[p. 159]

CCLXII

Philippe de Valois ratifie l'acquisition faite par Savary de Vivonne, son capitaine en Poitou, de l'hébergement des Forges, sis à Poitiers, bien qu'elle soit contraire aux ordonnances.

  • B AN JJ. 73, n° 175. fol. 142 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 159-161
D'après a.

Philippes, etc. Savoir faisons que nous, pour les bons et agreables services que nostre ame et feal chevalier et conseillier, Savary de Vivonne1, sire de Tours, nous a [p. 160] faiz ou temps passé et fait encoire continuelment chascun jour, avons volu et octroié, voulons et octroions, de nostre grace especial et de certeine science, que certaine rente qu'il a acquises nagueres jusques a dis livrées parisis ou environ, a Poitiers, en la seneschaucie de Poitou, par achat fait de Huges Gorjaut2, chevalier, il puisse tenir et avoir perpetuelment, c'est assayoir un herbergement assis a Poitiers, appellé les Forges, o les jardins, treilles et parelouses du dit herbergement, et pluseurs autres choses, non obstant qu'il soit pour le temps nostre officier et capitaine es dites parties, et noz ordenances faites au contraire, c'est assavoir que aucuns noz officiers, ès parties ou il sont establiz, ne doivent ne ne pevent soy accroitre ne acquerre heritage. [p. 161] Sauf nostre droit en autres choses et l'autruy en toutes. En tesmoing de la quele chose, nous avons fait mettre nostre seel en ces lettres. Donné au bois de Vincennes, ou mois d'aoust, l'an de grace mil ccc. trente et neuf.

Par le roy, à la relacion messire G. de Villiers et P. de Villaines. Henry.

Sine financia, de assensu gencium Compotorum. R. de Balehan.


1 Savary III de Vivonne, seigneur de Thors, d'Aubigny, des Essarts, etc., était le fils aîné de Savary II et d'Eschive de Rochefort. Successivement sénéchal de Toulouse vers 1334, capitaine souverain ès parties de Poitou et de Saintonge en 1336, il ne cessa de servir contre les Anglais, dans son pays et dans les contrées voisines, jusqu'à sa mort qui arriva vers le mois de septembre 1367. Il serait superflu de reproduire ici les éléments de sa biographie, que l'on trouve dans les généalogies imprimées. telles que celles du P. Anselme, t. VIII, p.763. et de M. Beauchet-Filleau, Dict., hist. et généal. du Poitou, t. II, p. 813, ou d'analyser les actes réunis dans le présent recueil pour les grouper en une notice. Mais il ne sera pas inutile d'indiquer quelques autres sources ou de nouveanx renseignements peuvent être puisés sur ce personnage, dont la carrière fut si bien remplie. On verra plus loin (n° CCXCIX, note) qu'il gagna contre Jean de Nanteuil, prieur d'Aquitaine, un procès au sujet de la justice de Launay, dépendant de sa châtellenie des Essarts, que lui contestait le prieur de Launay. Le 25 mai 1342, il comparait au Parlement, à la requête de Maingot de Pranzac, prieur de Varaise, dont il se constitue pleige (X1a 9, fol. 247). Le 3 juillet 1343, on le retrouve devant la cour pour son compte personnel. Une affaire portée au Parlement en appel du sénéchal de Poitou, entre lui et Guillaume Châteignier, se termine par un accord amiable (id., fol. 390 v°). Dans l'interrogatoire d'un nommé Arnaud Foucaut, aventurier à la solde des Anglais, que celui-ci subit du 16 au 28 mai 1345, on lit quelques détailssur la part que Savary de Vivonne eut à la prise de Montendre, avec Mouton de Blainville, alors qu'il était capitaine pour le roi en Saintonge (X2a 4, fol. 190 v° à 192 v°). Ce document a été publié récemment par M. A. Molinier (Chronique normande du xive siècle, publ. pour la Soc. de l'histoire de France, in-8°, 1882, p. 224, 225).
Les registres du Parlement fournissent encore beaucoup d'autres faits intéressants pour la biographie de Savary III ; nous ne pouvons que les résumer. La succession de Jean de Clisson, fils aîne d'Olivier de Clisson, qui fut exécuté aux Halles en 1343, héritage dont Mathilde de Clisson, sa tante, revendiquait une partie, donna lieu à un long procès entre Savary de Vivonne, a cause de ladite Mathilde, sa femme, et Guillaume-Paynel. Deux arrêts importants, quoique non définitifs, furent rendus en cette affaire, le 13 décembre 1348 (X1a 12, fol. 318 et 348). Les parties finirent par conclure, le 3 juin 1351, un accord qui nous a été conservé (Arch. nat., XIC 5) et dans lequel on voit que les deux tiers de la châtellenie de Mirebeau furent attribués à Mathilde de Clisson. Nous reviendrons ailleurs sur ce fait important, qui n'a été signalé nulle part. Dans un autre acte de même nature, qui mit fin à une contestation survenue entre Savary de Vivonne, à cause de sa femme, d'une part, Guillaume Trousseau et sa femme Marguerite de Bauçay, qui est dite héritière en totalité de Guy de Bauçay, premier mari de Mathilde de Clisson, d'autre part, l'on apprend que ce dernier constitua en douaire à sa femme une rente annuelle de 600 livres à prélever sur les revenus de la terre de Chéneché, et que cette rente avait cessé d'être payée « tant pour cause des guerres présens et occupacions faites par les « ennemis du roy nostre sire sur la terre qui fu du dit Guy on de « Bauçay, que pour la mortalité de la gent et sterilité des fruys qui « ont este en la dite terre. » Les adversaires de Savary de Vivonne ne niaient du reste pas la dette ; ils prirent des arrangements pour le paiement des arrérages et s'engagèrent à verser régulièrement les annuités suivantes.
Cet accord, qui porte la date du 12 mars 1353 (n. s.) (XIC 7), et celui du 3 juin 1351, contredisent une assertion des généalogistes cités plus haut. Ces auteurs attribuent à Savary III deux fils, Savary IV, qui serait mort avant son père, laissant un fils du nom de Renaud, et Guillaume dont l'existence se serait prolongée au delà du terme de celle de Savary III. Ces fils auraient épousé les deux sœurs, Marie et Marguerite Châteignier. Or, les textes dont nous parlons établissent que Savary III n'eut de Mathilde de Clisson qu'un fils, nommé tantôt Savary et tantôt Guillaume, décédé après le 12 avril 1348 (X1a 12, fol. 184 v°), mais antérieurement au 3 juin 1351, et qui fut père de Renaud, alors mineur.
2 Hugues Gourjault est cité dans le Dict. généal. du Poitou, t. II, p. 168, mais sa filiation n'est pas indiquée. Voy. aussi le tome Ier de ce recueil, p. 429.