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MDXXIV

Rémission octroyée à Jean Béchet, seigneur de Genouillé, Savary Girard, écuyer, Jean Méneguy et Louis Godelant, poursuivis pour le meurtre de Jean de Peyré qui avait résisté à certaines des exigences [p. 387]qu’ils prétendaient lui imposer en qualité d’administrateurs de la terre et seigneurie de Ciré, alors litigieuse entre ledit de Peyré et les héritiers de feu Joachim Girard, seigneur de Bazoges.

  • B AN JJ. 195, n° 833, fol. 201 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 386-394
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de noz amez Jehan Bechet, escuier, seigneur de Genoillé1, Savary Girard2, aussi escuier, Jehan Meneguy3 et Loys Godelant, contenant que, pour raison de la terre et seigneurie de Ciré, s’est pieça meu procès entre feu Joachin Girard, en son vivant seigneur de Bazoches4, d’une part, et [p. 388] feu Pierre de Peyré5, d’autre, au lieu desquelz defunctz, leurs enfans et heritiers ont reprins ledit procès, et mesmement Jehan de Peyré, filz dudit feu Pierre de Peyré ou lieu de sondit père ; pour le debat desquelles parties, les diz Bechet et Savary, supplians, ont esté commis de par nous à lever les fruitz et revenues de ladicte terre. Et pour l’excercice de leur commission, le mecredi xxie jour d’aoust m.cccc. lxxi, se transportèrent audit lieu de Ciré, pour recevoir le lendemain certains cens deuz à ladicte seigneurie, et en leur compaignie menèrent lesdiz Jehan Meneguy et Loys Godeland, aussi supplians ; et eulx arrivez et loigez audit lieu, oyrent le son du cor, que le [p. 389] fournier a acoustumé sonner, pour tirer le pain du four bannier. Lesquelz Bechet et Savary dirent ausdiz Meneguy et Godelant qu’ilz alassent audit four, pour lever le droit de fournaige, comme ilz avoient acoustumé de faire plusieurs foiz paravant ; lesquelz y alèrent et y trouvèrent une jeune damoyselle, seur dudit Jehan de Peyré, et en sa compaignie deux hommes, tenans chacun ung vouge en leur main. Et après ce que ledit fournier ot tiré le pain dudit four, ladicte damoyselle voult prendre ledit droit de fournaige, et de fait print ung pain et le bailla à ung desdiz hommes qui estoit avec elle, nommé Anthoine. Laquelle chose voyant, ledit Jehan Meneguy dist à ladicte damoyselle qu’elle ne leveroit pas ledit fournaige et ala audit Anthoine pour luy oster ledit pain ; lequel Anthoine mist la main à son vouge, et lors ledit Loys Godeland osta ledit pain audit Anthoine, et en ce faisant ladite damoyselle embrassa ledit Godeland pour luy oster ledit pain. Lequel Godeland, pour soy despescher d’elle, gecta ledit pain et se eschappa d’icelle damoyselle, laquelle commença lors à cryer à l’aide. Et oyans lesdiz Bechet et Savary, supplians, le bruit, alèrent audit four et trouvèrent les dessus diz qui s’entretenoient l’un l’autre, et dirent à icelle damoyselle que ce n’estoit pas bien fait à elle de vouloir lever ledit fournaige ; et en disant ces parolles, survint ledit Jehan de Peyré, fort esmeu, acompaigné de deux ou troys hommes, dont l’un tenoit une dague toute nue en sa main, et de prime face icelluy Jehan de Peyré courut sus audit Savary Girard et luy voult oster ung espieu qu’il tenoit ; et pour ce qu’il ne luy pot oster ledit espieu, il le print à la gorge et le renversa sur ung siège contre ung mur, et illec le tenoit estroictement, comme si le deust extrangler. Laquelle chose voyant, ledit Bechet qui avoit une espée à sa sainture, dist audit de Peyré par deux ou troys foiz qu’il laissast ledit Savary, et pour ce que ledit de Peyré ne voult lascher ledit Savary, icelluy [p. 390] Bechet tira sadicte espée et en bailla ung cop d’estoc en la cuisse audit de Peyré, lequel ce non obstant ne voult lascher ledit Savary. Et ce voyant, ledit Loys Godelant, d’un vouge qu’il tenoit et qu’il avoit osté à ung desdiz hommes qui estoit venu avec ladicte damoyselle, bailla ung cop par derrière audit Jehan de Peyré au dessus de la sainture, sans ce qu’il y eust pour ledit cop aucune effusion de sang. Et après ce, icelluy de Peyré lascha ledit Savary, et en soy en voulant aler, tumba à terre, dont il fut relevé et emporté, et ce dit jour, à l’occasion desdiz cops, par faulte de gouvernement ou autrement, icelluy de Peyré ala de vie à trespas. Depuis lequel cas, lesdiz supplians ont esté en procès par devant le gouverneur de la Rochelle6 ou son lieutenant, lors à ce commis par nostre dit (sic) frère le duc de Guyenne, à l’encontre de Guillaume Acquelet7 et Jehanne de Peyré, sa femme, [p. 391] Katherine, Marguerite et Anthoinète de Peyré, seurs dudit defunct. Par lequel gouverneur, icelles parties comparans, ou leurs procureurs pour elles, en la ville de Benon, en laquelle il tenoit lors son siège, fut appoincté que lesdiz supplians seroient constituez prisonniers et seroient interroguez sur la matière dessus dicte, et que il seroit pourveu de tuteurs ou curateurs à la cause ausdictes Marguerite et Anthoinète8. Duquel appoinctement et d’autres griefz lesdictes parties et chacune d’icelles appellèrent ès prouchains Grans jours qui se tiendroient, pour nostre dit frère, en ladicte duchié de Guienne. Et depuis obtindrent lesdiz supplians certaines lettres de nostre dit feu frère, par lesquelles estoit mandé aux conseillers tenans lesdiz Grans jours mettre ladicte appellation au neant, en acquiessant par eulx audit appoinctement, et faire proceder icelles parties ausdiz Grans jours sur le principal, ainsi qu’il appartiendroit par raison ; et semblablement eussent lesdictes parties adverses obtenu autres lettres de nostre dit feu frère, par lesquelles estoit mandé ausdiz conseillers tenans lesdiz Grans jours mettre leur appellacion au neant et proceder en iceulx Grans jours sur le principal, comme de raison ; desquelles lettres chacune des dictes parties eut requis l’enterinement par devant lesdiz conseilliers, et sur ce, icelles parties oyes, eussent par iceulx conseilliers esté appoinctées au conseil, et eussent lesdiz supplians esté interroguez et produict de leur cousté. Et depuis, sans avoir esté fait droit [p. 392] ausdictes parties, nostre dit frère de Guyenne est alé de vie à trespas9. Après lequel trespas, soubz umbre desdictes appellacions, taisant par ledit Guillaume Acquelet, sa femme et sesdictes seurs, ce que dit est, ont obtenu certaines noz lettres, au moyen desquelles ilz ont fait adjourner lesdiz supplians à comparoir en leurs personnes en nostre dicte court de Parlement, à certain jour naguières passé, auquel jour ilz se sont bien et deuement comparus et presentez10. Et doubtent, etc., requerans, etc. [p. 393] Pour quoy, etc., à iceulx supplians avons quicté, etc., le fait et cas dessus dit, avec toute peine, etc. Si donnons en mandement à noz amez et feaulx conseilliers les gens [p. 394] tenans nostre Parlement, etc. Donné à Paris, ou moys de may l’an de grace mil cccc. soixante trèze, et de nostre règne le xiime.

Ainsi signé : Par le conseil. Budé. — Visa.


1 Fils de Pierre, déjà seigneur de Genoillé, mort en 1444, dont il a été question dans notre huitième volume (Arch. hist., t. XXIX, p. 367, note, 368) et de Catherine Poussard, Jean Béchet, chevalier, seigneur de Genouillé, les Landes, Ribemont, etc., vivait encore le 20 novembre 1496, date d’une donation qu’il fit à son fils André. Il avait épousé Guyonne de Cousdun, fille de Guillaume, seigneur des Ouches, et de Marie de Clermont, dont il eut deux fils, Antoine, mort jeune, et André, et une fille, Françoise, mariée à Briand Boutou, sr de la Baugisière. (Dict. des familles de l’anc. Poitou, nouv. édit., t. I, p. 398.)

2 Savary Girard, écuyer, était sans doute un cousin de Joachim Girard seigneur de Bazoges ou de Jean Girard, son fils (cf. ci-dessous la note 4). Fils puîné ou frère de Joachim, il n’aurait pu en droit être commis à l’administration du domaine de Ciré, litigieux entre ledit Joachim, sr de Bazoges, et Pierre de Payré.

3 Jean Méneguy avait obtenu déjà, en juillet 1468, des lettres d’abolition pour la part qu’il avait prise avec Joachim de Velort, à la Ligue du Bien public (ci-dessus n° MCCCCXLVI, p. 121.)

4 Joachim Girard ici nommé était le fils aîné de Renaud ou Regnault, seigneur de Bazoges, qui rendit à Charles VII, dont il était maître d’hôtel, des services diplomatiques importants. (Cf. notre t. IX, XXXII des Arch. hist., p. 218.) On possède moins de renseignements sur lui que sur son père. Il était capitaine de Moutiers-les-Maufaits pour Georges de La Trémoïlle, le 3 août 1436 (X2a 21), fut nommé, conjointement avec son père, capitaine de Saint-Michel-en-l’Herm, le 30 novembre 1446, bailli du grand fief d’Aunis, par lettres du 31 juillet de la même année, et depuis conseiller et maître d’hôtel du roi. (Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., t. III, p. 160.) On sait aussi qu’il avait épousé Catherine de Montbron, sœur du vicomte d’Aunay, dont il eut quatre fils : Jean, Joachim II, Louis et Jacques, et deux filles, et qu’il vivait encore le 24 mai 1468. A cette date, il passa une transaction avec ses beaux-frères, François de Montbron, vicomte d’Aunay et seigneur de Matha, Guichard de Montbron et Savary de Montbron, archidiacre de Reims. Joachim Girard s’y intitule chevalier, seigneur de Bazoges. (Arch. de la Charrente-Inférieure, E., chartrier de Matha, 251.) C’était son fils aîné Jean Girard, qui en 1472 avait repris contre Jean de Peyré le procès touchant la possession des château, terre et seigneurie de Ciré, et celui-ci était décédé, sans postérité, avant le 16 mai 1481. Un aveu de cette date pour la terre et seigneurie d’Anguitart, la terre et les moulins de Chasseneuil, fut rendu au roi par Joachim II Girard, seigneur de Bazoges, son frère cadet, qui épousa Jeanne, l’une des deux filles du chancelier Pierre Doriole. (Arch. nat., P. 1145, fol. 157 v°.)

5 Les registres du Parlement vont nous fournir quelques renseignements précis sur cette famille au xve siècle. Pierre Ier de Peyré, aliàs Payré, seigneur de Ciré en Aunis, est nommé dans un acte du 27 avril 1393. (Arch. nat., X1a 40, fol. 113.) Il avait épousé Marguerite Meschin, dont il eut au moins cinq enfants, et était mort avant le mois de mai 1406. Sa veuve dut soutenir au Parlement de Poitiers un procès au sujet de son douaire contre Pierre de Peyré, chevalier, en son nom et comme tuteur de son frère, Jacques, et de sa sœur Catherine ; on voit dans un acte du 18 mars 1430, que Jean de Peyré, autre fils puiné de Pierre Ier, vivait à cette date, ainsi qu’une autre sœur plus âgée, veuve alors de Guillaume Barrabin, chevalier, dont elle avait un fils, Jean Barrabin, écuyer. (X1a 9190, fol. 327, acte du 23 déc. 1434 ; X1a 9192, fol. 174, acte du 18 mars 1430.) Jean de Peyré, qui succomba sous les coups de Jean Béchet, sr de Genouillé, et de Louis Godelant, était le fils de Pierre II et ne laissa point d’autres héritiers que des sœurs, comme on le voit dans les présentes lettres de rémission et par le procès qui eut lieu au Parlement touchant leur mise à exécution. (Ci-dessous, p. 392, note 2.) Pierre II était déjà en procès au Parlement de Poitiers, le 21 juillet 1422 : 1° contre Jean de Thorigné, auquel il réclamait le quart du manoir de la Cour-Sicart, les trois autres appartenant à Jean Racodet ; 2° contre Joachim de Clermont, seigneur de Surgères, parce qu’il prétendait que les habitants d’Ardillières, sujets de ce dernier, étaient tenus de faire le guet et de participer à la garde du château de Ciré. (X1a 9190, fol. 187 et 190.) Le 22 août 1429, on le trouve prisonnier à Poitiers, le registre n’en donne pas le motif (X2a 21, fol. 114), et le 23 décembre 1430, il présentait à la cour des lettres de caution. (Id., fol. 151.)

6 Il ne s’agit pas ici du lieutenant pour le roi et gouverneur militaire de la Rochelle (alors Thierry de Lenoncourt), mais du chef de la justice ou sénéchal, qui en effet était aussi qualifié gouverneur. Le titulaire de cette charge était alors Jean Mérichon, seigneur d’Huré, Lagord, le Breuil-Bertin, Auzance près Poitiers, etc., qui en avait été pourvu, en 1471, par Charles de France, duc de Guyenne, et confirmé par Louis XI, à la fin de mai 1472. (Amos Barbot, Hist. de la Rochelle, Arch. hist. de Saintonge, t. XIV, p. 411.) Ce personnage ayant été, dans un autre de nos volumes, l’objet d’une notice assez développée (Arch. hist. du Poitou, t. XXXII, p. 67), nous n’y reviendrons pas ici.

7 Ce nom est écrit ailleurs Acquez ou Acquet, et dans un endroit des plaidoiries, et sur le registre du Parlement, à l’occasion de l’opposition qu’il fit à l’entérinement des présentes lettres de rémission, il est appelé « Guillaume de Achlet, escuier » (X2a 39, date du 3 juin 1473.) « Une autre maison du Poitou, dit M. Francisque-Michel, celle d’Acquet ou Acquez, dont le nom correspond parfaitement à un nom bien répandu en Écosse, celui de Halket, se croyait originaire de ce pays. Les Acquez, qui habitaient autrefois les environs de Thouars et de Châtellerault, d’où ils sont passés en Picardie, portaient de sable à trois paniers, d’autres disent à trois seaux d’or. » (Les Écossais en France, etc., in-8°, t. I, p. 270.) La nouv. édit. du Dict. des familles de l’anc. Poitou nie l’origine écossaise de cette maison ; d’ailleurs, la généalogie qu’elle en donne ne remonte pas au delà de l’année 1530, et notre Guillaume Acquelet, ou Achlet, n’y figure point. Or il est qualifié écossais, « escoçois », en un autre endroit du registre criminel cité ci-dessus (X2a 39 à la date du 8 avril 1473) et dans un acte du 22 juin suivant (id., ibid.) : « escuier, archier de la garde du corps du roy ». On connaît d’ailleurs d’autres membres de cette famille, vivant au xve siècle ; on peut citer notamment un accord du 11 septembre 1477, entre Helis de Mézieux, veuve de Thomas Acquez, de Voulon, Robert et Guichard Acquez, écuyers, ses enfants, et Jeanne du Vergier, femme de Jean de La Brousse, écuyer, au sujet de la possession d’un hôtel entouré de douves sis au village du Grand-Serze, accord conclu à la suite d’un procès entre Jean Acquez et François du Vergier. (A. Richard, Arch. du château de la Barre, t. II, p. 433, 434.)

8 Le tuteur désigné pour prendre les intérêts de Catherine, Marguerite et Antoinette, filles mineures, sœurs de Jean de Peyré, fut Jean Barrabin, écuyer, cousin germain de leur père. (Cf. ci-dessus, p. 388, note 1.)

9 Charles de France, duc de Berry, puis de Guyenne, Saintonge et gouvernement de la Rochelle, frère de Louis XI, était mort le 25 mai 1472. (Cf. ci-dessus, p. 172, note 1.)

10 Nous allons énumérer sommairement les actes de cette cause, depuis le moment où elle fut introduite au Parlement de Paris. Elle y apparaît pour la première fois le 8 avril 1473. Jean Girart, écuyer, seigneur de Bazoges (le procureur général joint avec lui) y est demandeur en cas d’excès, contre Guillaume Acquelet, écuyer, mari de Jeanne de Peyré, et Jean Barabin, écuyer, tuteur de Catherine, Marguerite et Annette, aliàs Antoinette de Peyré, et demande qu’ils soient mis en défaut, parce qu’ils n’ont pas comparu en personne ; mais ils présentent à la cour des lettres les autorisant à être reçus par procureur. Le 25 mai suivant, Jean Béchet, Savary Girard, écuyer, Louis Godelant et Jean Méneguy se défendent contre Acquelet et Barrabin, plaignants, au sujet du meurtre de Jean de Peyré. Les premiers exposent qu’ils ont eu des lettres de rémission du duc de Guyenne, et que, depuis qu’ils sont poursuivis en Parlement, ils se sont présentés aux ajournements, ont été interrogés, et par ordonnance de la cour, la ville de Paris leur a été donnée pour prison. Ils demandent congé et provision de leur corps et de leurs biens. Nanterre, avocat de la partie adverse, répond qu’étant porteurs de rémission, ils doivent avant d’« estre receuz à aucune chose dire » être envoyés en prison, « de droit, stille et usaige notoirement gardez ceans ». Il dit en passant que le duc de Guyenne n’avait pas pouvoir de délivrer des lettres semblables, et que par suite ce qui a été fait ci-devant est nul ; mais puisque Béchet et ses consors en ont obtenu, ce même mois, d’autres expédiées par la Chancellerie royale, ils sont tenus, s’ils veulent s’en aider, de se conformer à la règle. Ceux-ci répliquent qu’ils ont déjà été emprisonnés à la Rochelle, quand ils ont demandé l’entérinement des lettres du duc de Guyenne, et qu’ils ne doivent pas l’être une seconde fois, puisqu’il s’agit du même fait. Le substitut du procureur général est d’avis que le gouverneur de la Rochelle, ayant commencé à prendre connaissance du meurtre dont il est question, c’est à lui qu’il appartient de procéder outre et qu’il est plus qualifié que personne pour prononcer le jugement. Mais les deux parties protestent, d’un commun accord, que la nouvelle rémission est adressée au Parlement, et que par suite la cour est saisie non seulement du meurtre, mais des contestations qui en ont été cause. L’affaire est appelée de nouveau, le 1er juin, et renvoyée au jeudi 3, pour recevoir la déclaration de Jean Béchet et consorts, s’ils veulent, oui ou non, réclamer le bénéfice des lettres de rémission du roi. Ce jour, leur avocat affirme leur intention de « s’en aider ceans et ailleurs où il appartiendra ». Le 22 du même mois de juin, nouvelle plaidoirie sur la question de l’emprisonnement préalable ; elle est tranchée suivant l’opinion soutenue par Nanterre, avocat des sœurs de Jean de Peyré : « Appointé est que les impetrans desdites lettres de rémission seront emprisonnez en la Conciergerie, et les y a fait mener la court. »

Le 13 juillet suivant, la cour eut à entendre les arguments pour et contre l’entérinement et la mise à exécution des lettres, dont nous publions ici le texte, ainsi que la version du beau-frère et des sœurs de Jean de Peyré touchant la scène du meurtre et ses causes déterminantes. « Feu messire Pierre de Peyré, en son vivant, dit leur avocat, estoit noble chevalier, seigneur de Ciré, de bonne et grande lignée, lequel et ses prédécesseurs ont bien servy le roy en ses guerres, et mesmement à Montlehery ledit feu messire Pierre servy le roy en grande et noble compagnie et en grant dangier de sa personne, fut navré en plusieurs parties de son corps, et y morut son frère. » L’an 1470, il trépassa, laissant un fils âgé de dix-huit à dix-neuf ans, et quatre filles, dont la mère était morte auparavant. Vers cette époque Jean Aubin, sr de Malicorne, qui « avoit grant gouvernement envers le duc de Guienne » et à l’occasion des divisions existant entre le roi et son frère, tenait à Surgères, dont il était seigneur, une forte garnison contre le roi, à la tête de laquelle étaient les meurtriers de Jean de Peyré, voyant que ces enfants, privés de père et de mère, n’étaient pas à craindre, il résolut de s’emparer de leur terre et seigneurie de Ciré, et commença à les accabler de vexations. Il acquit tout d’abord de Jean Girart, fils de Joachim, certain droit qu’il prétendait sur ladite terre, après quoi il voulut s’en mettre en possession. Jean Barrabin étant tout disposé à venir en aide à son cousin germain, Jean de Peyré, le sr de Malicorne ouvrit les hostilités contre lui, et pour lui faire dommage et deplaisir « en une course fit mettre le feu en ses terres et fermes, et y fit faire plusieurs invasions et rançonnements ». En même temps, il fit mettre en la main du duc de Guyenne la terre de Ciré, sous prétexte que Jean de Peyré n’était venu au service dudit duc, et bien qu’il en eût obtenu main levée, elle fut en butte aux courses et déprédations de ceux de Surgères, et particulièrement du sr de Genouillé et de Savary Girard. Le 1er août 1471, le sr de Malicorne les envoya à Ciré avec d’autres de sa garnison, « armez et embastonnez » ; ils vinrent au four banal, croyant y trouver Jean de Peyré ; ils n’y rencontrèrent que « damoiselle Jehanne », laquelle était accompagnée seulement de son page, âgé de douze ans, et d’un autre valet ; ils la déchevelèrent et traînèrent, battirent ceux qui étaient avec elle, et même Jean Méneguy frappa d’un coup de dague à l’épaule Antoine Mesgret, un autre de ses serviteurs. Averti de cette agression, Jean de Peyré arriva sur les lieux, sans pourpoint, ni armure, ni bâton, revêtu d’une robe longue. Aussitôt Savary Girard le menaça de son épieu, sur lequel il mit la main afin qu’il ne l’en frappât, mais il ne parvint pas à le lui ôter. Savary, de son côté, tirant de toute sa force pour dégager son arme, tomba en arrière et entraîna Jean de Peyré sur lui. C’est alors que le sr de Genouillé tira son épée et « par derrière en traïson en frappa Jean par la cuisse jusques au fondement, et tournant son arme dedans la playe pour la faire plus grande lui dit : "Villain, y t’y failloit venir !" » Peyré se releva, mais après quelques pas il chut à terre et mourut sur la place, au bout d’une heure, sans confession. Son meurtrier refusa de le secourir, d’aider à étancher le sang, et montrant son épée toute sanglante, il se vanta hautement de l’acte qu’il venait de commettre, puis disparut. Privées de leur soutien, les sœurs de Jean de Peyré trouvèrent asile auprès de la veuve de Nicole Chambre, l’ancien capitaine de la garde écossaise, (elle se nommait Catherine Chenin et demeurait à Villeneuve-la-Comtesse) et y demeurèrent jusqu’au mariage de Jeanne avec Guillaume Achlet, archer de la garde du corps. Jean Barrabin obtint des lettres décrétant de prise de corps les meurtriers de son cousin, mais personne n’osa les exécuter par crainte du sr de Malicorne. L’avocat expose ensuite les procédures faites à la Rochelle, déclare que la cour doit refuser l’entérinement des lettres de rémission et demande les peines les plus sévères contre les coupables, sans oublier la réparation pécuniaire due aux sœurs de Jean de Peyré. Jehan Béchet et consorts répliquèrent, le 15 juillet ; leur plaidoirie est naturellement la paraphrase des lettres de rémission. Les quelques autres renseignements que l’on y pourrait puiser ne présentent que peu d’intérêt. (Arch. nat., X2a 39, reg. non folioté, aux dates des 8 avril, 25 mai, 1er, 3 et 22 juin, 13 et 15 juillet 1473.) Nous n’avons pas trouvé d’autre suite à cette affaire de l’entérinement de nos lettres de rémission.

D’autre part, l’action intentée par Jean Girard, sr de Bazoges, à Guillaume Acquelet et à Jean Barrabin, que nous avons annoncée au début de cette note, avait continué son cours, indépendant de l’affaire de meurtre et d’entérinement de rémission. Le même Jean Girard, qui avait sans doute repris du sr de Malicorne les droits qu’il lui avait cédés, s’était plaint à la cour que, au mépris de l’arrêt plaçant la terre et le domaine de Ciré, les port et passage du Gué-Charreau et les cens et revenus de la Jarrie sous l’administration de commissaires royaux. Guillaume Acquelet, écuyer, mari de Jeanne de Peyré, et autres avaient pris et levé, vi et violencia ac portu armorum, les fruits et revenus desdites terres et continuaient à le faire par les mêmes procédés, qu’ils avaient battu les commissaires nommés en vertu de l’arrêt de la cour, et commis d’autres énormes excès et violences. La cour, en conséquence, avait commis, par ordonnance du 18 juin de cette même année 1473, un de ses membres, Jean Burdelot, pour contraindre ledit Acquelet et ses complices, par emprisonnement de leurs personnes et autres peines, à obéir à l’arrêt en question, à rapporter les fruits et deniers indûment levés et recueillis par eux, à évacuer le château de Ciré et à le remettre entre les mains des commissaires chargés de l’administrer, et de ne plus les empêcher ou troubler à l’avenir dans l’accomplissement de leur mission. (X2a 40, fol. 65.) Nous n’avons point trouvé non plus à qui les château, terre et seigneurie de Ciré furent définitivement adjugés : aux héritiers de Peyré ou au sr de Bazoges.