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MCCCCLXIV

Rémission accordée à Michau Texier, qui en se défendant contre une agression à main armée, avait frappé mortellement Mathurin Prévost.

  • B AN JJ. 196, n° 85, fol. 53
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 177-179
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Micheau Texier, povre jeune homme de l’aage de xxiii. ans ou environ, contenant que le xxve jour de fevrier derrenier passé, environ dix heures devers le matin, survindrent à l’ostel du père dudit suppliant Jehan Maillet, frère de la femme d’icellui suppliant, et André Maillet, neveu de la dicte femme, demourant à Montigret1, lesquelz dirent audit suppliant qu’ilz vouloient aller ou pays d’Aulnis gaigner argent à labourer ès vignes, et il leur respondit qu’il iroit volentiers avec eulx. Et alors il print son fessouer2 et deux pains fetiz3 en ung sac pour sa provision de la sepmaine ensuivante, et s’en allèrent tous troys à Beauvoir et illec beurent pinte de vin en l’ostel de ung nommé Petit Guillaume Micheau, mareschal ; ouquel hostel estoient ung nommé Jehan Mauduit et ung autre homme duquel ledit suppliant ne scet le nom, demourans à Perignet. Et quant lesdiz Jehan Maillez et icellui suppliant eurent beu ladicte pinte de vin, ilz se misrent en chemin pour aller oudit pays d’Aulnis ; et quant ilz furent hors dudit lieu de Beauvoir, ilz virent venir après eulx ledit Mauduit et son compaignon qu’ilz attendirent. Et quant ilz furent [p. 178] assemblez, ilz leur dirent que Guyot Reymond et Mathurin Prevost, son serourge, avoient beu audit lieu de Beauvoir, qui les menassoient à batre et qu’ilz s’en donnassent garde, et que ledit Reymond avoit ung grant cousteau soubz sa robe, et d’illec s’en allèrent tous cinq ensemble jusques à ung village auprès duquel les aconsuivent lesdiz Guiot Reymond et Maturin Prevost et ung autre, duquel ledit suppliant ne scet le nom. Et quant ilz furent ensemble, ledit Guiot Reymond demoura derrière, comme s’il eust voulu pisser, et tantost après vinst bien hastivement et dist ausdiz Mailletz et suppliant qu’ilz le menaçoyent, et de fait tira ung grant cousteau qu’il avoit soubz sa robe et jura la passion Nostre Seigneur qui les tueroit tous troys. Et lors ledit suppliant, pour cuider apaisier la noise, se mist entre deux, en disant audit Guiot qu’il ne les batroit pas tous troys. Et adonc ledit Mathurin Prevost frappa ledit suppliant sur la teste d’un fessouer et le bleça bien oultrageusement. Et quant il se senty ainsi blecié, il se mist en deffense contre ledit Maturin Prevost et de son fessouer le frappa par la poictrine tellement qu’il le tumba par terre, et encores lui donna ung autre coup sur l’espaule, et après le laissa illec et s’en ala secourir lesdiz Mailletz que ledit Reymond batoit de son cousteau ; et si tost qu’il fust avec eulx, icellui suppliant et lesdiz Mailletz frapèrent sur ledit Raymond, en eulx deffendant, tellement qu’il tumba par terre ; et quant il fut ainsi tumbé, lesdiz Mailletz le batirent par les jambes et lui ostèrent son cousteau, duquel ledit André Maillet frapa icellui Reymond de taille à travers la cuisse jusques à grant effusion de sang. Et après se departirent d’ilec et laissèrent en la place lesdiz Guyot et Prevost, et s’en vindrent à l’ostel d’un nommé Jehan Prevost, lequel envoya querir Guillaume Prevost, son cousin, pour habiller la bleceure dudit suppliant, et d’ilec s’en partirent lesdiz Mailletz et suppliant et s’en alèrent où bon leur sembla. Et pour [p. 179] doubte des choses dessus dictes, se mist ledit suppliant en franchise où il se tint par aucun temps, pendant lequel il a sceu que ledit Maturin Prevost est allé de vie à trespassement. A l’occasion duquel cas, ledit suppliant doubte estre aprehendé par justice, etc. Au seneschal de Poictou et à tous, etc. Donné à Tours, ou moys de juillet l’an de grace mill cccc. lxix, et de nostre règne le viiie.

Ainsi signé ; Par le roy, à la rellacion du Conseil. P. Aude. — Visa. Contentor. Rolant.


1 Sic. C’est une faute de copiste, pour « Montigné. »

2 Ce mot s’écrit le plus souvent fossouer ou fossoir et a le sens de houe.

3 Pain de qualité inférieure.