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MCCCCLXXII

Lettres d’amortissement des biens et rentes légués par feu Jeanne Daniel, femme de feu Jean Colas, conseiller au Parlement, pour la fondation et la dotation de deux chapelles en l’église de Saint-Didier de Poitiers.

  • B AN JJ. 196, n° 60, fol. 39
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 201-206
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des executeurs et heritiers du testament et ordonnance de derrenière voulenté de feue Jehanne Danyelle, jadiz femme de feu maistre Jehan Colas1, en son vivant [p. 202] conseiller en nostre court de Parlement, contenant que ladicte deffuncte par son testament, pour le salut de son ame et pour la fondacion d’une chappelle de deux messes [p. 203]qu’elle ordonna estre cellebrées par chacune sepmaine perpetuellement en l’eglise monsieur Saint Didier de Poictiers, et cinq messes par chacune sepmaine en l’eglise Nostre Dame la Grant dudit lieu de Poictiers, lesquelles cinq messes, par son codicille ou derrenière ordonnance, elle voult estre converties en deux chappelles qu’elle ordonna estre fondées par sesdiz executeurs en ladicte eglise de Saint Didier, à l’autel Nostre Dame, à la louenge et reverence de Dieu, de la dicte glorieuse Vierge Marie et de tous les sains et sainctes de paradis ; et pour l’entretenement et perpetuacion desdictes messes, donna et legua ausdictes chappelles et aux chappellains qui diroient et celebreroient lesdictes messes, les rentes et revenues en choses roturières, qui cy après s’ensuivent : c’est assavoir la mestairie de Martigné en la parroisse de Chassegnoil et ses appartenances de terres, vignes et autres appartenances d’icelle, vallant, toutes les choses payées, huit livres de rente ou environ chacun an ; item, cinq sextiers deux boisseaulx deux tiers de froment, mesure de Poictiers, que lui doivent par chacun an les Charriers2 de Chastelleraud, vallant par chacun an, en commune estimacion, trente et neuf solz et demi de rente ; item, quatre sextiers de froment assis sur le lieu et mestairie de la Bardonnière, valans par chacun an trente solz tournois de rente ou environ ; item, quatre solz tournois de rente par chacun an, assis sur une maison, appellée la maison du Mouton, estant en nostre ville de Poictiers ; item, quarente solz [p. 204] tournois de rente, qu’elle avoit droit de prendre par chacun an sur les biens de feu Colas Reppin3 ; item, une treille assise audit lieu de Poictiers, contenant journée à quatre hommes, valans par chacun an quatre solz de rente ou environ ; item, dix livres parisis de rente par chacun an, qu’elle ordonna estre acquises pour le pris et somme de cent escus d’or. Et avecques ce, voult et ordonna expressement par son dit testament et codicille que les rentes, revenues et autres choses dessus dictes fussent admorties, moyennant nostre bon plaisir, à ses despens et sur ses biens par les diz executeurs supplians, en manière que ledit service n’en cessast point, ainsi que plus à plain on dit ces choses estre contenues oudit testament et codicille. Et à ceste cause, nous ont lesdiz supplians, desirant de tout leur povoir accomplir la voulenté et ordonnance de ladicte deffuncte, ainsi que tenus y sont, et aussi affin qu’elle ne demeure ou temps avenir defraudée de son entencion ne lesdiz messes et service discontinuez, humblement fait supplier et requerir que, attendu ce que dit est, mesmement que toutes les dictes rentes et choses dessus dictes, acquises ou à acquerir, montant ensemble à la somme de vingt et cinq livres tournois de rente par chacun ou environ, sont rosturières et n’y a autres fondacions èsdictes chappelles, il nous plaise, moiennant aucune somme moderée que pour ce faire offrent nous paier content sur les diz biens de la dicte deffuncte, admortir lesdictes choses jusques à ladicte somme par chacun an, et sur ce nostre grace impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées et afin que tousjours soyons partissipans ès prières et biens faiz èsdictes eglises et chappelles, et pour [p. 205] la singullière devocion que avons tousjours eue et avons à la glorieuse Vierge Marie et audit monsieur Saint Didier, dont est fondée ladicte eglise, où sont icelles chappelles, avons lesdictes rentes et revenues et choses dessus declairées, ainsi tenues roturièrement jusques à ladicte somme et valeur des dictes xxv. livres tournois de rente par chacun an, de nostre certaine science, plaine puissance et auctorité royal, admorties et admortissons par ces presentes, et voulons estre du tout à Dieu dediées, à l’entretenement et perpetuacion desdictes chappelles et messes, sans ce que lesdiz supplians ne lesdiz chappellains, ne autres qui doresenavant s’entremettront d’icelles, soient tenus, ores ne pour le temps advenir, en faire ou paier à nous et à noz successeurs aucune indempnité ne finance, ne les mettre hors de leurs mains, en quelque manière que ce soit, et moiennant la somme de deux cens escus d’or, à laquelle avons pour ce fait composer avec lesdiz supplians, et laquelle ilz nous ont baillée content en noz mains ; et d’icelle, ensemble de toute finance, admortiment et indempnité, que nous ou noz successeurs pourroient pour ce demander ausdiz supplians et aux chappellains desdictes chappelles, presens et avenir, avons iceulx supplians, chappellains et entremetteurs desdictes chappelles et tous autres quelzconques quictez et quictons, par ces dictes presentes, signées de nostre main. Si donnons en mandement par ces dictes presentes à noz amez et feaulx gens de noz comptes et tresoriers, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers ou à leurs lieuxtenans, presens et advenir, et à chacun d’eulx, comme à lui appartendra, que de nostre presente grace, admortissement, quictance et octroy ilz facent, seuffrent et laissent lesdiz supplians et les chappellains et entremetteurs desdictes chappelles joir et user plainement et paisiblement, sans leur faire, mettre ou donner, ny souffrir estre fait, mis ou donné, ores ne pour le temps avenir, aucun destourbier [p. 206] ou empeschement au contraire ; lequel, se fait mis ou donné leur estoit, mettent ou facent mettre sans delay à plaine delivrance. Et affin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre scel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné à la Menistré, ou moys d’aoust l’an de grace mil cccc. soixante neuf, et de nostre règne le ixe.

Ainsi signé : Loys. Et au reply desdictes lettres estoit escript : Par le roy, messire Yvon du Fou4 et autres presens, et signé : Flameng. — Visa. Contentor. Duban.


1 Jean Colas, licencié en lois, était en 1419 sénéchal de Mauléon (Châtillon-sur-Sèvre) et en 1426 juge châtelain de Thouars. Il était poursuivi en cette qualité avec Jean Barret sénéchal, et Jean Chambret, procureur dudit lieu, par Jean Turcant qui les accusait de déni de justice dans une poursuite criminelle qu’il avait intentée à Thouars, contre Clément Augis, qui l’avait frappé, disait-il, à coups de bâton. Jean Rabateau plaida pour les officiers de Thouars et démontra que le plaignant avait été l’agresseur et qu’il avait été justement condamné. (Plaidoirie du 5 mars 1426 n.s. Arch. nat., X2a 18, fol. 90.) Le 12 novembre 1433, Jean Colas fut reçu conseiller au Parlement siégeant à Poitiers. (Id., X1a 9194, fol. 54.) A partir de cette époque on le trouve chargé par le roi de missions importantes. Ainsi, quand à la fin de l’année 1439, le dauphin Louis fut envoyé en Poitou, Jean Colas lui fut adjoint, avec Jean de Montmorin, maître des requêtes de l’hôtel, et Pierre de Tuillières, aussi conseiller au Parlement ; ils portaient le titre de commissaires royaux pour enquêter sur les faits de pillage, rebellions, abus de justice, exactions et autres crimes commis dans le Poitou, en poursuivre les auteurs et les punir selon l’exigence des cas, en prenant les ordres du dauphin. Leurs lettres de commission portent la date du 12 décembre 1439. (Cf. notre t. VIII, Arch. hist., XXIX, p. 120, note.) Jean Colas ne suivit point le dauphin dans sa révolte contre l’autorité royale et ne participa pas à la Praguerie. Il reprit ses fonctions de conseiller au Parlement rétabli à Paris. Sa sœur, Jeanne Colas, veuve de Nicolas Roigne, lieutenant général du sénéchal de Poitou, avait épousé, vers 1420, le successeur de celui-ci, Maurice Claveurier, et le laissa veuf au bout d’une douzaine d’années d’union. Claveurier contracta un nouveau mariage avec Louise Eschalart, le 5 juillet 1434, et Jean Colas fut l’un des témoins de son beau-frère. (A. Richard, Invent. des arch. de la Barre, t. I, p. 13.) Il ne tarda pas cependant à se brouiller avec lui. Jeanne Colas étant morte sans enfants, sa succession devait revenir à ses proches parents ; mais Maurice Claveurier refusa de rendre ses comptes et abusa de son pouvoir de lieutenant général contre Jean Colas, qui les réclamait. Nous ne reviendrons pas sur le long procès qui s’ensuivit et dont nous avons parlé ailleurs. (Arch. hist. du Poitou, t. XXIX, p. 41, note, 42.) De nouveau commissaire du roi à Poitiers, le 31 juillet 1458, pour informer des troubles, assemblées, violences et voies de fait qui avaient eu lieu à l’occasion de l’élection du maire, charge que se disputaient à main armée plusieurs prétendants, Jean Colas, dès le 24 août suivant, décerna un mandat d’ajournement contre Guillaume Vousy, qui se disait maire, et celui-ci ayant refusé de comparaître et continuant ses menées, le 28 du même mois, il fit saisir et mettre sous séquestre l’office de maire, faisant défense à Vousy de l’exercer jusqu’à ce que le Parlement eût prononcé. Jean Colas mourut au cours de cette mission ou très peu de temps après ; car on trouve, à la date du 27 avril 1459, un mandement du roi pour contraindre un certain nombre d’échevins et conseillers de la ville de Poitiers à payer à Pierre Colas les vacations dues à feu son père, pour s’être transporté à Poitiers et y avoir procédé à l’exécution des lettres royaux du 31 juillet précédent. (Arch. de la ville de Poitiers, B 7 et 8.)

Jean Colas avait épousé Jeanne Daniel, ainsi qu’il est dit dans cet acte. Comme son mari elle était d’une famille poitevine. Nous avons rencontré à plusieurs reprises, dans nos précédents volumes, le nom d’Etienne Daniel, receveur ordinaire de Poitou pour Jean duc de Berry. Nous pouvons citer encore, entre autres personnages de ce nom, Jean Daniel, de Niort, qui le 7 août 1436, en remplacement de Marie Compagnon, sa femme décédée, et comme administrateur de Jean, son fils, rendit hommage au connétable de Richemont, seigneur de Parthenay du fief dit le Fief Barreau, sis entre les villages de Faugères et de Civray. (Arch. nat., R1* 190, fol. 177.) Son fils épousa Catherine Poussart qui, veuve de lui, en 1482, rendit aveu de la moitié de la dimerie du Breuil de Fellez, sis en la paroisse de Saint-Christophe et mouvant de Saint-Maixent. (Id., P. 596, fol. 189, 201.) Jeanne Daniel décéda un peu avant son mari ; car dans un acte de 1458, Louis Garnier, enquêteur à Poitiers, est dit son héritier, à cause de sa femme, laquelle n’est pas nommée. (Arch. de la Vienne, Saint-Pierre de Chauvigny, l. 27.) Cependant nous venons de voir que Jean Colas laissait un fils, Pierre, vivant à la fin d’avril 1459, qui naturellement devait hériter de sa mère. Il faut donc supposer que Jean avait été marié plusieurs fois, que ce fils était d’un premier lit et que Jeanne Daniel ne lui donna point d’enfants. Dans les quelques lignes qu’il consacre à Jean Colas, le Dict. des familles du Poitou dit, d’après un acte des Arch. de la Vienne, que le 13 janvier 1458 (1459 n.s.) Jean Favereau, licencié ès lois, fit cession de rentes sur ses héritages des Barballières, paroisse de Bonnes, pour la célébration de l’anniversaire fondé à Saint-Didier par Jean Colas et Jeanne Daniel. (Nouv. édit., t. II, p. 564.)

2 Maître Guy Charrier, de Châtellerault, était en son vivant possesseur d’une rente d’une mine de froment, constituée à son profit par Jean Dupoix et sa femme, Mathurine Coudreau. Après sa mort, cette rente fut l’objet d’une contestation, devant le conservateur des privilèges de l’Université de Poitiers, entre Huguet Mignon et Gilles Dorin, ce dernier prétendant qu’elle avait été cédée à son père par ledit Charrier. Le procès se termina par un accord, passé à Châtellerault, le 26 octobre 1474, et homologué au Parlement de Paris, le 11 juillet 1482. (Arch. nat., X1 217, nos 85 à 87).

3 L’an 1445, le chapitre de Sainte-Radegonde de Poitiers avait baillé à rente à Nicolas Repin ou Reppin, marchand de cette ville, une maison sise près de la Chantrerie et des murs et gardes de la ville. (Arch. de la Vienne, G 1365.) En 1472 et 1473, Jean Repin était procureur des maire et échevins de Poitiers, comme nous le verrons nommé dans des lettres du mois de mars 1473 n.s. (ci-dessous, n° DXVIII).

4 Une longue notice sur ce personnage se trouve dans le présent volume, ci-dessus, p. 103.