MCCCCLIV
Rémission accordée à François de La Muce, jeune écuyer de dix-huit à vingt ans, coupable du meurtre de Mathurin Cousseau, qui lui avait cherché querelle, l’avait injurié et défié.
- B AN JJ. 197, n° 33, fol. 21
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 142-146
Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de François de La Muice1, jeune [p. 143] escuier, de l’aage de dix huit à vint ans ou environ, contenant que ung nommé Maturin Cousseau2, puis aucun temps ença, presta audit suppliant cinq ou six blancs et quinze jours après lui demanda son argent ; mès ledit suppliant lui dist qu’il ne l’avoit pas. Et adonc icelui Mathurin lui demanda s’il vouloit jouer à la boulle pour l’argent qu’il lui devoit, dont ledit suppliant fut d’acord, et de fait jouèrent et gaigna icelui Mathurin dudit suppliant autres six blans ; et ainsi furent en somme douze blans. Et aucun temps après, icelui Maturin demanda audit suppliant son argent et que, s’il ne le poioit, qu’il le desgageroit ; et lui respondit qu’il n’avoit point d’argent, mès quant il seroit allé devers ses parens, il en auroit assez et lui presterait bien ung escu ou deux, et lui en donneroit bien plus long terme. Et lors icelui Mathurin dist qu’il trouveroit aussi bien ung escu ou deux que feroit ledit suppliant et sur l’eure. A quoy respondit ung [p. 144]nommé Anthoine de Chastillon3, qui ilec estoit present, que non feroit, et il replicqua que si feroit. Et adonc icelui Anthoine dist qu’il en mettoit sa robbe contre la dague dudit Mathurin, parmy ce qu’il n’en parleroit à personne et ne leur declaireroit la misaille4 faicte entre eulx, et fineroit de ladite somme dedans certain temps dit et accordé entre eulx, et seroient les diz suppliant et Anthoine devant, quant il demenderoit l’argent ; dont icelui Maturin fut content. Et d’ilec se party de la compaignie et s’en ala dire la misaille ainsi faicte entre eulx à ung gentilhomme de l’ostel, qui lui promist bailler la dite somme ou ce que il lui demenderoit. Et tantost s’aprocha le terme de leur dite misaille, et s’en allèrent lesdiz suppliant et Anthoine veoir s’ilz auroient ladite somme, et ilz sceurent comment icelui Mathurin demenda à celui à qui il avoit parlé ladite somme, lequel tira à la bource et la lui bailla. Et lors ledit Anthoine se enquist se icelui Mathurin avoit point parlé audit gentilhomme devant la main5 et trouva comme il avoit parlé à luy, ce qu’il ne devoit pas faire par ladite misaille. Et par ce moien gaigna icelui Anthoine la dague d’icelui Mathurin, laquelle dague fut par icelui Anthoine donnée sur l’eure audit suppliant, dont icelui Mathurin fut mal content, disant tousjours que ledit Anthoine ne l’avoit point gaigné et que tant pour lesdiz douze blans que pour ladite dague il desgaigeroit ledit suppliant ; et de fait lui print une pere de chausses. Et adonc [p. 145] icelui suppliant lui dist que voulentiers lui poieroit ladite somme de douze blans, mès au regard de ladite dague, il ne la lui rendroit point. Et peu de temps après, mesmement le jour de la feste du Saint Sacre6 derrenière passée, advint que ledit suppliant laissa son chappeau avec une plume que icelui Mathurin print, disant qu’il lui rendroit lesdiz douze blans et dague. Et lors icelui suppliant, qui trouva sondit chappeau sur la teste dudit Mathurin, lui dist qu’il le laissast et qu’il ne seroit point son page pour porter ses demourans et vielles despoulles, et icelui Mathurin dist qu’il ne le laisseroit pour [lui] ; et ledit suppliant lui dist qu’il le lui osteroit doncques bien lourdement. Et adonc s’en party ledit Mathurin de la place et manda audit suppliant, par ung page, qu’il l’avoit menacé de batre, mès qu’il le batroit tout son saoul et le mettroit en pourpoint, ou il ne sortiroit pas dehors. A quoy respondit icelui suppliant audit page que, quant icelui Mathurin maintiendroit telles parolles, ilz seroient deux. Et lors ledit Mathurin, tenant ung petit baston en son poing, vint en place où estoit ledit suppliant, disant que icelui suppliant l’avoit menacé de batre, mès qu’il le batroit tout son saoul ; et lors icelui suppliant lui dist qu’il se teust, et eurent ainsi grosses parolles ensemble, tellement que le peuple estant en la compaignie dist qu’il s’esbahyssoit bien comment ledit suppliant en enduroit tant. Et pour ce que icelui Mathurin leva son baston pour vouloir frapper le dit suppliant, icelui suppliant tira la dague et, en le cuidant frapper par la cuisse, pour ce qu’il se tourna de cousté, il le frappa ung coup par l’eigne seulement, tellement que à l’occasion d’icellui coup, quatre ou cinq jours après, il ala de vie à trespassement. Et combien que, pour ledit cas, icelui suppliant ait chevy et deuement satisfait à parties, ainsi qu’il appert par lettres [p. 146] d’accord, traictié et transaction faictes et passées entre eulx, soubz les seaulz de la court de Tiffauges, et que par ce ledit suppliant ne soit aucunement fuitif, toutes voies il doubte que pour le temps avenir nostre procureur et justice ne voulsissent imputer à charge ledit cas ainsi avenu, et que pour icelui il fust disne de pugnicion corporelle, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant icelles. Pourquoy nous, etc., audit suppliant, etc., avons quicté, etc., avec toute peine, etc. Si donnons en mandement, par ces dites presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc., que de noz presens grace, etc. ilz facent, etc., ledit suppliant joir et user, etc. Donné à Tours, ou moys de fevrier l’an de grace mil cccc. soixante-huit, et de nostre règne le huitiesme.
Ainsi signé : Par le Conseil. P. Aude. — Visa. Contentor. J. Duban.