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MDXL

Rémission donnée en faveur de Colas Chauvet, franc-archer de Saint-Hilaire-sur-l’Autize, détenu prisonnier pour le meurtre de Jean Béry, qui avait pris la défense du procureur ou fabricien de ladite paroisse, avec lequel ledit Chauvet en était venu aux voies de fait, après s’être querellé avec lui, au sujet de la somme qui lui était due par la paroisse, pour son équipement de franc-archer.

  • B AN JJ. 204, n° 109, fol. 67 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 440-442
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Colas Chauvet, povre franc archier de [p. 441] la parroisse de Saint Ylaire de l’Autize en Poictou, contenant qu’il a esté et est franc archier de ladicte paroisse et en icelle a tousjours demouré continuellement, excepté le temps qu’il a esté en nostre service ou fait de la guerre, ou quel service il s’est bien honnestement gouverné, sans ce que jamais il feust sceu ne congneu qu’il feist chose digne de reprehencion. Et puis peu de temps ença, ledit suppliant et autres francs archiers dudit pays de Poictou eurent jour à Fontenay le Conte, pour faire les monstres ; auquel jour fut ordonné que leurs abillemens seroient mis en point, et pour ce faire seroit imposé sur les parroisses dont ilz estoient francs archiers certaines sommes de deniers, et aussi qu’à leur partement seroient baillées autres sommes1. Et ensuivant ladicte ordonnance, le procureur ou fabriceur de ladicte parroisse de Saint Ylaire sur l’Autize composa avec ledit suppliant à certaine somme d’argent, de laquelle somme luy fut payée partie, et l’autre partie resta d’en paier. Et est avenu que, ung jour de dimenche naguères passé, après vespres, à l’occasion de laquelle reste, eust question entre ledit suppliant, demandant sa dicte reste, et le procureur ou fabriceur de ladicte parroisse, et à l’occasion de ce se meurent parolles injurieuses entre eulx, et tellement que ledit procureur ou fabriceur de ladicte paroisse appella ledit suppliant vilain, dont icellui suppliant se courroussa très fort, et à l’occasion [p. 442] de ce, icellui suppliant frappa ledit procureur de la main sur le visage, en lui disant qu’il avoit menti et qu’il n’estoit point vilain. Et ce voyant, ledit procureur ou fabriceur print des pierres qu’il lança contre ledit suppliant. Lequel suppliant, pour resister à la malice dudit procureur et soy deffendant de lui, tira ung cousteau de guerre qu’il avoit à sa sainture, et frapa du plat d’icellui cousteau sur les espaules dudit procureur. Et pendant leur debat, survint feu Jehan Bery par derrière malicieusement, pour aider audit procureur ou fabriceur à batre et oultrager ledit suppliant, et le frappa de pierres tellement qu’il lui fist très grant mal. Et ce voyant, ledit suppliant, lui estant en sa chaleur et fureur pour le grant tort que on lui avoit fait et faisoit, en demandant le sien, s’eschauffa de plus en plus, pour l’advis qu’il eust soudainement de ce que ledit Bery le frapoit et lui lançoyt lesdictes pierres, et s’en courut querir son espée, qui estoit en une maison près d’ilec, et s’en revint contre ledit feu Jehan Bery et lui donna ung cop de ladicte espée sur l’un de ses bras ; à l’occasion duquel cop, ainsi que l’on veult dire, icellui feu Jehan Bery, dix ou xii. jours après ou environ, est alé de vie à trespas. Et à ceste [cause] ledit suppliant a esté prins et constitué prisonnier, etc. Au seneschal de Poictou et à tous, etc. Donné à Boutigny, ou moys d’aoust mil cccc. soixante quatorze, et de nostre règne le xiiiie.

Ainsi signé : Par le roy, le sire d’Argenton2 et autres presens. De Caumont. — Visa. Contentor. Duban.


1 A la date de la présente rémission, les francs-archers, en ce qui concerne leur recrutement, leur solde, leur équipement et armement, étaient encore sous le régime de l’ordonnance qui les avait institués, aux Montils-lez-Tours, le 28 avril 1448 (Ordonnances des Rois de France, in-fol., t. XIV, p. 1 et suiv.) ; mais la plupart des dispositions qui y sont formulées furent ou modifiées ou complétées par les lettres patentes de Louis XI, données à Paris, le 12 janvier 1475 n.s., et surtout par celles du 30 mars suivant. (Id., t. XVIII, p. 72 et 110.) Colas Chauvet avait eu pour prédécesseur, en 1459-1460, comme franc-archer de la paroisse de Saint-Hilaire-sur-l’Autise, un nommé Jean Bonnioleau, qui fut alors poursuivi pour complicité dans les violences exercées contre Pierre Frétart, prieur du Busseau, par le compétiteur de celui-ci, Artus Rataut. (Arch. nat., X2a 29, fol. 76 v°, 128 v°, 182 v°, 209, 241.)

2 Philippe de Commynes, que nous avons vu souscrire, du nom de sire de Renescure, plusieurs lettres patentes publiées dans ce volume, prit après son mariage le titre de seigneur d’Argenton. Il avait épousé Hélène de Chambes, fille aînée de Jean de Chambes, seigneur de Montsoreau et de Jeanne Chabot. Par son contrat de mariage, daté du 27 janvier 1473 n.s., ses beaux-parents lui cédèrent non seulement Argenton, mais encore toutes les autres terres et seigneuries provenant de la succession d’Antoine, sire d’Argenton (sur lequel voy. ci-dessus, p. 374, note 2), échue à Jeanne Chabot, sa nièce. Commynes s’engageait à leur payer, en échange et dédommagement, une somme de 30.000 écus d’or, soit 41.200 livres tournois, dont Louis XI d’ailleurs lui fit don. (Mémoires, édit. de Mlle Dupont, t. III, Preuves, p. 38-53, 183.) Le même auteur a relevé la liste des nombreuses donations faites par le roi à Commynes ; pendant plusieurs années (1477 à 1482) une somme de 1.000 livres y figure, « pour luy ayder à reparer et fortifier la place dudict Argenton ». (Id., p. 187.)