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CCX

Lettres par lesquelles Philippe le Bel s'engage à donner à Jeanne de Lusignan, sœur du dernier comte de la Marche, outre les terres de Couhé et de Peyrat, qu'il lui avait déjà promises, celles de Saint-Hilaire et de Pontarion, en dédommagement de l'abandon qu'elle lui avait fait de ses droits sur les comtés de la Marche et d'Angoulême et sur la succession de Lusignan.

  • B AN JJ. 45, n° 168, fol. 107
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 27-29
D'après a.

Philippus, Dei gratia, Francorum rex. Notum facimus universis, tam presentibus quam futuris, quod, cum nos Johanne de Marchia, sorori germane Guidonis, quondam comitis Marchie et Engolisme, castra et castellanias de Cohec et de Payrat cum omni alta et bassa justicia et omnibus aliis pertinenciis et dependentibus ex eisdem, racione juris quod ipsa habebat et habere posset et deberet in successione dicti Guidonis, neenon Guidonis de Marchia, patrui ipsius Johanne, concesserimus, prout in quibusdam aliis nostris super hoc confectis litteris plenius continetur1, [p. 28] nos eidem Johanne, racione qua supra et intuitu pietatis, volentes ultra predicta graciam facere pleniorem, facta, de mandato nostro, per dilectum et fidelem Hugonem de Cella, militem nostrum, sen deputatum super hoc ab eodem, informacione de valore villarum Sancti Ylarii et Pontis Arrion, alte et basse justicie, feodorum, reddituum, homagiorum et omnium aliarum pertinenciarum locorum ipsorum et dependencium ex eisdem, et relato nobis à predicto quod predicta non valent nisi centum duodecim libras, duos denarios turonensium vel circa redditus annuatim, concedimus, cedimus et donamus eidem Johanne, heredibus et successoribus suis, et causam habituris ab ea, in perpetuum dictas villas Sancti Ylarii et Pontis Arrion, cum omni alta et bassa justicia, feodis, redditibus, homagiis et omnibus aliis pertinenciis villarum ipsarum et dependentibus ex eisdem, quecumque sint, habendas, tenendas et possidendas ab ipsa Johanna, heredibus et successoribus suis et causam habituris ab ea, perpetuo, pacifice et quiete [p. 29] post mortem dicti Guidonis2, patrui sui, modo et forma quibus idem Guido, qui, vita sibi comite, debet tenere predicta, ea tenet et consuevit tenere, retentis tamen nobis et nostris successoribus in premissis resorto et superioritate quacunque. Que predicta promittimus, pro nobis et successoribus nostris, defendere dicte Johanne, heredibus et successoribus suis, erga omnes, et ea sibi deliberare post obitum Guidonis predicti ; volentes quod dicta Johanna, heredes vel successores sui, auctoritate propria possint capere et apprehendere dictas villas cum earum pertinenciis predicts, et possessionem ipsarum, dicto Guidone, patruo suo, viam universe carnis ingresso. Premissa vero tenebunt à nobis et successoribus nostris dicta Johanna, heredes et successores sui, et causam habentes ab ipsa, una cum dictis castris et castellaniis de Cohec et de Pairat, ad unam fidem et ad unum homagium tantum3. Et si predicta vendi contigerit in futurum, nos vel successores nostri ea habebimus, si velimus, pro precio quod legitime fuerit inter vendentem et ementem conventum. Salvo in aliis jure nostro et in omnibus alieno. Quod ut firmum et stabile permaneat in futurum, presentibus litteris nostrum fecimus apponi sigillum. Actum apud Lyram, anno Domini m. ccc. decimo mense augusti.

Per dominum G. de Cortona, Chalop.


1 Jeanne de Lusignan, fille d'Hugues XII, comte de la Marche et d'Angoulême, avait épousé en premières noces Pierre de Joinville, seigneur de Vaucouleurs. Elle était alors remariée à Bernard d'Albret, vicomte de Tartas. Du premier lit naquirent trois filles : Jeanne, mariée à Roger de Mortemer, comte de la Marche en Angleterre ; Mahaut et Béatrix, religieuses ; et du second, deux autres filles : Marthe d'Albret, vicomtesse de Tartas, morte sans postérité, et Isabelle, femme de Bernard VI, comte d'Armagnac. Les châtellenies de Couhé et de Peyrat avaient, en effet, été promises par Philippe le Bel à Jeanne de Lusignan, en échange des droits de cette dame à la succession de Guy, dernier comte de la Marche, son frère, par la transaction, en date du 18 janvier 1310, rappelée ici (orig. Arch. nat. J. 407, n° 15). Ces terres, ainsi que celles de Saint-Hilaire et de Pontarion, devaient revenir au roi par suite de la renonciation qu'il avait obtenue des héritiers de Guy de Lusignan, seigneur de Couhé, et de sa sœur Isabelle, veuve de Maurice II de Belleville (J. 407, nos 11 et 12 ; JJ. 40, nos 94, 128 et 166), et elles devinrent en effet, après la mort de ceux-ci, la propriété de la veuve de Pierre de Joinville.
Lors du partage de la succession de Jeanne de Lusignan entre ses cinq filles, Couhé fut attribué à l'aînée, Jeanne, femme de Roger de Mortemer, et demeura dans cette famille pendant trois générations au moins. Geoffroy de Mortemer, fils de Roger, figure comme seigneur de Couhé dans différents procès qu'il eut à soutenir au Parlement de Paris, 9 mars 1329, 19 avril et 24 juillet 1342, 20 mai 1349 et 10 juillet 1350 (Arch. nat. reg. X2a 3, fol. 97 v°, 98 ; X1a 9, fol. 399 et s. ; X1a 11, fol. 261 ; X1a 12, fol. 397 v°). Il avait épousé Jeanne de Lezay. Leur fils Jean fut également seigneur de Couhé. Suivant Thibaudeau, la famille de Mortemer se fondit dans celle de Saint-Georges, par le mariage d'Anne de Mortemer avec Guichard de Saint-Georges, seigneur de Vérac. (Mém. ms. de la maison de Vérac, cité dans l'Abrégé de l'Hist. du Poitou, t. VI, p. 99, note.)
2 Guy de Lusignan, seigneur de Couhé et de Peyrat, second fils d'Hugues XI, comte de la Marche, dont le testament, daté du 4 juin 1309, est publié dans le t. Ier de ce recueil, p. 42 et s. ; l'époque de sa mort demeure incertaine.
3 Cette clause servit de prétexte à Jeanne de Lusignan et à ses héritiers pour se dispenser, pendant un demi-siècle, de l'hommage qu'ils devaient à l'abbaye de Saint-Maixent pour la seigneurie de Couhé. Un procès fut intenté à ce sujet par les abbés à Geoffroy de Mortemer ; ils prouvèrent que les anciens comtes de la Marche, Hugues XI entre autres, et son second fils Guy, avaient reconnu à plusieurs reprises qu'ils tenaient ce fief de Saint-Maixent, et obtinrent du Parlement un arrêt qui affirma leur droit dans le passé et le maintint pour l'avenir. Geoffroy fut condamné à leur faire la foi et hommage et à leur payer les dépens, 20 mai 1349 (X1a 11, fol. 261). Plus d'un an après, il n'avait pas encore acquitté les frais du procès, et le sénéchal de Poitou reçut ordre de le contraindre à payer, sous menace de saisie de ses biens, 10 juillet 1350 (X1a 12, fol. 397 v°).