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MCCCCXIX

Don à Louis de Beaumont, chevalier, sr de la Forêt-sur-Sèvre, chambellan du roi, de la justice de Loge-Fougereuse, confisquée par arrêt du Parlement sur Jacques Jousseaume, seigneur du lieu.

  • B AN JJ. 194, n° 190, fol. 101 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 52-55
D'après a.

Loys, etc. Comme puis naguères, en certain proces [p. 53] meu en nostre court de Parlement, entre ung appellé Coulon, d’une part, et Jaques Jousseaume, seigneur de Loge la Vineuse1, tant ait esté procedé que, par arrest d’icelle nostre court de Parlement, entre autres choses, la justice que avoit ledit Jousseaume en ladicte terre et seigneurie de Loge la Vineuse a esté declarée forfaicte et confisquée à nous, par quoy povons d’icelle ordonner et disposer à noz plaisirs et volenté ; savoir faisons à tous, presens et avenir, que nous, considerans les bons, louables [p. 54]et grans services que par cy devant nous a faiz nostre amé et feal conseiller et chambellan, Loys de Beaumont2, chevalier, sire de la Forest, à feu nostre très cher seigneur et père que Dieu absoille, et à nous, ou fait des guerres et autrement, fait et continue chacun jour et esperons que plus face ou temps avenir ; considerans aussi que ledit lieu de Loge Vineuse est prouchain d’aucunes des terres dudit sr de la Forest, à icelluy Loys de Beaumont, qui sur ce nous a supplié et requis, avons, ou cas dessus dit, donnée, cedée, quictée, transportée et delaissée, et par la teneur de ces presentes, de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, donnons, cedons, quictons, transportons et delaissons tout tel droit de justice, haulte, moienne et basse, que avons et povons avoir et qui nous peut compecter et appartenir en ladicte terre et seigneurie de Loge Vineuse, au moien de ladicte confiscacion, ensemble les droiz, prerogatives, prouffiz et revenues d’icelle, pour l’avoir et en joir par ledit de Beaumont, ses hoirs, successeurs et ayans cause à tousjours mès perpetuellement, ensemble desdictes prerogatives, droiz, prouffiz et emolumens d’icelle, tout ainsi que en ont joy, le temps passé, [p. 55] ledit Jousseaume et ses predecesseurs, seigneurs de ladicte terre et seigneurie de Loge Vineuse, en faisant les devoirs et paiant les droiz deuz à cause d’icelle, là où il appartendra. Si donnons en mandement à noz amez et feaulx conseillers les gens de nostre Parlement et de noz comptes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc., presens et avenir, et à chacun d’eulx, etc., que ledit Loys de Beaumont, sesdiz hoirs, successeurs et ayans cause, ilz facent, seuffrent et laissent joir et user paisiblement de noz presens don, cession, quictance et transport, en lui baillant ou faisant bailler la possession et joissance reelle de ladicte justice et des fruiz, prerogatives et revenues d’icelle. Car ainsi, etc. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à la Mote d’Esgry en Gastinoys, le xxiiiie jour d’aoust l’an de grace mil cccc. soixante six, et de nostre règne le sixiesme.

Signé : Par le roy, monseigneur le duc de Bourbon3, Phelippe Monsieur de Savoye4, l’evesque de Langres5, le sire de Craon6 et autres presens. J. de La Loère. — Visa.


1 Partout ailleurs cette seigneurie est désignée sous le nom de Loge Fougereuse, notamment dans les actes du Parlement dont il va être question. Nous n’avons rien à ajouter aux renseignements sur Jacques Jousseaume, seigneur de la Geffardière et de Loge-Fougereuse, réunis dans notre précédent volume (Arch. hist., XXXV, p. 136, 137 ; voir aussi l’Introduction), sauf cependant en ce qui concerne son procès avec Me Pierre Coulon, rappelé dans les présentes lettres. Il avait été jugé en première instance par le Prévôt de Paris. Me Pierre Coulon, demeurant à Loge-Fougereuse, auquel s’était joint le procureur du roi au Châtelet, accusait Jacques Jousseaume et son père Jean, sr de la Geffardière, alors défunt, d’avoir fait condamner à mort sous ombre de justice et quoique innocent, puis exécuter, Hugues Coulon, son père. L’arrêt rendu sur appel par le Parlement, seul document que nous possédions sur cette affaire criminelle, ne mentionne pas le prétexte invoqué contre Hugues par les seigneurs de la Geffardière, mais il fallait qu’il y eût réellement crime judiciaire, car le procureur du roi réclamait la peine capitale contre Jacques Jousseaume. En un autre procès, relaté avec détail dans le précédent volume, il est dit incidemment qu’il avait fait mettre à mort Hugues Coulon, puis détruire sa maison par le feu, sur une fausse accusation de sorcellerie. (T. XXXV, Introduction, p. xxx.) Les juges se montrèrent relativement indulgents. Jousseaume fut condamné : 1° à restituer les biens meubles du défunt qu’il avait fait prendre et s’était appropriés, situés tant à Loge-Fougereuse que dans les châtellenies de Vouvant et de Mervent ; 2° à ériger une croix de pierre en la place où avait eu lieu l’exécution, pour perpétuer le souvenir de l’injuste condamnation ; 3° à fonder au même lieu une chapelle et à la doter d’un revenu annuel de six livres parisis, pour y célébrer chaque semaine, le jour où l’innocent avait été exécuté, une messe pour le salut de son âme ; 4° à payer pour une fois une somme de 500 livres parisis à Pierre Coulon, fils de la victime, et au roi une amende de 250 livres ; 5° à perdre la justice de Loge-Fougereuse, déclarée confisquée au roi ; 6° au paiement de tous les dépens du demandeur et aux frais du procès ; 7° à tenir prison fermée jusqu’au parfait accomplissement de ces peines. Jacques Jousseaume ayant relevé appel de cette sentence, le Parlement la confirma purement et simplement par arrêt daté du 24 août 1466, c’est-à-dire de même date que les lettres de don de la justice confisquée à Louis de Beaumont, mettant en outre à la charge du sr de la Geffardière les frais de la procédure d’appel. (Arch. nat., X2a 31, fol. 39 ; X2a 34, fol. 155 v°.)

2 Louis de Beaumont, seigneur de Vallans, du Plessis-Macé, et de la Forêt-sur-Sèvre par son mariage, sénéchal de Poitou de 1441 à 1461, a été en plusieurs endroits de cette publication l’objet de notices suffisantes, sur lesquelles nous n’avons pas à revenir. (Voy. notamment Arch. hist., t. XXIX, p. 135 ; t. XXXII, p. 378, 379.) On rappellera seulement ici que sa femme était cousine issue de germain de Jacques Jousseaume, seigneur de la Geffardière. En effet, il avait épousé, l’an 1440, Jeanne, fille de Jean Jousseaume, seigneur de la Forêt-sur-Sèvre, et de Jeanne de l’Isle-Bouchard ; le frère de celle-ci, Louis Jousseaume, qui mourut jeune, sans avoir été marié (il était encore, en 1441, sous la tutelle de son grand-oncle, Jean, sr de la Geffardière) la fit héritière de la Forêt-sur-Sèvre, vers la fin de l’année 1448. Citons encore un acte du Parlement de Bordeaux transféré à Poitiers, du 13 mai 1471, où il est question d’une sentence du sénéchal de Poitou au profit de Louis de Beaumont, pour l’exécution de laquelle et le paiement de la somme à lui ordonnée, celui-ci avait fait saisir et vendre aux enchères des biens des enfants de son adversaire, Louis de Belleville, chevalier, et Marie de Belleville, alors femme de Bertrand Larchevêque, et exerçait des poursuites contre eux à ce sujet (Arrêt interlocutoire, Arch. nat., X1a 4812, fol. 145 v°.)

3 Jean II, dit le Bon, duc de Bourbon et d’Auvergne, comte de Clermont, de Forez, seigneur de Beaujeu et de Roussillon, etc., fils de Charles Ier et d’Agnès de Bourgogne, pair, connétable et chambrier de France, par lettres données à Saint-Priest en Dauphiné, le 12 mars 1456, gouverneur de Guyenne et de Languedoc en 1483, mort le 1er avril 1488.

4 Philippe, 5e fils de Louis comte de Savoie, et d’Anne de Lusignan-Chypre, beau-frère de Louis XI, né à Chambéry, le 5 février 1438, fut comte de Bresse, puis succéda dans le comté de Savoie à son arrière-neveu, Charles II, le 16 avril 1496 ; il mourut le 17 novembre 1497.

5 Guy Bernard, originaire de Tours, fils d’un receveur général des finances sous Charles VII, archidiacre de l’église de Tours, abbé de Saint-Rémy de Reims, avait été élu évêque de Langres en 1453 et sacré l’année suivante ; il resta à la tête de ce diocèse jusqu’au 28 avril 1481, date de sa mort.

6 Georges de La Trémoïlle, seigneur de Craon, de Jonvelle, de Rochefort, de l’Isle-Bouchard, etc., second fils du premier ministre de Charles VII, et de Catherine de l’Isle-Bouchard, sa deuxième femme, premier chambellan héréditaire de Bourgogne, lieutenant général de Champagne et de Brie, l’an 1474, depuis gouverneur de Bourgogne, dont il avait pris la capitale après la mort de Charles le Téméraire. Il mourut l’an 1481, sans laisser d’enfants de Marie, dame de Montauban, qu’il avait épousée, le 8 novembre 1464.