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Rémission octroyée à Jean Nicolas, poursuivi pour usage de faux dans un procès des habitants de Saint-Jean et de Notre-Dame de Monts contre le sire de Rohan, leur seigneur, au sujet d’une redevance annuelle de huit cent cinquante livres tournois que celui-ci leur réclamait.
- B AN JJ. 195, n° 974, fol. 226
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 406-412
Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de Jehan Nicholas, contenant que pieça procès se meust en nostre court de Parlement entre le sire de Rohan, d’une part, et les habitans de Saint Jehan et Nostre Dame de Mons et de Maredouz, d’autre, sur ce que ledit sr de Rohan maintenoit lesdiz habitans devoir par chacun an huit cens cinquante livres tournois, et lesdiz habitans au contraire1. Et pour ce que lesdiz habitans doubtoient, appoinctèrent ou aucuns d’eulx à ung prebstre du pays de luy faire une lettre, par laquelle iceulx habitans confessèrent devoir audit sr de Rohan huict solz pour feu, et fut ledit suppliant, qui lors estoit pour la fabrique de l’eglise, chargié par lesdiz habitans d’aler querir ladicte lettre, ce qu’il fist ; et estoit [p. 407]seellée d’un seel sans seing, laquelle il bailla à iceux habitans, qui l’envoyèrent pour produire audit procès. Et ce venu à la cognoissance dudit sr de Rohan, fist tant que ledit prebstre, qui avoit fait ladicte faulse lettre, confessa le cas et qu’il avoit baillé ladicte lettre audit suppliant. Lequel suppliant fut admené prisonnier en la Conciergerie de nostre Palais à Paris, desquelles il fut depuis mis hors par le prince de Galles2. Dont, après confession du cas, il obtint lettres de remission qui sont encores à enteriner3. Et après que ledit suppliant fut hors desdictes prisons, se tira en son païs en sa maison près dudit lieu de Saint Jehan de Mons ; auquel lieu, quant lesdiz habitans le sceurent, se assemblèrent jusques au nombre de xx. personnes ou environ, et alèrent devers ledit suppliant et luy dirent plusieurs parolles injurieuses, en disant qu’il avoit mal fait d’avoir dit ce qui estoit contenu en sesdictes lettres [p. 408] de remission et qu’il estoit cause de la destruction d’iceulx habitans, en le menassant que, s’il ne se desdisoit de ce qu’il avoit dit, qu’ilz le feroient villainement mourir et passer la mer et mener si loing qu’il ne sauroit où. Et de fait le prindrent et l’admenèrent audit lieu de Mons, auquel lieu le tindrent par l’espace de xv. jours, en le traitant l’une foiz par menasses et autres foiz par blandices, en luy disant que, s’il se vouloit desdire, qu’ilz le desdommageroient de tous les interestz et dommaiges qu’il avoit euz et pourroit avoir à l’occasion de ce, en nostre court de Parlement et ailleurs. Lequel suppliant, doubtant sa personne, s’accorda à desdire le contenu en sadicte remission. Et le menèrent en ung lieu appelé Nostre Dame de Ryé, auquel lieu, en la presence de troys notaires4, dist et deposa ce que lesdiz habitans volurent, en desdisant le contenu en sadicte remission et luy firent passer procuracion pour fonder en ladicte court en son nom, et ce fait, le laissèrent aler. Et après iceulx habitans produisirent en ladicte court de Parlement les lettres ainsi passées que dit est. Laquelle chose venue à la cognoissance du tresorier dudit sire de Rohan, furent obtenues lettres pour prendre au corps ledit suppliant. Lequel suppliant de ce adverty, se mist en franchise. Et à ceste cause ledit tresorier se transporta en l’ostel de la femme dudit suppliant, auquel lieu il manda ledit suppliant à seureté, qui y ala, et luy arrivé en sondit hostel, luy fut demandé par ledit tresorier se il s’estoit desdit de ce qu’il avoit dit par sadicte remission. Lequel suppliant, doubtant qu’il fust prins prisonnier, dist que non, mais que lesdiz habitans avoient prins [p. 409] ung sien filz, qui avoit nom comme luy, auquel ilz le avoient fait dire ; dont ledit tresorier print et leva lettre. Et depuis, environ la Chandeleur derrenière passée, ledit suppliant fut mandé à Montagu par nostre amé et feal conseiller en nostre court de Parlement, maistre Jehan Desplantes5 estant illec, pour estre par luy examiné et interrogué sur les choses dessus dictes. Lequel y comparut et doubtant comme dessus, confessa seulement le contenu en sadicte remission. Et depuis ce, obtint ledit tresorier derechief autres lettres pour prendre au corps ledit suppliant, dont il fut adverty et à ceste cause se absenta, tellement que ceulx qui avoient charge de le prendre, ne le peurent trouver, mais parlèrent à la femme d’icelluy suppliant et luy dirent que, se ledit suppliant vouloit, qu’ilz le feroient conduire sans dangier à Paris et d’illec retourner en sa maison, aux despens dudit sr de Rohan. A quoy, après que ledit suppliant le sceut, obtempera et s’en vint en ceste ville de Paris, où il fut interrogué sur les choses dessus dictes par noz amez et feaulx conseillers, maistres Jehan Lemaire et Jaques Fournier, conseillers en ladicte court, et depuis par ledit Desplantes, ausquelz il confessa bien que les lettres qu’il ala querir par devers ledit prebstre de par lesdiz habitans estoient faulses, et qu’il estoit vray ce qui estoit contenu en sadicte remission, non confessant avoir fait ladicte depposicion. Et comme ledit suppliant estoit par ladicte ville de Paris, vindrent devers luy Guillaume Bruneau, Jehan Chupeau et Colas Symoneau, habitans desdictes parroisses de Nostre Dame et de Saint Jehan de Mons6, lesquelz parlèrent à luy et luy dirent plusieurs [p. 410] foiz qu’il convenoit qu’il se dedist de ce qu’il avoit dit devant nosdiz conseillers et que, s’il s’en vouloit desdire et aler hors du païs, qu’ilz luy bailleroient cent escus contans et xx. escus pour chacun an pour le aider à entretenir, en le pressant de ce faire plusieurs foiz. A quoy ledit suppliant, considerant les menasses qui autresfoiz luy avoient esté faictes par lesdiz habitans, afin de les essayer et aussi que nosdiz conseillers fussent mieulx advertiz des grans tromperies, menasses et seductions qui luy avoient par lesdiz habitans esté faictes, respondy qu’il y penseroit, en leur demandant, une foiz entre autres, s’ilz luy passeroient obligacion de ce que dit est, s’il le vouloit faire, qui luy dirent que oyl ; et certain jour ensuivant, mandèrent ledit suppliant en l’eglise des Jacobins et luy parlèrent de rechief de ce que dit est, promettans de luy entretenir ce qu’ilz luy avoient promis et qu’ilz bailleroient l’obligacion à ung nommé Jehan Du Boys7, et bailleroient audit suppliant [p. 411]d’entrée dix escus, pour s’en aler. Lequel suppliant, non voulant y entendre, mais eviter à ce, dist qu’ilz feissent faire ce qu’ilz vouldroint qu’il feist et que puis après le feroit, se bon luy sembloit. Et après luy envoyèrent par ledit Du Boys en escript ce qu’ilz vouloient qu’il feist, dont ledit suppliant fist lecture, et ce fait respondy absoluement qu’il n’en feroit riens. Pour lequel cas ledit suppliant a depuis, par l’ordonnance de nosdiz conseillers, esté mis ès prisons de nostre Chastellet de Paris, et par aucuns d’eulx a esté interrogué et confessé les choses dessus dictes. Et combien que ledit supplians par devant nosdiz conseillers ait confessé ce que dit est et tousjours persisté au contenu en sesdictes lettres de remission, que la confession par luy faicte par devant lesdiz notaires, à l’instance desdiz habitans, ait esté par les menasses qu’ilz luy faisoient, et que en tous autres cas ait esté de bonne vie, neantmoins, il dobte, etc., en nous humblement requerant, etc. Pour quoy, etc., à icelluy suppliant avons quicté, etc., les faitz et cas dessus diz, avec toute peine, etc. Si donnons en mandement à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans et qui tiendront nostre Parlement8, etc. Donné à Paris, ou moys [p. 412] de decembre l’an de grace mil cccc. soixante treize, et de nostre règne le xiiime.
Ainsi signées : Par le roy, à la relacion du conseil. J. de Bidant. — Visa. Contentor. D’Asnières.