MCCCCLXXXVII
Don à Anne de France, fille du roi, de la vicomté de Thouars et des terres et seigneuries de Mauléon et de Berrie, acquises par Louis XI de feu Louis d’Amboise, en son vivant vicomte de Thouars.
- B AN JJ. 196, n° 152, fol. 85 v°, et n° 318, fol. 1981
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 247-254
Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, que, comme tantost après nostre advenement à la couronne, meuz d’amour et affection paternelz, desirans avantaiger et augmenter le bien de nostre très chère et très amée aisnée2 fille Anne3, à [p. 248]nostre povoir, voulans, le plus que possible nous est, maintenir et conserver en son entier le patrimoine et dommaine de nostre dicte couronne, ainsi que l’avons juré [p. 249] et promis, eussions proposé et deliberé avoir et acquerir aucunes terres et seigneuries pour donner à nostre dicte fille, pour l’augmentacion de son mariaige, quant l’eure adviendroit, en ensuyvant et continuant lesquelx propox et deliberacion et en l’entencion dessus dicte, eussions dès pieçà, à bons et justes tiltres, acquis de nostre feu cousin Loys d’Amboise les viconté, chastellenie, terre et seigneurie de Thouars, ensemblement les terres et seigneuries de Mauleon et de Berrye et toutes leurs appartenances, deppendances et appendances, tant en villes, chasteaulx, forteresses, noblesses, fiefz, arrierefiefz, hommaiges et teneures, prez, boys, moulins, estangs, rivières, cens, rentes, revenues, justices que autres droiz, prouffiz et esmolumens quelxconques, lesquelles terres et seigneuries, tant par ladicte acquisicion que autrement, nous compettent et appartiennent ; et depuis nous aions tousjours eu ferme propox d’icelles choses donner à nostredicte fille, pour elle, ses hoirs et aians cause, considerans que n’avons riens en ce monde plus prouchain que elle et que des choses qui d’ancienneté sont de nostre couronne, graces à Nostre Seigneur, avons entière et paisible joyssance, autant ou plus que de long temps aient eu noz progeniteurs roys de France ; et avec ce avons tellement augmenté le fait de nostredit royaume que y avons adjousté plusieurs belles seigneuries, par quoy de plus en plus devons estre meuz de liberalité envers nostre dicte fille. Pour ces causes et autres raisonnables qui à ce nous meuvent, avons, de nostre certaine science, propre mouvement, pure et liberalle voulenté, donné et octroyé, cedé, quicté, transporté et delaissé par pure et irrevocable donacion, donnons, octroyons, cedons, quictons, transportons, delaissons, par ces presentes, à nostre dicte fille, pour elle, ses hoirs et successeurs perpetuellement, pour estre censez et reputez le propre heritaige et patrimoine de nostre dicte fille et de ses hoirs et successeurs, sans ce qu’il puisse estre dit ne [p. 250] reputé pour acquest entre elle et nostre très cher et très amé filz et cousin le marquis du Pont4, les dictes viconté, chastellenie, terre et seigneurie de Thouars, ensemble les terres et seigneuries de Mauleon et de Berrye et toutes leurs appartenances et deppendences, tant en villes, chasteaulx, forteresses, noblesses, fiefz, arrierefiefz, hommages, teneures, prez, boys, molins, estans, rivières, cens, rentes, revenues, justices, que autres droiz, prouffiz et esmolumens quelxconques, sans aucune chose excepter, reserver ne retenir, fors seullement la foy et hommaige, lesquelx foy et hommaige nostre dicte fille et ses diz successeurs seront tenuz nous faire à cause de nostre conté de Poictou, excepté la seigneurie de Berrye, qui est tenue de la seigneurie de Lodun, reservé aussi la souveraineté et le ressort et juridicion aux sieiges [p. 251] de nostre dicte conté de Poictou, ausquelx sieiges les dictes terres ressortiront, ainsi qu’il a esté acoustumé par cy devant, pour icelles terres tenir, possider et exploicter par nostre dicte fille, sesdiz hoirs et successeurs, comme leur propre heritaige et patrimoine, par la manière que dit est. Lesquelx donnacion et transport avons faiz, pour les causes dessus dictes et autres à ce nous mouvans, et pour ce que très bien nous a pleu et plest, et supposé que de nous ne soit à ceste heure vivant aucun presumptif hoir masle, yssu de nostre corps. Toutesvoyes, s’il advenoit, ainsi que moiennant la grace de Dieu esperons, que en eussions pour le temps advenir, ne voullons pourtant que ce portast aucun prejudice à ceste presente donnacion ne au contenu à ces presentes, ainçoiz voullons, entendons et desirons de tout nostre cueur que elle vaille perpetuellement, comme donnacion irrevocable sollennellement5 faicte entre vifz, sans ce que par nous, noz successeurs ou autres elle puisse estre retractée, revocquée ou anullée en tout ne en partie, taisiblement ou expressement, soit à cause, soubz couleur ou pour occasion de ce que on veult dire que en l’acquest que en avons fait ait esté dit ou escript que lesdictes seigneuries seroient unyes et incorporées perpetuellement et inseparablement6 à nostre couronne ou autrement, à quelque cause que ce soit ou puisse estre, de laquelle, en tant que mestier est ou seroit, nous lesdites viconté, chastellenies, terres et seigneuries dessus declarées en avons, de nostre certaine science, plaine puissance et auctorité royal, desjoinctes et separées, desjoignons et separons par ces mesmes presentes, declarans et affermans que dès lors nostre voulunté estoit7 telle, nonobstant quelque chose qui pourrait estre contenue ès lettres dudit transport, lesquelles choses ne voullons nuyre [p. 252] ne prejudicier à nos dictes lettres de don et octroy. Et en faveur de nostre dicte fille et pour icelle relever, et ses successeurs, de charges et deppenses, nous avons promis et promettons que se, pour le temps advenir, on luy mouvoit procès et question à cause desdictes terres et seigneuries, nous ferons conduire lesdiz procès ou nom de nous et à noz despens jusques en fin de cause. Et promettons en parolle de roy de tenir et acomplir fermement et loyaulment toutes et chacunes les choses dessus dictes, sans jamès8 faire ne venir au contraire. Et affin que nostre dicte fille soit investie des dictes terres et seigneuries [de Thouars, Mauleon et Berrye, de chacune d’icelles et de leursdictes appartenances et appendences, nous, par la tradicion de ces presentes, nous en sommes desvestuz et dessaisiz et en avons nostre dicte fille vestue et saisie, constituée et constituons, par ces presentes, vraye possesserresse et dame incommutable, moyennant l’ommaige, que ou nom d’elle nous en fera nostredit très cher et très amé frère (sic) et cousin le marquis du Pont9], nous l’en avons receue à l’ommaige que, ou nom d’elle, nous en a fait nostre très cher et très amé filz et cousin, le marquis du Pont, mary de nostre dicte fille, lequel a esté present à ceste presente donnacion et icelle a acceptée pour et ou nom de nostre dicte fille, et voulu et consenty que lesdictes terres et seigneuries fussent le propre heritaige et patrimoine d’elle et de ses successeurs, sans ce qu’elles soient tenues ne reputées pour acquest fait10 entre eulx, et toutes les autres choses ci dessus contenues et escriptes. Et combien que lesdictes terres et seigneuries fussent tenues, à cause de nostre conté de Poictou, à plusieurs et divers hommages, nous, de nostre plus ample grace, avons [p. 253]voulu et octroyé, voullons et octroyons qu’elles soient doresnavant tenues de nous, à cause de nostre dit conté de Poictou, à une seulle foy et hommaige, reservé toutesfois ladicte seigneurie de Berrye qui est tenue de Lodun, comme dit est. [Par la reception duquel hommaige te tradicion de ces presentes, nous sommes desvestuz et dessaisiz desdictes terres et seigneuries de Thouars, Mauleon et Berrye et de chacune d’icelles, leurs dictes appartenances et deppendences, et en avons nostre dicte fille vestue et saisye, constituée et constituons par ces presentes vraye possesserresse et dame incommutable11.] Si donnons en mandement à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans et qui tiendront nostre court de Parlement, gens de noz comptes, tresoriers de France, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers et à chacun d’eulx, si comme à luy appartiendra, que de noz presens don, cession et transport12 facent, seuffrent et laissent joyr et user plainement et paisiblement nostre dicte fille, ses diz hoirs, successeurs et ayans cause, en la forme et manière devant dicte, et ces presentes enterinent et facent lire, publier et enregistrer, chacun endroit soy, par tous les lieux où il appartiendra ; car ainsi nous plaist il estre fait, nonobstant comme dessus13. Et affin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons signées cesdictes presentes de nostre main et à icelles fait metre nostre scel. Sauf toutesvoyes en autres choses nostre droict et l’autruy en toutes. Donné à Amboyse, ou moys de may l’an de grace mil cccc. soixante dix, et de nostre règne le neufiesme.
[p. 254] Par14 le roy, les sires de Chastillon, de Crussol, de La Forest, de Bressuire, maistre Pierre Doriolle15 et autres presens. Flameng. — Visa.