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MCCCCLXII

Lettres d’amortissement d’une rente annuelle de trente livres donnée par Louis vicomte de Thouars pour la fondation d’une chapellenie à Oiron.

  • B AN JJ. 196, n° 137, fol. 77
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 168-171
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre cher et amé cousin Loys, viconte de Thouars1, contenant que, au moien de certains traictiez et appoinctemens jà pieça faiz et passez entre les religieux, prieur et convent de la Grant Chartreuse, d’une part, et nostredit cousin suppliant, d’autre, fut, pour la decoracion et augmentacion du divin service, fondée au lieu d’Oyron2 près Thouars une chappellenie en laquelle [p. 169] seroient dictes et celebrées quatre messes la sepmaine, pour la fondacion, entretenement et continuacion desquelles messes, ledit suppliant promist dès lors bailler et asseoir aux chappelains qui diront et celebreront icelles messes et deserviront ladicte chappellenie jusques à la somme de xxx. livres tournois de rente annuelle et perpetuelle, ce que icellui nostre cousin suppliant a entencion de brief faire pour l’acquict de sa conscience. Mais il doubte que quant il l’aura ainsi fait, que noz gens et officiers ou autres voulsissent ausdiz gens d’eglise mettre et donner empeschement ou temps avenir en la joyssance de ladicte somme de xxx. livres tournois de rente, et les contraindre à en vuyder leurs mains, s’elle n’estoit par nous admortie, comme dit nostre dit cousin suppliant, humblement requerant sur ce nostre grace lui estre impartie. Pour ce est il que nous, ces choses considerées et les bons, notables et grans services que nostredit cousin suppliant a par longtemps faiz à feu nostre très cher seigneur et père, que Dieu absoille, et à nous ou fait des guerres et autrement en plusieurs manières, à icellui suppliant, pour ces causes et consideracions et autres à ce nous mouvans, avons octroyé et octroyons qu’il puisse acquerir en nostre pays de Poictou, ou autre part où il le pourra licitement faire, jusques à ladicte somme de xxx. livres tournois de rente et revenue ou autres heritages et possessions à ladicte valeur, et iceulx rente, revenue ou autres heritages jà par lui ou par autre acquis ou à acquerir, [p. 170] bailler et donner à ceulx qui sont ou seront ordonnez pour dire, celebrer et continuer lesdictes messes et autres services divins en ladicte chappelle, jusques à ladicte somme de xxx. livres tournois de rente, et que lesdiz gens d’eglise et leurs successeurs la puissent tenir, possider et en joir paisiblement et perpetuellement, comme admortie et à Dieu dediée. Et laquelle somme de xxx. livres tournois de rente ou revenue, ainsi par lui ou par autres acquises ou à acquerir nous avons dès maintenant pour lors admortie et admortissons, de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, par cesdictes presentes, sans ce que lesdiz gens d’eglise ne leurs successeurs en ladicte chappellenie soient tenus icelles rentes et revenues mettre hors de leurs mains, ne pour ce paier aucune finance ou indempnité à nous ne aux nostres, pour quelque cause ne en quelque manière que ce soit ; et laquelle finance, quelle qu’elle soit, nous avons, pour consideracion des choses dessus dictes, donnée et quictée, donnons et quictons à nostre-dit cousin suppliant, de nostre plus ample grace, par ces dictes presentes. Par lesquelles nous donnons en mandement à noz amez et feaulx gens de noz comptes et tresoriers et à tous noz autres justiciers et officiers ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chacun d’eulx, si comme à lui appartendra, que lesdiz suppliant et gens d’eglise et chacun d’eulx, et leurs diz successeurs en ladicte chappellenie, ilz facent, seuffrent et laissent joir et user paisiblement et perpetuellement de noz presens admortissemens, don, quictance, grace et octroy, sans leur faire ne souffrir estre fait, mis ou donné aucun destourbier ou empeschement au contraire. Et affin que ce soit chose ferme et estable à tousjours maiz, nous avons signé ces presentes de nostre main et à icelles fait mettre nostre seel. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Tours, le xxviiie jour de juing l’an de grace mil iiiic lxix, et de nostre règne le huitiesme.

[p. 171] Ainsi signé : Par le roy3, les sires de Crussol, de la Forest4 et autres presens. Flameng. — Visa. Contentor. Duban5.


1 Voir la notice sur Louis d’Amboise vicomte de Thouars, qui se trouve dans notre huitième volume (Arch. hist. du Poitou, t. XXIX, p. 60, note). Il est question de cet important personnage dans d’autres endroits du même volume et dans les deux suivants.

2 Le couvent de la chartreuse d’Oiron avait été fondé par Pernelle, vicomtesse de Thouars. Parmi les terres, biens et revenus qu’elle avait affectés à cette fondation, se trouvait une maison sise à Thouars, dont les religieux n’avaient pas encore été mis en possession, au moment de sa mort. Ils la revendiquèrent judiciairement, et le chef de l’ordre, le prieur et les définiteurs de la Chartreuse, assignèrent au Parlement Pierre d’Amboise, vicomte de Thouars, Ingelger d’Amboise, Marguerite de Thouars et Pernelle d’Amboise, comtesse de Longueville, en qualité d’héritiers de la vicomtesse Pernelle, pour se voir condamner à mettre la maison litigieuse entre les mains des religieux du couvent d’Oiron. Jean duc de Berry, comte de Poitou, intervenant par son procureur, demanda que la cause fût renvoyée devant sa cour, sous prétexte que la majeure partie des terres et revenus du couvent étaient situés dans la vicomté de Thouars et par conséquent de son ressort. Le Parlement ne tint pas compte de cette prétention, et par arrêt du 9 décembre 1402 il retint la connaissance du litige. (Arch. nat., X1a 50, fol. 78 v°.) Quant à la terre et seigneurie d’Oiron, confisquée sur Jean Barillet, dit de Xaincoins, receveur général des finances, qui la possédait, elle avait été donnée par Charles VII (lettres patentes datées de Montbazon, le 9 avril 1451) à Guillaume Gouffier, son chambellan. (Arch. hist. du Poitou, t. XXXII, p. 295, note). Par acte du mois de septembre 1475, Louis XI, agissant comme vicomte de Thouars, accorda le droit de haute justice à la seigneurie d’Oiron, en faveur du même Guillaume Gouffier. (Coll. dom Fonteneau, t. XXVI, p. 475, d’après le chartrier de Thouars.)

3 Sic, quoique le texte annonce que les lettres sont signées de la propre main du Roi.

4 Sur Louis de Crussol, sénéchal de Poitou, et Louis de Beaumont, sr de la Forêt-sur-Sèvre, cf. ci-dessus, p. 47 et 54, notes.

5 L’original de ces lettres d’amortissement fait partie des Archives du château de Thouars et une copie s’en trouve dans la coll. dom Fonteneau, t. XXVI, p. 455.