MCCCCXVII
Rémission accordée à Pierre Duclou, archer de la compagnie du sire de Crussol, sénéchal de Poitou, pour un meurtre commis aux Landes-Génusson sur un compagnon, avec lequel il s’était pris de querelle.
- B AN JJ. 194, n° 12, fol. 7 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 46-48
Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Pierre Duclou, natif [p. 47] de Nyvernoys, aagé de xxxvi, ans ou environ, archier de nostre ordonnance soubz la charge de nostre amé et feal conseiller et chambellan le sire de Crussol, seneschal de Poictou1, contenant que, le mercredi xxvie jour de fevrier derrenier passé, ainsi que ledit suppliant venoit de Poictiers et s’en alloit à Palluau, où il est logé de present, et passoit par Lande Genusson, il trouva illec trois compaignons dudit village, ausquelz il demanda où ilz alloient, et lors l’un desdiz compaignons lui respondit rigoreusement : « Tu n’en as que faire ! » Auquel ledit suppliant dist : « Par le sang Dieu, tu es bien ung mauvais villain », et ledit compaignon respondit de rechief qu’il mentoit parmy la gorge et qu’il n’estoit point villain. Et lors ledit suppliant, voyant que ledit compaignon l’avoit ainsi desmenty oultrageusement, se approucha dudit compaignon, lequel se retourna contre lui ; et ce voyant ledit suppliant, qui estoit sur son cheval, tira sa dague et en frappa du plat d’icelle ledit compaignon sur la joue, dont il n’en yssit oncques sang. Et incontinent après ledit compaignon s’efforça de frapper d’une serpe qu’il tenoit en sa main ledit suppliant, mais icellui suppliant rabatit le coup de sadicte dague, tellement qu’elle en rompit ; et s’aproucha ledit compaignon dudit suppliant si près et si rudement que la dague dudit suppliant entra dedans le cousté gauche dudit compaignon. A l’occasion desquelz cops, ledit compaignon se mist au lit, et le lendemain, environ dix heures de matin, les père et mère dudit compaignon menèrent ledit suppliant devers leurdit fils qui estoit ainsi blessié, et quant il fut devant luy, ledit suppliant lui requist qu’il lui voulsist pardonner ; lequel compaignon pardonna audit suppliant, et dedans le tiers [p. 48] jour après, icelluy compaignon ala de vie à trespassement. Et a ledit suppliant depuis satisfait à partie. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant doubtant rigueur de justice, s’est absenté du païs, ouquel il n’oseroit jamais surement converser, reperer ne demourer, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, humblement requerant que, attendu que en tous ses affaires il a esté homme bien famé et renommé, sans avoir esté actaint ne convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, et aussi qu’il a satisfait à partie et lui a ledit deffunct pardonné, il nous plaise nosdictes grace et misericorde lui impartir. Pour quoy nous, voulans, etc., audit suppliant avons le fait et cas dessus declaré quicté, remis et pardonné, avec toute peine, etc., en quoy, etc., et l’avons restitué, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou, ou à son lieutenant, que de noz presens grace, quictance, remission et pardon il face, seuffre et laisse ledit suppliant joir et user plainement et paisiblement, sans lui faire, etc., ainçois, etc. Et affin, etc. Sauf, etc. Donné à Orleans, ou mois de mars l’an de grace mil cccc. lxv, et de nostre règne le cinquiesme.
Ainsi signé : Par le roy, le conte de Roussillon2 et autres presens. B. Meurin3. — Visa. Contentor. J. d’Orchère.