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MDXX

Rémission octroyée à Jean Girard, franc-archer, qui, passant avec sa compagnie, par Vaussais, en la seigneurie de Civray, et s’étant pris de querelle avec divers habitants de cette localité qui refusaient de lui prêter des bœufs pour tirer de l’ornière son chariot de bagages embourbé sur le chemin, avait tué l’un d’eux, Jean Labbé, dit Villeneuve, et blessé le frère de celui-ci.

  • B AN JJ. 197, n° 373, fol. 199
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 365-368
D'après a.

Loys, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Girard, franc archer, demourant à la Rochefoucault, estant de present en nostre service à Lectore1 et ès marches de par delà, avec les gens [p. 366] de nostre armée qui y est encore à present, contenant que le jour de la Conversion saint Paoul2, qui fut ou moys de janvier derrenier passé, ainsi que luy et ceulx de sa compaignie francs archers venoient de la garnison d’Ancenis3 où ilz avoient esté mis par nostre ordonnance, et qu’ilz furent arrivez ledit jour au soir en la parroisse de Vauçay en la terre et seigneurie de Civray en nostre païs et conté de Poictou, icelle terre appartenant à nostre très cher et très amé oncle le conte du Maine4, amenans et conduisans iceulx francs archers avecques eulx ung chariot qui estoit chargé de bagage, pour ce que leur dit chariot ne povoit plus tirer avant pour les mauvais chemins qui estoient lors, et lequel ilz avoient laissé en chemin près ledit Vauçay, icelluy suppliant s’en ala audit lieu de Vauçay pour querir et trouver des beufz pour tirer, enlever et enmener ledit chariot dudit mauvais chemin où il estoit. Et pour ce faire, se transporta d’aventure chiés ung nommé Jehan Richer, laboureur, demourant audit lieu, où il y avoit des beufz, auquel il demanda qu’il lui baillast ou prestast des beufz. A quoy ledit Richer respondit que il n’en avoit point et que, posé ores qu’il en eust, que il ne les sauroit lier. Et lors ledit suppliant jura qu’il en auroit, et pour despit desdictes parolles que lui avoit dictes ledit Richer, qui estoient [p. 367]fières et sonnans refuz et mauvais vouloir d’acomplir ce qu’il lui demandoit, icellui suppliant gecta ledit Richer ou feu. Et lors ledit Richer s’escria ; auquel cry survindrent entre autres ung nommé Jehan Labbez, alias Villeneufve, lequel sorty de sa chambre. Et tantost dist audit suppliant qu’il n’auroit point les beufz et qu’ilz estoient siens. Et lors ledit suppliant jura que si auroit, en despit de ses dens, en l’appellant villain, et tantost se prindrent de parolles injurieuses l’un contre l’autre, et tellement que, au moien d’icelles, icellui suppliant, eschauffé et esmeu comme dit est, bailla audit Jehan Labbez, aliàs Villeneufve, d’un vouge sur la temple et l’enversa à terre. Et pour ce que le frère dudit Jehan Labbez vouloit aider à sondit frère, ledit suppliant le bleça au braz. Au moien duquel coup ainsi baillé par ledit suppliant audit Jehan Labbez alias Villeneufve, sur ladicte temple, par cas de fortune et d’aventure, icelluy Labbez ala de vie à trespas, deux heures après ledit coup ou environ. A l’occasion duquel cas, ledit suppliant qui est en nostre service pour le bien de la chose publicque de nostre royaume, doubte que ou temps avenir on lui en vueille faire question et demande, ne n’oseroit seurement converser ne repairer au païs, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, humblement requerant que, attendu que ledit cas est advenu de fortune, que ledit suppliant ne le cuidoit point avoir tué ne occis, et ne le frappa pas à ceste entencion, que il nous a servy et sert ou fait de noz guerres, etc., il nous plaise sur ce lui impartir iceulx. Pour quoy, etc., voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons remis, quicté et pardonné, etc., satisfacion faicte à partie civillement tant seulement, se faicte n’est, etc. Si donnons en mandement, par cesdictes presentes, à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc., que ledit suppliant de nostre presente grace, quictance, remission [p. 368] et pardon facent, seuffrent et laissent joir et user plainement et paisiblement, etc. Donné à Nostre Dame de Selles, ou mois d’avril l’an de grace mil cccc. soixante et douze, et de nostre règne le douziesme5.

Ainsi signé : Par le roy, le sire de Beaujeu6 et plusieurs autres presens. P. Sacierges. — Visa.


1 Lectoure, reprise par Jean V comte d’Armagnac, qui s’y était enfermé de nouveau avec son prisonnier, le sire de Beaujeu, fut assiégée une seconde fois, dès la fin de janvier 1473, par les troupes royales commandées par Robert et Ruffet de Balzac, auxquels Jean Jouffroy, cardinal d’Albi, et le sire du Lude amenèrent des renforts. On sait comment la place capitula le 6 mars et comment, au mépris du traité, le comte d’Armagnac fut massacré, le même jour, par les francs-archers de Guillaume de Montfaucon. (Cf. Ch. Samaran, La maison d’Armagnac au XVe siècle. Paris, 1908, in-8°, p. 185-194.)

2 Le 25 janvier.

3 Jacques de Beaumont, sire de Bressuire, lieutenant général en Poitou, avait, comme on l’a vu précédemment, convoqué le ban et l’arrière-ban à Montaigu, le 15 septembre 1472, et entra presque aussitôt en campagne contre François II, duc de Bretagne. La ville d’Ancenis, qui avait été prise après un siège de plusieurs jours, au début des hostilités (7 juillet 1472), reçut une garnison française, laquelle y demeura jusqu’à la fin de janvier 1473. La trêve ayant été prolongée pour un an entre Louis XI et la Bretagne, elle eut les mêmes conséquences qu’un véritable traité de paix : Ancenis fut alors rendu à François II.

4 Civray avait été donné par Charles VII, en février 1443 n.s., avec Melle, Saint-Maixent, Chizé et Sainte-Néomaye, à Charles d’Anjou, comte du Maine, acquéreur quelques années plus tard de la vicomté de Châtellerault (voy. notre t. VIII, Arch. hist. du Poitou, t. XXIX, p. 146 et suiv.), et appartenait depuis quelques jours (le comte étant décédé le 10 avril 1473) à son fils Charles, comte du Maine et de Provence, qui mourut sans enfants, le 12 décembre 1481, léguant ses États à Louis XI.

5 Le roi était à Tonnay-Charente, venant de Guyenne, le 12 avril, et le 17, à Notre-Dame de Celle. (J. Vaësen, Lettres de Louis XI, t. V.)

6 Pierre de Bourbon, sire de Beaujeu, troisième fils de Charles Ier duc de Bourbon et d’Agnès de Bourgogne, remis en liberté par la seconde capitulation de Lectoure, suivie du meurtre de Jean V comte d’Armagnac (6 mars 1473), allait épouser (contrat passé à Jargeau, le 3 novembre 1473) Anne de France, fille de Louis XI. Il prit le titre de duc de Bourbonnais et d’Auvergne après la mort de son frère aîné Jean II, connétable de France, décédé sans enfants, le 1er avril 1488. Lieutenant général du royaume pendant l’expédition de Charles VIII en Italie (lettres du 9 août 1494), il représenta le duc de Normandie au sacre de Louis XII et mourut en son château de Moulins, le 8 octobre 1503.