[p. 362]

MDXIX

Lettres de création de deux foires par an à Sepvret, en faveur de Mathurin Arembert, seigneur du lieu, procureur du roi en Poitou.

  • B AN JJ. 197, n° 405, fol. 214
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 362-365
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’humble supplicacion de nostre cher et bien amé maistre Mathurin Arember1, nostre procureur en Poictou et seigneur du [p. 363] lieu de Cevret en nostre dit païs de Poictou, contenant que audit lieu de Cevret, qui est assis en païs fort fertil et en lieu de grant passaige, affluent plusieurs tant marchans que autres, lesquelx y viennent partie par devocion et voyage en l’onneur de saint Lyenne et de saint Clouaud2 qui illec sont reclamez, et les autres pour vendre leurs denrées et marchandises et pour leurs affaires ; pour quoy, pour le bien et utilité d’icellui et de tout le païs d’environ, est bien requis qu’il y ait aucunes foires l’an, èsquelles lesdiz marchans se puissent plus aisement trouver et converser ensemble, pour faire et demener le fait de marchandise. Et pour ce nous a ledit seigneur de Cevret fait supplier et requerir que nostre plaisir soit leur octroyer oudit lieu deux foires l’an, c’est assavoir la première le jour et feste de saint Lyenne et la seconde le jour et feste de saint Clouaud ensuivant, et sur ce lui impartir nostre grace. Pourquoy nous, ces choses considerées et que à six lieues près dudit lieu de Cevret ne se tiennent aucunes foires ou marchez, dont icelles deux foires soient prejudiciables aux autres foires du païs d’environ, ainsi [p. 364] que ledit suppliant nous a fait dire et remonstrer, à icellui suppliant, pour ces causes et autres à ce nous mouvans, mesmement en faveur et consideracion des bons et agreables services qu’il nous a par cy devant et dès longtemps faiz ou fait dudit office de procureur et autres, et esperons que plus face ou temps avenir, avons par ces presentes, de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, octroyé et octroyons, voulons et nous plaist qu’il puisse et luy loyse faire tenir audit lieu de Cevret lesdictes deux foires l’an, c’est assavoir la première le jour et feste de saint Lyenne, la seconde le jour et feste de [saint] Clouaud ensuivant, comme dit est, et lesquelles nous y avons establies et establissons, par ces presentes, pour estre tenues ausdiz jours audit lieu de Cevret, et en joir et user doresenavant plainement et paisiblement par ledit suppliant et ses predecesseurs, à telz et semblables previllèges, droiz, coustumes, truages, estallages, fenestrages, forfaictures et vuydanges que font et ont acoustumé les autres ayans foires et marchez ou païs d’environ. Si donnons en mandement, par cesdictes presentes, au seneschal de Poictou ou à son lieutenant que, s’il lui appert de ce que dit est ou de tant que suffire doye, mesmement que à six [lieues] près et à l’environ dudit lieu de Cevret ne se tiennent nulles autres foyres ou marchez, que celles dont dessus est faicte mencion, et ne soient prejudiciables aux autres foyres d’environ, et que noz droiz et domaine n’en soient pour ce diminuez, il oudit cas face, seuffre et laisse ledit suppliant joir et user plainement et paisiblement desdictes foyres, ensemble des droiz, previllèges, coustumes, truages, estellages3, fenestraiges, forfaictures et vuydanges dessus dictes, en faisant ou faisant faire crier et publier icelles foires ès autres foires, marchez et assemblées, villes, [p. 365] bourgades et places marchandes du païs d’environ, et par tout ailleurs ou mestier sera, en faisant, en cas de debat, aux parties oyes raison et justice. Car ainsi nous plaist il estre fait, de grace especial, par cesdictes presentes. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à Nostre Dame de Selles en Poictou, le xixe jour du mois de mars l’an de grace mil cccc. soixante et douze, et de nostre règne le douzeiesme.

Ainsi signé : Par le roy, le sire de Bresuyre4 et plusieurs autres presens, P. de Sacierges5. — Visa. Contentor. Rolant.


1 Mathurin Arembert, procureur du roi en la sénéchaussée de Poitou, a été l’objet d’une notice dans notre précédent volume. (Arch. hist. du Poitou, t. XXXV, p. 412.) Un nouveau document relatif à ce personnage, découvert depuis cette publication, nous permet de préciser certaines dates et de fournir quelques renseignements complémentaires. Le 15 mai 1468, Louis de Crussol, sénéchal de Poitou, se fondant sur les lettres patentes du roi du 11 novembre 1461, lui permettant de nommer à tous les offices royaux en Poitou (cf. id., p. 450, note), avait pourvu Jean Rousseau de l’office de procureur du roi en la sénéchaussée de Poitou, au siège de Niort, et celui-ci avait été institué par Pierre Laidet, lieutenant du sénéchal audit siège. Mathurin Arembert, qui jusque-là avait été le seul procureur du roi en chef et exerçait son office aussi bien à Niort et dans les autres sièges de la sénéchaussée qu’à Poitiers même, soit par lui, soit par son substitut, se considérant comme lésé par cette nomination qui en réalité créait dans la sénéchaussée un second procureur du roi en chef, son égal, et par suite diminuait son autorité et ses prérogatives, l’attaqua comme attentatoire à ses droits et dignités et engloba, dans son procès contre Jean Rousseau, le lieutenant de Niort, Pierre Laidet, le sergent qui avait été commis à l’exécution des lettres de provision et le sénéchal lui-même, le sire de Crussol. Le Parlement de Bordeaux, ayant été transféré à Poitiers, fut saisi de l’affaire. Elle y fut plaidée les 28 mars, 23 avril, 2 et 9 mai 1471. (Arch. nat., X1a 4812, fol. 121 v°, 132 v°, 134 v°, 140 v° et 145.) Mathurin Arembert y fait rappeler par son avocat, Bermondet, que l’office de procureur en la sénéchaussée de Poitou avait été donné, dès l’an 1422, par Charles VII, à Jean Arembert, son père, qui l’exerça jusqu’en 1439. A cette date, « o le congié du roy », celui-ci le résigna au profit de son fils et Mathurin, régulièrement pourvu et institué, en remplit les fonctions jusqu’à la mort de Charles VII, se les fit confirmer par Louis XI et les a toujours depuis exercées sans contestation, jusqu’à cette nomination de Jean Rousseau. Comment la question fut-elle tranchée, et le fut elle par le Parlement de Poitiers, l’unique registre de cette cour qui subsiste, à notre connaissance, et ne s’étend pas au delà du 7 septembre 1471, ne permet pas de répondre à ces points d’interrogation. On voit, en tout cas, par les lettres instituant les foires de Sepvret que, le 19 mars 1473, Mathurin Arembert continuait à porter le titre de procureur du roi en Poitou.

2 Saint Lienne, disciple et collaborateur de saint Hilaire, était honoré particulièrement dans le Poitou. Sa fête se célébrait le 1er février. (Cf. Bollandistes, Acta Sanctorum, in-fol., Février, t. I, p. 91, et Bouchet, Annales d’Aquitaine, p. 44, 46.) Quant à saint Clouaud (Clodoaldus) autre forme du nom de saint Cloud, on sait qu’il se fête le 7 septembre.

3 Sic Plus haut on lit « estallages ». Ce mot s’écrit aussi bien « estellages ».

4 Jacques de Beaumont, seigneur de Bressuire, sur lequel voy. ci-dessus, p. 235, note 3, et p. 315.

5 Pierre de Sacierges, qui devint conseiller du roi, maître des requêtes de l’hôtel, prieur de la Châtille en 1484 (Arch. nat., X2a 45, sub fine), abbé de Notre-Dame-la-Grande de Poitiers (1487), chancelier et président du Sénat de Milan en 1500, évêque de Luçon, non pas à partir de l’année 1498, comme dit la Gallia christ. (t. II, col. 1411), mais dès avant le 4 août 1495 (X2a 61, à cette date) jusqu’à sa mort, arrivée le 9 septembre 1514.