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MDXXXIV

Lettres portant cession à Marguerite de Culant, veuve de Louis de Belleville, chevalier, des château, châtellenie, terre et seigneurie de Montmorillon en Poitou, et des villes, châteaux, terres et seigneuries de Saujon, Nancras et Champagné en Saintonge, au lieu du comté de Dreux qui avait été promis audit de Belleville par le traité d’échange, qu’il avait fait avec le roi, des ville, château et châtellenie de Montaigu.

  • B AN JJ. 204, n° 73, fol. 47
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 417-423
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, comme par certain traictié et appoinctement naguères fait et passé entre nous, d’une part, et feu Loys, en son vivant nostre cousin, seigneur de Belleville1, d’autre part, par lequel, entre autres choses et à nostre très grant instance et requeste, et pour le bien de nostre royaulme, icellui de Belleville nous ait baillé, transporté et delaissé par eschange, pour nous et noz successeurs à tousjours, les ville, chastel, baronnie, terre et seigneurie de Montaigu en Poictou, avec et soubz les condicions et reservacions plus à plain contenues èsdictes lettres de traictié2 ; et pour et ou lieu d’icelle ville, chastel et seignourie dudit Montaigu lui ayons promis et accordé, entre autres choses, bailler et delaisser par contre eschange, [p. 418] pour lui et les siens, la conté de Dreux avec tous ses droiz, prerogatives et appartenances, et la lui faire valloir jusques à la somme de deux mil livres tournois, de prouchain en prouchain, et en oultre jusques à ce qu’il eust la possession et joyssance d’icelle conté de Dreux, pour ce qu’elle n’estoit en noz mains, lui eussions baillé en gaige la conté, ville et appartenances d’Evreux, ensemble le droit, prouffit et emolument du grenier à sel par nous establi audit lieu d’Evreux et ses appartenances ; et semblablement eussions cedé et transporté à nostre chère et amée cousine, Marguerite de Culant, lors femme dudit de Belleville et à present vefve de lui, les chastel, chastellenie, terre et seignourie de Montmorillon, situez et assis en nostre pays et conté de Poictou, comme plus à plain est contenu, oudit traictié. Depuis lequel, ledit feu Loys de Belleville soit allé de vie à trespas. Et pour ce que encores n’avons peu et bonnement ne pourrions à present bailler ladicte conté de Dreux3, ainsi par nous promise oudit eschange, comme dit est, et que desirons nous acquicter, comme raison est, envers ladicte vefve et enfans d’icellui feu Loys de Belleville, ayons par aucuns noz conseillers et officiers estans entour de nous fait savoir à icelle vefve, à laquelle avons baillé la garde, tutelle et gouvernement desdiz enfans, parce qu’ilz sont encores mineurs et en bas aage, se elle vouldra en ladicte qualité prendre et accepter lesdictes deux mille livres tournois de rente autre part et en autre assiète, ce que elle ait liberalement acordé et consenti, en soy soubzmetant sur ce à nostre bon plaisir ;

Pour ce est il que nous, voulans user de bonne foy envers [p. 419]icelle nostre cousine èsdiz noms et nous acquicter envers elle, comme raison est, avons, pour ces causes et consideracions et autres à ce nous mouvans, et pour demourer quictes et deschargez, par nous et les nostres à tousjours, envers lesdiz enfans et heritiers dudit feu Loys de Belleville, dudit conté de Dreux et desdictes deux mil livres tournois de rente, ensemble des promesses par nous faites touchant l’assiète d’icelles deux mil livres de rente, baillé, cedé, transporté et delaissé et, par la teneur de ces presentes, baillons, cedons, transportons et delaissons à icelle nostre cousine, ou nom et comme ayant lesdiz bail, garde, gouvernement et administracion desdiz enffans, les chastel, chastellenie, terre et seignourie dudit lieu de Montmorillon4, ensemble les villes, chasteaulx, bailliages, terres et [p. 420] seignouries de Saugon, Nancras5 et Champaigne en Xaintonge, avec toutes les appartenances et appendances de toutes les choses dessus dictes, ainsi qu’elles se comportent [p. 421] et extendent, tant en droit de chastel et chastellenie, justice et juridicion haulte, moyenne et basse, hommes, hommages, fiefz, arrèrefiefz, prés, terres, boys, forestz, rivières, cens, rentes, revenues et autres dommaines quelzconques, droit de guet, de patronnage, collacions de benefices, pasturages, peages, passaiges et destroiz, que autres droiz et devoirs quelzconques, pour les avoir, tenir, posseder, explecter et en joir par ladicte vefve oudit nom, sesdiz hoirs et successeurs à tousjours maiz, comme de leur propre chose et heritaige, sans y riens retenir pour nous et les nostres, fors seulement les foy et hommaige, ressort et souveraineté, jasoit ce que par ledit traité nous eussions fait don, cession et transport, comme dit est, à nostre dicte cousine, de ladicte seignourie de Montmorillon, avec la reservacion d’autant de hommages et fiefz estans soubz icelle chastellenie, terre et seignourie dudit Montmorillon, comme icellui deffunct en avoit retenu de ladicte baronnie et seignourie dudit Montaigu ; laquelle reservacion par ce moien demeure nulle. Et en ce faisant, icelle nostre cousine a voulu et consenti, veult et conscent que lesdiz don, cession et transport par nous à elle faiz d’icelle terre et seignourie de Montmorillon, comme dit est, soient et demeurent nulz et de nulle valleur et effect. Et en oultre avons promis et accordé, promettons et accordons, par ces dictes presentes, à icelle nostre cousine oudit nom, lui faire avoir et bailler la possession, saisine et joyssance plainière de ladicte ville, chastel, chastellenie, terre et seignourie de Montmorillon et desdiz bailliages et de chacun d’eulx, et que, jusques à ce qu’elle en soit en vraye possession et joyssance elle tiengne et posside, èsdiz noms, ladicte conté d’Evreux avec sesdictes appartenances et appendences, ensemble l’emolument dudit grenier. Et d’abondant, promettons de bonne foy et en parolle de roy garentir et deffendre à icelle nostre cousine, oudit nom, lesdicte terre et seignourie de Montmorillon et bailliages dessus declairez, avec leursdictes appartenances et deppendances, [p. 422] de toutes et chacunes les obligacions, ypothecques, charges et autres actions quelzconques que aucuns pourroient avoir et pretendre en icelles, pour quelque cause ou manière que ce soit, fors seulement des charges foncières et anciennes, et aussi des fiefz et aulmosnes et autres charges ordinaires estans sur icelles terres et seignouries. Et s’il avenoit que icelle nostre cousine, oudit nom, ou les siens feussent mis en procès à l’occasion desdictes terres et seigneuries ou d’aucunes d’icelles, nous voulons que nostre procureur en preigne la garentie et deffense pour eulx, et en cas de eviction, qu’ilz en soient par nous et noz successeurs renduz indempnez et raisonnablement recompensez. Et en oultre, voulons, octroyons, accordons et nous plaist, de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, que lesdiz troys bailliages et seignouries de Saugeon, Nancras et Champaigné et leurs dictes appartenances soient doresenavant tenues de nous, nuement et sans moien, à une foy et hommage seulement, selon l’usaige et coustume de nostre pays de Xaintonge. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à nos amez et feaulx conseillers les gens de nostre court de Parlement, de noz comptes et tresoriers, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers, et à leurs lieuxtenans et à chacun d’eux, si comme à lui appartendra, que nostre dicte cousine de Culant, èsdiz noms, ilz facent, seuffrent et laissent joir et user paisiblement de noz presens bail, cession, transport, delaissement, voulenté, octroy et de tout le contenu en ces presentes, sans leur faire ne souffrir estre fait, mis ou donné aucun destourbier ou empeschement au contraire ; lequel se fait, mis ou donné lui estoit en aucune manière, si l’ostent ou facent oster et mettre sans delay au premier estat et deu ; et par rapportant ces dictes presentes, signées de nostre main, ou vidimus d’icelles fait soubz seel royal, et recongnoissance sur ce souffisante seulement, nous voulons nostre receveur ordinaire de Poictou [p. 423]et tous autres qu’il appartendra en estre et demourer quictes et deschargez par nos diz gens des comptes, sans difficulté. Et affin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces dictes presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à Senliz, ou moys de mai l’an de grace mil cccc. soixante quatorze, et de nostre règne le xiiie6.

Ainsi signé : Loys. — Par le roy. G. Avrillot. — Visa.


1 Sur ce personnage, cf. notre vol. précédent, p. 367, 407, 454 et 456, notes, et ci-dessus, p. 395, note 2.

2 Il s’agit ici du traité signé à Sablé, le 4 août 1473, dont nous avons donné une courte analyse dans une note, ci-dessus, p. 397. La mort de Louis de Belleville, survenue peu de temps après, ou tout autre circonstance en ayant empêché l’exécution, les négociations furent reprises avec sa veuve, ses enfants et ses frères et aboutirent aux nouvelles conventions énumérées dans les présentes lettres patentes. Elles n’eurent d’ailleurs pas plus d’effet que les premières, et ce ne fut que cinq ans plus tard que la question des dédommagements pour la cession de Montaigu à Louis XI fut définitivement réglée. (Cf. la note de la page 419 suivante.)

3 Suivant l’Art de vérifier les dates, Charles II, sire d’Albret, auquel Charles VII avait restitué le comté de Dreux, par lettres données à Amboise, le 16 novembre 1441, après l’avoir reconquis sur les Anglais, mourut en 1471, laissant par son testament ledit comté à son troisième fils, Arnaud-Amanieu, sire d’Orval. « Alain le Grand, sire d’Albret, petit-fils de Charles II, n’ayant point approuvé cette disposition, la rendit inutile en se saisissant par force du comté de Dreux, dans la jouissance duquel il se maintint. » (Edit. in-fol., t. II, p. 674.)

4 Nous avons vu que Charles VII, en reconnaissance des services que lui avait rendus Etienne de Vignoles, dit La Hire, son écuyer d’écurie, lui avait cédé, par lettres datées de Tours, le 7 janvier 1436 n.s., pour lui et ses hoirs mâles, la terre et seigneurie de Montmorillon, avec ses rentes, revenus, appartenances et dépendances. La Hire étant décédé sans enfants, le 11 janvier 1443, sa veuve, Marguerite David, transporta, moyennant le prix de 6.000 écus, la terre et châtellenie de Montmorillon à André de Villequier, chambellan et favori du roi, arrangement ratifié par lettres patentes de juillet 1445. Après la mort de celui-ci (avril 1454), Montmorillon fit retour à la couronne, malgré les réclamations de ses enfants et héritiers, (Introduction de notre t. IX, Arch. hist. du Poitou, t. XXXII, p. xxxv.) Peu après son avènement, Louis XI, par lettres données à Avesnes en Hainaut, le 4 août 1461, fit don à Josselin Du Bois, écuyer, depuis bailli des Montagnes d’Auvergne, des « chastel, ville, terre, seigneurie et chastellenye dudit lieu de Montmorillon, ensemble la cappitainerie, cens, rentes, guetz, justices et juridictions appartenans au roy, à cause d’icelle seigneurie, chastellenye et ressort, à quelque valleur et estimacion qu’ilz viennent, tout ainsi que les avoit et prenoit, par don du roy Charles, feu André, sr de Villequier, pour en joyr par ledit Josselin sa vie durant ». (Arch. nat., J. 748, n° 11, fol. 

<x>1 v°.</x>
) Quand Louis XI, d’abord par le traité conclu à Sablé, le 4 août 1473, puis par les présentes lettres patentes, céda, en échange de Montaigu, entre autres terres et seigneuries, celle de Montmorillon à Louis de Belleville, puis à sa veuve et à ses héritiers, cette dernière ne faisait plus partie du domaine royal, et il était nécessaire d’en négocier le rachat avec le dernier donataire, sans compter que les fils d’André de Villequier en contestaient à celui-ci la possession, ce qui retarda de plusieurs années la mise à exécution de la clause attribuant ladite terre et seigneurie à Marguerite de Culant et à ses enfants. Ce fut seulement au commencement de l’année 1478 que le roi put en disposer, comme on le voit par cet extrait d’un État des dons et aliénations du domaine de la sénéchaussée de Poitou pendant le règne de Louis XI : « En lad. année (1477) appert ledit roy avoir commandé et ordonné à messire Josselin Du Boys, chevalier, cappitaine des ville, chastel, terre et seigneurie de Montmorillon, mettre reaulment et de faict ès mains de Me Pierre Jouvelin, conseiller dudit seigneur et correcteur en sa chambre des comptes à Paris, auquel icelluy sr avait de ce baillé charge, lesd. ville, chastel, terre et seigneurie de Montmorillon, dont icelluy Du Boys joyssoit auparavant, ainsi qu’il est dit cy dessus ; et en obtemperant audit commandement, ledit Du Boys avoir remis et quicté audit seigneur la possession et saisine desd. ville, chastel et seigneurye de Montmorillon, et baillé les clefz audit Jouvelin, et ce moyennant la somme de six mil écus d’or payez audit Du Boys par Me Pierre Parent, receveur général des finances, par lettres patentes données au Plessis-du-Parc-lez-Tours, le quatorziesme janvier m.iiiiclxxvii (1478 n.s.) et quictance dudit Du Boys desd. vim escuz. » (Id., J. 748, n° 11, fol. 19 v°.)

La conclusion de cette affaire n’eut point pour résultat de faire entrer tout de suite la veuve et les enfants de Louis, de Belleville en jouissance de Montmorillon. Le troisième contrat réglant définitivement les dédommagements qu’ils devaient avoir en échange de Montaigu, ne fut conclu qu’au mois d’avril 1479 et sortit effet à la fin de cette année. Il n’y est plus question de Saujon, Nancras et Champagné en Saintonge, mais de Montmorillon tout uniment. Louis XI seul avait bénéficié de tous ces atermoiements. Ce dernier traité fut enregistré au Parlement, le 24 novembre 1480, avec un mandement du roi à Jean Le Sellier, président de la chambre des enquêtes, et à Jean Bourré, maître des comptes et trésorier de France, de se transporter à Montmorillon pour mettre Marguerite de Culant en possession de cette seigneurie et décharger de l’administration provisoire de ladite terre Pierre, Jean et Louis Morin, mandement daté du Plessis-du-Parc-lez-Tours, le 20 avril 1479. (Arch. nat., X1a 8607, fol. 241 v°, 248 v°.) Les commissaires royaux n’avaient pas attendu l’enregistrement pour s’acquitter de leur charge. L’acte de remise du château de Montmorillon entre les mains de la veuve de Louis de Belleville nous a été conservé et il porte la date de février 1480 n.s. (Bibl. nat., ms. fr. 26763, Pièces orig. vol. 279, n° 25.) Le n° 20 du même recueil est l’acte de constitution du douaire de ladite dame sur la même terre et seigneurie, passé à Poitiers, le 5 mai 1479. Marguerite de Culant rendit aveu au roi pour Montmorillon le 18 avril 1483 ; dans cet acte elle s’intitule dame de Belleville, de Cosnac et de Montmorillon, tutrice de ses enfants mineurs. (Arch. nat., P. 1145, fol. 159.) Sauf celui de tutrice, elle prend encore les mêmes titres et qualités dans une charte du 2 juillet 1491, par laquelle elle concède, comme dame de Montmorillon, à Jean de Moussy, écuyer, sr de la Contour et de Boismorant, en récompense des services qu’il lui a rendus, un droit d’usage en sa forêt de Chavagne (autrement dite de Montmorillon), pour son chauffage et pour le bois de construction qui serait nécessaire à ses maisons de la Contour et de Boismorant, ainsi qu’un droit de police et de surveillance en ladite forêt. (Id., Z1e 321, fol. 180.)

5 Le scribe a cru lire « Naurras ».

6 Ces lettres patentes furent enregistrées, sous certaines réserves, au Parlement de Paris, en vertu de l’arrêt suivant du 11 mai 1475 : « Lecta, publicata et registrata, absque prejudicio oppositionum domini Josselini de Bosco, militis, Arturi et Anthonii de Villequier, fratrum, et etiam sine prejudicio processuum in curia pendentium inter Anthonium, Jacobum et Egidium de Belleville, fratres, ac Bertrandum Larcevesque et Mariam de Belleville, ejus uxorem, ac etiam dominum de Foresta et magistrum Johannem Mérichon, et procuratorem generalem regis, tanquam dicte Margarete de Culant garendum. Actum in Parlamento, undecima die maii anno m°ccccmo septuagesimo quinto. Sic signatum : Brunat. » (Arch. nat., X1a 8607, fol. 18.)