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MDVI

Permission à Guichard Brulon, écuyer, seigneur de Plaisance et de la Brulonnière, d’entourer son hôtel de la Brulonnière de murs, tours, fossés et autres fortifications, de contraindre les habitants de la seigneurie à y faire le guet, et d’y ériger des fourches patibulaires.

  • B AN JJ. 197, n° 286, fol. 154
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 309-131
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre cher et bien amé Guischart Brulon1, escuier, seigneur de Plaisance, assis ou conté de Poictou en la chastellenie de Monmorillon, et de la Brullonnière, assis ou conté de la Basse Marche en la chastellenie de Calaix, en la parroisse de Preressac (sic), contenant que puis certain [p. 310] temps ença il a acquis de Guiot de Saint Savin2 et de Mathelin, son filz, tous et chacuns les hommes, subgetz, cens, rentes, dommaines, droiz de justice et de guetz qu’ilz avoient ès parroisses dudit Peressac et de Mousac sur Vienne, qui vulgairement et d’ancienneté s’appelloient la terre de la Tour aux Conions3. Et depuis, pour ce que son hostel de la Brullonnière estoit lieu noble bien ancien et tenu de nostre très cher et très amé cousin le duc de Nemours4 à foy et hommage, à cause de la chastellenie dudit Calaix, et aussi que ladicte terre de la Tour aux Conions estoit semblablement tenue de luy à cause d’icelle chastellenie, ledit suppliant se transporta par devers lui, [p. 311] et après ce qu’il luy eut fait remonstrer ce que dit est et ledit acquest fait par lui desdiz de Saint Savin, et que lesdiz hommes par luy d’eulx acquis estoient plus prouchains de sondit hostel de la Brullonnière que de ladicte Tour aux Conions et aussi que icellui hostel estoit en lieux avantageux et de peu de chose aisé à fortiffier, et que à ceste cause il eust voulentiers fortiffié, pour soy y retraire, ses hommes, subgetz et aussi lesdiz hommes par luy acquis desdiz de Saint Savin et autres circonvoisins, mais que de ce faire il eust son congié. Laquelle chose veue et à plain oye par nostredit cousin, il lui donna congié de fortiffier sondit hostel de la Brullonnière de murailles, murectez, tours, canonnières, foussez, pont leveiz et autres fortifficacions et emparemens neccessaires à la fortifficacion de sondit hostel, auquel il joigny et uny ledit acquest fait par lui desdiz de Saint Savin, en telle façon qu’il voult que dès lors en avant ledit suppliant et ses successeurs ne lui feussent tenuz de faire pour sondit hostel et acquest que ung seul hommaige, à ung autre devoir toutesvoyes que le premier accoustumé estre paié. Et en oultre lui donna congié et licence d’elever ou faire elever semblables fourches patibulaires que avoient fait et faisoient paravant lesdiz de Saint Savin en ladite terre de la Tour aux Conions, par eulx vendue audit suppliant, comme dit est, et de contraindre ou faire contraindre lesdiz hommes et subgectz par ledit suppliant d’eulx acquis à faire guet et garde et autres devoirs et repparacions que paravant ilz avoient acoustumé de faire à ladicte Tour aux Conions, veu ledit acquest que en avoit fait ledit suppliant. Et à ceste cause, a depuis icellui suppliant fait de grans provisions de matières pour emparer et fortiffier sondit hostel, lequel il a ja encommandé de fortiffier et emparer ; mais ne vouldroit ne oseroit proceder du tout à icelluy fortiffier et emparer, se sur ce il n’avoit noz congié et licence de ce faire, doubtant que, en ce et autres choses [p. 312] dessus dictes, nostre procureur lui voulsist ou temps avenir donner aucun trouble, destourbier ou empeschement, si comme il dit, humblement requerant que, attendu ledit congié et octroy à luy fait par nostredit cousin, en la terre et seigneurie duquel lesdiz hostel de la Brullonnière et acquest par lui fait desdiz de Saint Savin est assis, et tenu et mouvant de luy, comme dit est, et aussi que ledit suppliant et ses predecesseurs nous ont tousjours bien et loyaulment servy ou fait de noz guerres et autrement, il nous plaise sur ce lui impartir nostre grace et provision convenable. Pour quoy [nous, ces choses considerées] et mesmement lesdiz congié et octroy de nostredit cousin de Nemors, audit suppliant, de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, avons donné et octroyé, donnons et octroyons congié et licence de fortiffier sondit hostel de la Brullonnière de murailles, murectes, tours, canonnières, fossez, ponts leveiz, bolevars et autres fortifficacions et emparemens appartenans et necessaires à la fortifficacion et emparement de sondit hostel, et aussi d’elever et faire elever lesdictes fourches patibulaires en sadicte terre, acquest et appartenances d’icelle, tout ainsi que y faisoient et avoient acoustumé de faire, paravant ledit acquest, lesdiz de Saint Savin, et aussi de contraindre ou faire contraindre lesdiz hommes et subgectz, par ledit suppliant acquis d’iceulx de Saint Savin, à faire en icellui hostel de la Brullonnière semblable guet et paier tous autres droiz et devoirs qu’ilz avoient acoustumé de faire et paier à ladicte Tour aux Conions, auparavant ladicte vendicion par lesdiz de Saint Savin faicte et ledit acquest d’eulx fait par ledit suppliant, comme dessus est dit. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, ou à leurs lieuxtenans, et à chacun d’eulx sur ce requis et comme à lui appartiendra, que ledit suppliant et ses successeurs de noz presens congié et licence [p. 313] et de tout le contenu en ces presentes ilz facent, seuffrent et laissent joir et user plainement et paisiblement, sans en ce que dit est lui mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné aucun trouble, destourbier ou empeschement ; ainçois s’aucun empeschement y estoit mis, ou sur aucuns des biens dudit suppliant à ceste cause, l’ostent et mettent ou facent oster et mettre incontinent et sans delay à plaine delivrance et au premier estat et deu. Car ainsi [nous plaist il estre fait] et audit suppliant l’avons octroyé et octroyons, de nostredicte grace, non obstant quelzconques ordonnances, restrincions, mandemens ou deffenses et lettres subreptices, impetrées ou à impetrer, à ce contraires. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné au Plesseys Macé, ou mois de juillet l’an de grace mil cccc. soixante douze, et de nostre règne le douziesme.

Ainsi signé : Par le roy, le sire de Lenoncourt5, maistres Jehan d’Amboise6, Ambroys de Cambray7 et autres presens. Dubrueil. — Visa.


1 Guichard Brulon, écuyer, seigneur de la Brulonnière, la Brosse, l’Âge-de-Plaisance, fils aîné de Huguet Brulon et de Marguerite Savary de Lancosme, fit aveu de la Brulonnière au comte de la Marche, le 28 août 1456, et de l’Âge-de-Plaisance le 22 septembre 1464. Il avait épousé Jacquette de Saint-Julien et mourut sans postérité vers 1503, après avoir par testament institué pour héritières les deux filles de son frère François Brulon, Anne, dame de la Brulonnière, mariée d’abord à Jean de Greuille, puis à Jean de Séris, et Marguerite, dame de l’Âge-de-Plaisance, femme de Guillaume de Blom, sr de Ressonneau, et remariée à Jean de Chauvigny, seigneur d’Angliers. M. le baron d’Huart a décrit le château fortifié et retracé l’histoire de la châtellenie de la Brulonnière et de ses seigneurs, et la biographie de Guichard Brulon, qui en fut seigneur pendant près de soixante ans (1445-1503), y tient une large place ; c’est surtout l’histoire de ses procès. (Voy. Persac et la châtellenie de Calais. Mém. de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 2e série, t. X, 1887. Poitiers, 1888, in-8°, p. 144-191.) Nous pouvons y ajouter deux mentions, provenant des registres criminels du Parlement de Paris. Guichard Brulon et Colas Martinet, son juge de la Brulonnière, ayant été appelés devant la cour par Jean Dumur, meunier, pour excès et attentats, ainsi que Jean et Pierre de Feydeau, père et fils, firent défaut le 23 décembre 1485. (X2a 54 à cette date.) D’autre part, le 1er juillet 1488, ledit Brulon et Jean de Feydeau, qualifiés seigneurs de Persac, obtinrent défaut contre Jean Chéronneau, Pierre Breschou et un serviteur du sr de Lussac, qu’ils avaient fait ajourner en personne, sous peine de bannissement et confiscation, les accusant de divers « excès, crimes et maléfices ». (X2a 57, à la date.)

2 Guyot de Saint-Savin, écuyer, seigneur de la Tour-aux-Cognons pour les trois quarts, de 1446 à 1461, eut pour successeur, à cette dernière date, Mathurin ou Mathelin, son fils aîné, puis le cadet Galehaut de Saint-Savin, écuyer, qui fut seigneur de la Tour-aux-Cognons en partie de 1487 à 1496 et mourut avant 1506. (Le baron d’Huart, op. cit., p. 153 et 434.) Ce dernier, en 1490, fit un procès à Guichard Brulon en annulation de la vente consentie par son père trente ans auparavant et dont il est question ici. Le 11 avril 1485, il revendiquait, contre François de Blet et sa femme, la possession de l’hôtel de l’Épine. (Arch. nat., X1a 1492, fol. 112 v°.) Dix ans plus tard, Galehaut de Saint-Savin fut accusé de complicité dans l’assassinat de son gendre, Jean Gerbault, sr de Bregeons, et poursuivi au Parlement, ainsi que Marie de Saint-Savin, sa fille, veuve de la victime, ses deux fils Louis et Guillaume Gerbault, Guillaume du Chaillou, le bâtard de Saint-Savin, « appelé le bâtard de la Tour aux Connions », et autres. Ils furent tous condamnés solidairement à payer 1.200 livres parisis d’amende au roi, 1.200 livres aux parents de Jean Gerbault, et 500 livres pour célébrer un service solennel, des messes et aumônes pour le repos de l’âme du défunt, fonder une chapelle et ériger une croix de pierre avec inscription commémorative du crime. L’un des assassins, qui avait pu être pris, fut pendu à Montfaucon (on ne dit pas son nom). Marie de Saint-Savin et ses fils, Louis et Guillaume Gerbault, qui étaient en fuite, furent condamnés par contumace à être traînés sur une claie jusqu’aux fourches patibulaires érigées sur le chemin public près Bregeons pour les y pendre et étrangler, et de plus à la confiscation de tous leurs biens. (Arrêt du 21 juillet 1495 ; X2a 56, fol. 332.)

3 Le texte du registre porte en cet endroit « la Tour aux Coions ».

4 Jacques d’Armagnac, duc de Nemours, comte de la Marche, etc. (cf. ci-dessus). Ses lettres accordant à Guichard Brulon le droit de fortifier la Brulonnière, et dont celles de Louis XI, de juillet 1472, sont la confirmation et presque la reproduction, étaient datées du Dorat, le 26 novembre 1465. Le texte en a été publié, ainsi que la présente, par M. d’Huart, d’après une copie authentique sur parchemin, du 6 février 1551. (Op. cit., p. 147-151.)

5 Thierry III, seigneur de Lenoncourt, se mit d’abord au service de René d’Anjou, duc de Lorraine, roi de Sicile, pour lequel il resta dix mois en otage, puis à celui de Charles VII, qui le nomma bailli de Vitry en Perthois, par lettres du 15 mai 1443. Conseiller et chambellan de Charles, duc de Guyenne, il fut créé par ce prince gouverneur et capitaine de la Rochelle (1470). Après la mort de son frère, Louis XI accueillit le sr de Lenoncourt, en fit l’un de ses chambellans et lui conserva, suivant le P. Anselme, son poste de gouverneur de la Rochelle dont il prenait encore les gages en 1476. Le roi lui donna en outre la capitainerie des terres et seigneuries de Dun-le-Roi en 1472, celle des ville et château de Château-Thierry, le 2 février 1473, et celle de Châtillon-sur-Marne, le 3 octobre 1474. Il prit part pour René, duc de Lorraine, à la bataille de Nancy où fut tué Charles le Téméraire (5 janvier 1477), et mourut à Paris, le 7 novembre 1483. (Hist. généal., t. II, p. 55, 56.)

6 Jean d’Amboise, dit aussi le protonotaire d’Amboise, contresigna, comme membre du conseil royal, beaucoup de lettres patentes et d’ordonnances de Louis XI, à partir de l’année 1471.

7 Ambroise de Cambray, fils puîné d’Adam de Cambray, premier président du Parlement de Paris, était alors l’un des huit maîtres des requêtes de l’hôtel du roi ; il devint ensuite chancelier de l’Université de Paris. Décédé le 19 avril 1496, il fut inhumé dans la chapelle du collège de Sorbonne. (Blanchard, Généalogies des maistres des requestes, in-fol., p. 204.)