit qu’il ne l’en menrroit point et qu’il estoit à luy et audit Amyot, et qu’il le deschargast, ou se non il coupperoit sa charrete ; et de fait, pour ce qu’il ne deschargoit point, d’une sarpe qu’il avoit, frapa deux ou troys coups sur les rays de ladicte charrete. Et lors ledit [p. 129] Symon dist qu’il aymoit mieulx descharger et se print à descharger ; et en ce faisant survindrent lesdiz Pierre et Jehan Morrigeaux, frères, et mesmement ledit Jehan qui arriva le premier et dist audit Symon qu’il ne deschargeast point, et par ce moyen cessa ledit Symon de descharger. Et lors ledit Du Bouschet monta en la charrete et se print à descharger ledit boys ; et ledit Jehan Morrigeau print l’aguillée de laquelle ledit Symon touchoit les beufz et en frapa plusieurs cops ledit Du Bouschet en plusieurs parties de son corps, tellement qu’il rompit ladicte aguillée en deux pièces, et convint audit Du Bouschet descendre de ladicte charrete ; et incontinent qu’il fut descendu, ayant sa fourche de fer, ala audit Jehan Morrigeau et print par ung bout l’une des parties de ladicte aguillée que ledit Jehan Morrigeau tenoit, et semblablement icelluy Morrigeau se print à la fourche dudit Du Bouschet et tirèrent l’un contre l’autre tellement que ledit Du Bouschet osta l’aguillée dudit Morrigeau et ledit Morrigeau osta audit De Bouschet ladicte fourche. Et lors ledit Du Bouschet frapa de ladicte aguillée ledit Jehan Morrigeau sur la teste ung cop seulement ; après lequel cop ledit Pierre Morrigeau qui avoit ung pau de charrete en sa main, frapa dudit pau ledit Du Bouschet plusieurs cops en diverses parties de son corps, et mesmement sur la teste et luy persa la maschoère et navra tout le visaige, tellement qu’il chey à terre comme mort et demoura en cest estat en la place. Et lors lesdiz Pierre, Jehan et Symon Morrigeaux s’en alèrent et en menèrent ledit boys, et convint que ledit Du Bouschet fust d’ilec emporté. Et quand lesdiz Morrigeaux furent en leur maison, ledit Jehan Morrigeau, qui est maladif de la maladie dont l’en chiet, dist qu’il estoit malade et requist que on envoyast querir le prebstre, et depuis, tantost après, icelluy jour ledit Jehan ainsi malade et detenu dudit mal, comme dit est, ala de vie à trespas. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant, ainsi [p. 130]malade que dit est, a esté prins et constitué prisonnier par les gens de la justice du seigneur de Monstereul Bonin1 et est illec detenu en grant povreté et misère, en voye de y finer miserablement ses jours, se noz grace, etc. ; requerant, etc. Pourquoy, etc., audit suppliant avons quicté, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou, etc. Donné à Paris, ou moys de septembre l’an de grace mil cccc. soixante huit, et de nostre règne le viiime.

Signé : Par le roy, à la relacion du Conseil. De Wignacourt. — Contentor. Valengelier.


1 Jacques Vernon, chevalier, chambellan du roi, fils de Laurent et de Christine Goupille, était alors seigneur de Montreuil-Bonnin, depuis une vingtaine d’années. Il avait épousé Pernelle, fille de Jean, dit Maubruny, de Liniers, seigneur d’Airvault, dont il eut cinq fils et deux filles, et vivait encore le 17 septembre 1485, date d’un arrêt du Parlement, lui ordonnant de délivrer à l’abbé et aux religieux du Pin le bois que le roi avait mis à leur disposition dans la forêt de Montbeil, pour la réédification, de leur abbaye. (Arch. nat., X1a 1492, fol. 291 v°). Les registres de la cour sont d’ailleurs remplis de ses procès, dont plusieurs ont été mentionnés dans nos précédents volumes.