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MDXXXIX

Déclaration en faveur des habitants d’Olonne et de la Chaume, portant que l’exemption des droits de traite pour leurs blés et vins, qui sortent du royaume par le havre d’Olonne, doit être comprise dans les lettres d’affranchissement de toutes tailles et subventions qui leur ont été octroyées, au mois de décembre 1473, pour les aider à supporter la dépense des fortifications du bourg des Sables, ordonnées par le roi.

  • B AN JJ. 204, n° 107, fol. 64 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 38, p. 436-440
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France, à noz amez et feaulx les gens de nos comptes, au seneschal de Poictou ou à son lieutenant, salut et dilection. L’umble supplicacion de noz bien amez les manans et habitans des parroisses d’Olonne et de la Chaulme en nostre bas pays de Poictou avons receue, contenant que, ou moys de decembre derrenier passé1, pour leur aider à supporter les [p. 437] fraiz, mises et despenses que faire leur conviendra à la closture et fortifficacion du bourc des Sables, que nous ordonnasmes dès lors estre cloz et fortiffié, nous leurs octroyasmes, entre autres choses, par noz lettres patentes faictes en forme de chartre et scelleez en las de soye et cire vert, à vous adreçans, au vidimus desquelles et de la verificacion et expedicion sur ce faictes, tant par vous, gens de nosdiz comptes, que par les generaulx de noz finances, [p. 438] ces presentes [sont] atachées soubz nostre contreseel, que ilz et chacun d’eulx feussent et soyent frans, quictes et exemps de toutes tailles et autres subvencions quelxconques, mises et à mettre sus de par nous et en nostre royaume ; et combien que par ce moyen ilz doient entierement joir de nostre dicte exempcion et affranchissement, sans aucun destourbier ou empeschement, et mesmement doient estre tenuz quictes et exemps de la traicte de leurs blez et vins qui se vuydent par la mer, ou havre dudit lieu d’Olonne, et que depuis l’octroy de nostre dit affranchissement et exempcion, pour ce que on les vouloit contraindre à paier le vingtiesme du vin par eulx vendu à detail et contribuer aux tailles touchant le fait de noz francs archiers, nous ayons depuis mandé, par noz autres lettres pattentes, en ensuivant nostre dit affranchissement, ce demonstrant evidemment que nostre entencion et plaisir [estoient] que lesdiz habitans soient francs, quictes et exemps de toutes tailles, imposicions et subcidez, quelz qu’ilz soient, ce neantmoins le receveur ou commis à lever la traicte desdiz blez et vins s’est efforcé et efforce contraindre iceulx supplians à paier ledit droit de traicte, ce qu’ilz ont contredit et deffendu. Sur quoy s’est meu procès qui est de present pendent indecis par devant vous, seneschal, ou vostre dit lieutenant, entre lesdiz supplians, d’une part, et nostre procureur en ladicte seneschaucée, d’autre ; pour obvier ouquel procès lesdictes parties ont consenti et accordé que nosdictes lettres d’affranchissement ou le vidimus d’icelles seroit apporté, par devers vous, gens de nos diz comptes, pour, icelluy veu, faire sur ce declaracion et en ordonner ainsi qu’il appartiendroit. Lesquelz supplians, à ceste cause, ont intencion d’eulx tirer par devers vous, mais ilz doubtent que, au pourchaz du receveur de ladicte traicte et de ceulx qui en preignent et lèvent les deniers, par don et octroy de nous, vous feissiez difficulté de faire ladicte declaracion et que, à ceste [p. 439] occasion, on les voulsist encores sur ce detenir en procès et, qui pis est, les contraindre à paier ladicte traicte, qui seroit en leur très grant prejudice et dommage, comme ilz nous ont fait remonstrer, en nous humblement requerant sur ce nostre grace et provision.

Pour quoy nous, ces choses considerées, bien recors dudit octroy par nous fait ausdiz supplians dudit affranchissement et exempcion, et des causes qui à ce nous meurent, voulans par ce qu’ilz en joyssent entierement, sans aucune rescision et restrinction, avons voulu, ordonné et declairé, voulons, ordonnons et declairons, en tant que mestier est, de nostre certaine science, plaine puissance et auctorité royal, par ces presentes, que lesdiz habitans supplians et leurs successeurs èsdictes parroisses d’Olonne et de la Chaulme soient et demeurent francs, quictes et exemps, à tousjours maiz perpetuellement, de ladicte traicte de leurs blez [et] vins2, qui, comme dit est, se vuydent et vuyderont par la mer oudit port et havre d’Olonne, tout ainsi que se ladicte traicte estoit nommeement et expressement comprinse en nosdictes lettres d’exempcion et affranchissement, et de ce les avons, en tant que mestier est, quictez, exemptez et affranchiz, quictons, exemptons et affranchissons, de grace especial, par cesdictes presentes. Si vous mandons, commandons et enjoingnons, et à chacun de vous, comme à luy appartiendra, que en faisant, souffrant et laissant lesdiz supplians et leursdiz successeurs joyr et user de nostre presente voulenté et declaracion, ordonnance, exempcion et affranchissement, vous les faictes tenir quictes et paisibles de ladicte traicte, sans doresnavant les souffrir et contraindre à en paier aucune [p. 440] chose, et à ceste occasion les molester ou travailler ; ainçoys, se leurs corps ou aucuns de leurs biens sont ou estoient pour ce prins, saisiz, arrestez ou aucunement empeschez, si les leur mettez ou faictes mettre, tantost et sans delay, à plaine delivrance, en mettant aussi par vous, seneschal ou vostre dit lieutenant, du tout au neant ledit procès ainsi meu, intenté et pendant indecis par devant vous contre lesdiz supplians, à l’occasion dessus dicte ; lequel, ensemble tous deffaulx, sentences, appoinctemens ou jugemens qui à l’encontre desdiz supplians se sont ou pourroient ensuir, nous voulons par vous estre mis [au neant] et lesdictes parties quant à ce hors de court et de procès, de nostre dicte grace especial, par cesdictes presentes. Car ainsi nous plaist il estre fait, non obstant quelzconques ordonnances, restrinctions, mandemens [et deffenses] à ce contraires. Donné à Meaux, le deuxiesme jour de juillet l’an de grace mil iiiic lxxiiii, et de nostre règne le xiiie3.

Ainsi signé : Par le roy. Avrillot.


1 Les lettres patentes visées ici sont, non pas de décembre 1473, mais de décembre 1472. Peut-être le scribe a-t-il omis en cet endroit les mots « ot un an », c’est-à-dire il y eut un an au mois de décembre dernier, ce qui donnerait la date exacte. On sait que par lettres d’octobre 1472, à Amboise, Louis XI fit don à son nouveau conseiller et chambellan, Philippe de Commynes, des terres et seigneuries de Talmont, Olonne, la Chaume, Curzon, et autres, faisant partie de la succession de Louis d’Amboise, vicomte de Thouars. (Mémoires de Commynes, édit. Lenglet-Dufresnoy, in-4°, t. IV, partie ii, p. 129 ; édit. de Mlle Dupont, in-8°, t. III, p. 12.) A cette époque ou très peu de temps après, le roi, accompagné de son conseiller, visita les domaines dont il venait de gratifier celui-ci. Commynes en profita pour lui remontrer l’intérêt qu’il y aurait pour lui et pour la chose publique du royaume à donner un plus grand développement au port des Sables et au trafic qui s’y faisait, en assurant plus de sécurité aux commerçants et à leurs marchandises, et il en obtint des lettres portant exemption et affranchissement, en faveur des « manans et habitans des parroisses d’Olonne et de la Chaulme de toutes tailles et autres subventions quelconques, mises et à mettre sus en nostre royaume, tant pour la soulde et payement de nos gens de guerre que autrement, moyennant ce qu’ilz seront tenus faire clorre et fermer de tours, portaux et murailles ladite ville des Sables, et faire les fortifications qui y ont esté advisées par nos amez et feaux conseillers et chambellans, les sieurs de Bressuyre et du Fou, chevaliers, et autres commissaires à ce par nous ordonnés, qu’ilz ont baillé par escript, en laquelle closture et fortification iceux habitans feront employer, outre ce qu’ilz y mettront du leur, la somme de cinq mil livres tournois que nous leur avons donnée et donnons, à prendre des deniers de nos finances par les decharges de nostre receveur, en cinq années prouchaines venans, c’est à sçavoir mil livres tournois par chacun an ». Les mêmes lettres instituaient en la ville des Sables un prévôt et quatre jurés, ayant charge de veiller à sa police et à son entretien, aux fortifications, au guet et autres affaires communes, et d’imposer les habitants ainsi que les marchands étrangers, quand il sera nécessaire, avec le consentement de Commynes ou de ses officiers. Elles sont datées de Disnechien (Dinchin) près le Puybéliard, au mois de décembre 1472, et imprimées dans le recueil des Ordonnances des Rois de France, in-fol., t. XVII, p. 556 (sous la date erronée du 10 novembre 1472), et par Mlle Dupont, Mémoires de Ph. de Commynes, t. III, p. 33-37. (Voy. aussi L. de La Boutetière, Ordonnance de Louis XI pour les Sables d’Olonne, et son voyage en Bas-Poitou en 1472, dans l’Annuaire de la Société d’émulation de la Vendée, 27e année, 1880, 2e série, t. X, p. 79-90.)

M. Benjamin Fillon a signalé un autre document de la même époque, important pour l’histoire des Sables-d’Olonne. Il s’agit de lettres de rémission accordées par Louis XI, au mois de novembre 1472, à Pierre Héron, Jacob Meschin, Colas Dousset, Jean et Denis Joussement, Vincent Hillaireau, Pierre Bouhier et Jean Michonneau, tous habitants de la Chaume ou des environs, qui avaient été condamnés à mort, pour s’être emparés à main armée de la Tour-d’Olonne, le 22 mai de l’année précédente. (Note identifiant cette Tour-d’Olonne insérée dans l’Indicateur, journal de la Vendée, du 11 août 1872, reproduite dans la Bibliothèque de l’École des Chartes, t. XXXIII, 1872, p. 542.) J’ai vainement cherché le texte de ces lettres de rémission dans les registres du Trésor des chartes.

2 La Chambre des comptes, par son arrêt d’entérinement des présentes lettres patentes, restreignit à vingt années seulement l’exemption des droits de traite du blé et du vin, que la déclaration royale accordait à perpétuité aux habitants d’Olonne et de la Chaume. Cet arrêt, daté du 16 octobre 1474, a été publié par Mlle Dupont, édit. des Mémoires de Commynes, t. III, Preuves, p. 59.

3 Le texte de ces lettres patentes est imprimé, d’après le registre du Trésor des chartes, dans la collection des Ordonnances des Rois de France, in-fol., t. XVIII, p. 26.