MCCCCXXXI
Rémission accordée à Guillaume Leroy, de Saint-Gervais au diocèse de Luçon, qui s’était mis en franchise dans l’église Sainte-Catherine de Beauvoir-sur-Mer, à la suite du meurtre de François Lombart, qui avait débauché et enlevé sa femme, Guillemette, fille de Méry Texier.
- B AN JJ. 200, n° 196, fol. 104 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 76-82
Loys, etc. Savoir faisons à tous, presens et advenir, [p. 77] nous avoir receu l’umble supplicacion de Guillaume Leroy, simple homme de labour, aaigé de trente ans ou environ, de la parroisse de Saint Gervaiz ou dyocèse de Luçon, contenant que, sept ou huyt ans a ou environ, ledit suppliant print mariage avec Guillemete Texeire, fille de Mery Texier, aussi homme de labour, et par le moyen du traictié d’icelluy mariaige, ledit suppliant s’en vint demourer en societé avec ledit Mery Texier, en l’ostel où il faisoit sa residence, par certaine porcion à convenance accordée entre eulx. Pendant lequel temps qu’il demeuroit1 audit hostel et trois [ans] a ou environ, ung nommé Françoys Lombart, jeune homme de l’aage de xxv. ans ou environ, natif du pays de Bretaigne, eut acointance oudit hostel, et pour ce que iceluy Texier tenoit bonne despence selon faculté et que ledit Lombart avoit illec des charges de lever certains deniers tant de guez que d’autres subsides, traicta avec ledit Texier de faire sa despence de couschier et lever oudit hostel, pensant icelluy Texier que ledit Lombart feust homme de bien et voulsist garder l’onneur et utilité de sa maison, comme promis luy avoit. Mais ledit Lombart, durant le temps qu’il y fut, but, mengea et coucha oudit hostel, induisit et enorta par induccions et seduccions frauduleuses ladicte Guillemete, femme dudit suppliant, à concupiscence charnelle et avoir sa compaignie et tellement l’induisit qu’il eut sa compaignie et la maintenoit et l’a maintenu secretement oudit hostel ; et non contant de ce, se perforçoit la tenir en subgeccion en la menaçant, comme si elle eust esté sa femme. Et quant il apperceut que ledit suppliant s’en doubtoit, pour les divers termes qu’il luy tenoit, ledit Lombart, perseverant tousjours en son maulvaiz propoz, induisit ladicte Guillemette de ne demorer plus avec ledit suppliant, son mary, en la menaçant [p. 78] et disant que, si elle y demouroit plus, qu’il la tueroit, et qu’il l’en vouloit mener. Et certain jour du moys de may dernier passé, environ la feste de l’Ascension Nostre Seigneur, après souleil couché, ledit Lombart, acompaigné d’autres ses alliez et complices, enmenèrent ladite Guillemette, au desceu de son dit mary et des autres dudit hostel, lesquelx ne s’en aperceurent fors jusques à peu de temps après en icelle nuyt. Et en après lesdiz suppliant, Mery Texier et Jehan Texier, frère de ladicte Guillemette, pour la vouloir garder de perdicion et cuidier sauver son honneur, alèrent après eulx et les poursuivirent jusques à la parroisse de Guypry oudit pays de Bretaigne. Et quant ilz furent illec, sceurent que ledit Lombart l’avoit mise en ung hostel appellé de la Fauvelaye, dont est seigneur Pierre de Lassy2, chevalier, oncle dudit Lombart, distant de l’ostel où demouroit ledit Texier, où ilz avoient attractié à eulx ladite Guillemette, de xxv. lieues et plus ; lesquelx suppliant et Texiers, pour trouver moyen d’avoir ladite Guillemette d’entre les mains dudit Lombart et de ses diz complices, se transportèrent par devers Guillaume Lombart, père dudit Françoys Lombart, ou Port de Roche, distant dudit lieu de Fauvelaye de quatre lieues ou [environ...................3] voit fait, et lors ledit Guill[aume Lombart vint audit lieu] de la Fauvelaye où [p. 79] la[dicte Guillemette estoit] enfermée en une chambre, et fist tant envers son dit filz et ses diz [alliez et complices, qu’il recouvra] d’eulx ladicte Guillemette et la rendit ausdiz suppliant et Texiers ; et pour ce que ledit Françoys Lombart et sesdiz alliez menaçoient fort les[diz suppliant et] Texiers et que à très grant peine avoient peu recouvrer icelle Guillemette, doubtant que iceluy Lombart et sesdiz alliez les pours[uivissent, furent] par ledit Guillaume Lombart et autres gens de bien acompaignez partie du chemin, ouquel lesdiz Lombart et ses diz aliez les poursuivirent et leur v[ouloient] oster ladicte Guillemette et les envillener en leurs personnes ; mais ce neantmoings ilz ramenèrent ladicte Guillemette à leur hostel où ilz ont depuis demouré, ledit suppliant et son dit sire ensemble, jusques environ la feste de saint Michel derrenierement passée, que ledit supliant et ladicte Guillemette, sa femme, s’en allèrent demourer en la parroisse de Saint Gervaiz, ou vilaige du Fresne. Et combien que ledit supliant eust expressement deffendu audit Françoys Lombart qu’il ne se trouvast plus à son hostel ne frequentast avec ladicte Guillemette, sa femme, neantmoins iceluy Françoys, après qu’il fut retourné dudit pays de Bretaigne, pour trouver moyen de frequenter tousjours avec ladicte Guillemette et avoir sa compaignie comme par devant, ou autrement, s’en ala demourer en l’ostel d’un nommé Perrot Denyau en ladicte parroisse de Saint Gervaiz, près de la maison dudit suppliant, et luy juroit et regnyoit Nostre Seigneur et les saints et sainctes de paradiz que, voulsist ledit suppliant ou non, et autres ses parens et amis, il auroit ladite Guillemette et que, si elle n’acomplissoit sa voulenté et le suivoit pour la mener en Bretaigne ou ailleurs où luy plairoit, il la tueroit, et que icelluy suppliant ne mourroit d’autre mort que de ses mains. Et pour mettre son maulvaiz et dampnable propoz à execucion, le xiiie jour du moys de mars derrenier passé, pou [avant] ou environ souleil couché, [p. 80] ledit Françoys Lombart, embastonné d’une espée et dague, accompaigné d’un nommé Jehan Coutelleau, demourant au villaige du Fresne, distant d’un giet d’arballeste de la maison dudit suppliant, se partirent de la maison dudit Denyau ensemble, et s’en allèrent à la maison dudit Couteleau, et en eulx en allant passèrent emprès dudit suppliant et Estienne Le Roy, son frère, qui faisoient ung fossé, avecques lesquelx ledit Lombart ne parla aucunement, mais seulement les salua ledit Coustelleau ; et après ce ledit Lombart, pour accomplir sa maulvaise et dampnable voulenté, se transporta à icelle heure en l’ostel dudit suppliant, iceluy supliant et son frère estans en leur besongne et faisant ledit fossé. Et quant le souleil fut cousché, ilz laissèrent leur besongne et prindrent leurs esploictes dont ilz faisoient leur fossé et s’en alèrent à leur hostel, ne pensans en nul mal. Et quant ilz furent près dudit hostel, ilz virent ledit Lombart en [l’une] des chambres de la maison où il estoit entré par force, tenant en sa main son espée nue et parlant avecques ladicte Guillemete, avecques laquelle estoit la femme dudit Estienne, et l’injuriant et donnant de grans menaces à ladite Guillemete de la tuer, si elle ne luy accomplissoit sa voulenté toutesfois qu’il luy plairoit et vouldroit comuniquer avecques elle. Lesquelles femmes pleuroient et luy deffendoient la maison et leur compaignye, en luy disant qu’il s’en alast, dont il n’en vouloit riens faire. Et incontinent qu’il aperceut ledit supliant et son frère, yssit de la maison et vint contre eulx avec ladicte espée nue et une dague à sa sainture, en jurant et malgreant Dieu qu’il les tueroit, et de fait les assallit et voult tuer et tellement que, se ce n’eust esté la resistance qu’ilz faisoient, ilz croyoient qu’il les eust tués à mort, comme il se ventoit et s’efforçoit à son pouair ; et convint audit Estienne, en tant qu’il combatoit avec ledit suppliant, recouvrer en ladite maison, pour eulx deffendre, une javeline et un baston non ferré appellé [p. 81] anneigle4, au moyen desquelx bastons ilz se deffendirent au myeulx qu’ilz peurent. Et combien qu’il s’en fust bien peu aler par plusieurs foiz sans estre blecié, neantmoins il ne s’en voult aller, ainçoys s’efforçoit tousjours de les tuer, et coupa de son espée la javeline en divers lieux et enleva le fer, et de ladite anneigle ledit supliant le fist cheoir à terre, et quant il fut cheu à terre, luy ostèrent sadicte espée et dague ; et en ladite noise fut blecié en plusieurs parties de son corps, comme en la main droicte et en la jambe senestre, avecques la dague qu’ilz luy avoient ostée et d’autres bastons qu’ilz avoient. A l’occasion desquelx coups, par faulte de bon gouvernement ou autrement, dix jours après ou environ, ledit Françoys Lombart est alé de vie à trespassement ; et luy estant malade au lit, pardonna par plusieurs foiz sa mort ausdiz supplians, en disant qu’il en estoit coulpable et cause, et qu’il ne vouloit que jamaiz ilz en fussent molestez ne travaillez par justice, ne autrement. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est mis en franchise en l’esglise de Sainte Katherine de Beauvoir sur mer5, et ses biens ont esté saisiz et mis en la main du seigneur de6............. par ses officiers de Saint...........................7 [p. 82] converser ne repairer seurement au pays, [se noz grace et misericorde ne luy estoient sur ce imparties] ; humbl[ement requerant, attendu ce que] dict est et que ledit Françoys Lombart fust aggresseur, aussi l’ancienne trahyson, injure, diffame et deshonneur que ledit Lombart luy avoit et a fait et à sadicte femme et leurs lignaux, et que en tous autres cas ledit suppliant a esté et est homme bien famé, renommé et de honneste conversacion, sans jamais avoir esté actaint ne convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise nosdites grace et misericorde lui impartir. Pour quoy nous, attendu ce que di test, voulans en ceste partie misericorde preferer à rigueur de justice, audit Guillaume Le Roy, suppliant, oudit cas avons quicté, remis et pardonné, et par la teneur de ces presentes, de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, quictons, remettons et pardonnons le fait et cas dessus declairé, ensemble toute peine, amende et offense corporelle, civille et criminelle, en quoy pour occasion d’iceluy il pourroit estre encouru envers nous et justice, en mettant au neant tous bans, appeaulx et deffenses, s’aucuns s’en sont contre luy ensuis, et l’avons restitué, etc. Et sur ce imposons scilence, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc., sans luy faire, mettre ou donner, etc., ainçoys se son corps ou aucuns de ses biens, etc. Et affin que ce soit, etc., nous avons fait mettre, etc. Sauf, etc. Donné à Tours, ou moys d’apvril l’an de grace mil cccc. soixante sept après Pasques, et de nostre règne le sixiesme.
Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du Conseil. J. Le Roy8.