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CCLXXVII

Restitution par le comte d'Eu, à Jean Pascaud, prévôt de l'Église de Poitiers, des moulins de Coulon qui avaient été saisis sur Pierre Allope, de Benet, oncle dudit Jean, en garantie d'une somme qu'il devait au comte.

  • B AN JJ. 269, nos 209 et 210, fol. 95 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 184-187
D'après a.

Raoul, conte de Eu et connestable de France. A touz ceulz qui ces presentes lettres verront ou orront, salut. Saichent tuit que, comme nous eussons pris par devers nous les molins de Coulons avecques les appartenances que tenoit jadiz Pierres Allopes, de Benays, pour certeinne somme d'argent, en quoy il nous estoit tenuz, et nostre amé maistre Jehan Pascaus1, prevost de l'eglise de Poictiers, disanz que les diz [p. 185] molins estoient siens par bon titre et loyal, du quel il nous offroit à enformer, s'il nous plaisoit, et en enforma aucunes de noz genz, et que li diz Pierres n'y avoit riens que usufruit tant seulement, nous eust par pluseurs foiz requis et à grant instance que nous li vosissiens rendre les diz molins et que nous li faisions granz griez et grant prejudice, et se nous aviens aucun droit encontre le dit Pierre que nous preissiens de ses autres biens et feissons vendre et despendre, se mestiers fust ; des quelz biens il avoit grant foison en nostre jurisdicion et ailleurs. Pour quoy, eue deliberacion et conseil sur le droit et requeste du dit [p. 186] maistre Jehan, et consideré que il nous convenist faire hommage pour cause des diz molins, et que li diz Pierres avoit grant foison d'autres biens en nostre jurisdicion, pour nous paier ce en quoy il nous estoit tenuz, non obstanz aucuns esmouvemens que nous avons euz de les retenir, pour ce qu'il convient faire droit et raison à chascun, nous avons rendu, quictié et delaissié, rendons, quictons et delaissons au dit maistre Jehan les diz molins avec les appartenances et tout le droit que nous y avions et avoir povyens, sanz jamais riens demander ne reclamer. Et volons que tenue ni exploitemens, que nous aions fait des diz molins, ne li porte prejudice en riens. Et supplions à nostre très cher et redoubté seigneur, monseigneur le roy de Navarre2, de qui les diz molins sont tenuz à foy et à homage lige, que le dit maistre Jehan il vueille recevoir en son dit hommage pour cause des diz molins et l'en laisse joir, comme des siens paisiblement. En tesmoing des queles choses, nous avons seellé ces presentes lettres de nostre seel. Donné à Paris, le x. jour de fevrier, l'an de grace mil ccc. et quarante.

Raoul, conte de Eu et connestable de France. A touz ceulz qui ces presentes lettres verront et orront, salut. Comme Pierres Alloppes, de Benays, nous fust tenuz et obligiez en la somme de iiie. et lxiii. livres de monnoie courant, l'an mil ccc. xxxv. et xxxvi., pour certeinne cause, et il ne nous peust pas paier bonnement sanz vendre de ses heritages, saichent tout que pour nous paier de la dicte somme d'argent, nous avons vendu à nostre amé maistre Jehan Pasquaut, prevost de l'eglise de Poictiers, neveu du dit Pierre, du gré et de l'assentement de lui et de sa fame, les biens et heritages qui s'en suivent : c'est assavoir tout le droit que il avoit en une [p. 187] maison seant à Benays, qui fu jadis Jehan Alloppe, frere du dit Pierre. Item cinq sextiers de blé et une mine de forment de rente, que le dit maistre Jehan et sa mere devoient au dit Pierre. Item une piece de pré seant à Floré. Item une pièce de terre seant à Gorse, qui fu jadiz Jehan Alloppe. Item deux fiefz de vignes assiz l'un au Chiron Rive et l'autre à Croiet, partanz à moitié aus vignes et fiefz du dit maistre Jehan, pour le pris de iiielxiij. livres de la monnoie dessus dicte, avaluez à vie livres de la monnoie courant à présent. La quele somme d'argent le dit maistre Jehan nous a paié bien et entierement, et de celle somme nous nous tenons pour bien paié et sattisfié, et en quittons le dit Pierre, le dit maistre Jehan, leurs hoirs, leurs successeurs presenz et avenir, sanz jamais leur en riens demander par nous, par noz hoirs, par noz successeurs. Et les choses dessus dictes nous promettons en bonne foy tenir et garder, et non venir à l'encontre, et à ce obligons nous, noz biens, noz hoirs et touz noz successeurs, presenz et avenir. En tesmoing des quelles choses et en plus grant seurté de ce, nous avons seellé ces presentes lettres de nostre seel. Donné à Paris, le xe jour de fevrier, l'an de grace mil ccc. et quarante3.


1 Jean Pascaud, ou Pacaut, porte également, dans d'autres actes contemporains, le titre de clerc et conseiller du roi. Sur un état des officiers du Parlement de novembre 1340, il figure parmi les clercs de la chambre des enquêtes ; mais son nom est biffé, et on le retrouve ajouté et inscrit d'une autre main, un peu postérieure, à la liste des clercs de la grand'chambre, dont il faisait sûrement partie en novembre 1341 (Arch. nat. X2a 4, fol. 17 et 52 v°). Il est fréquemment mentionné avec cette qualification dans les registres X1a 8 à 12 (1341-1350) et, par suite, il se trouvait placé, lui et ses biens, sous la sauvegarde royale. En sa qualité de prévôt de l'église de Poitiers, il jouissait, comme ses prédécesseurs l'avaient fait, de la moyenne et basse justice, ainsi que du privilège brandones et saisinas ponendi sur tout le territoire de la paroisse d'Epieds. Cependant Pierre lmbard et Mathieu Grenet avaient entrepris de tenir des assises audit lieu et d'y ériger des fourches patibulaires, excès d'autant plus graves que, vu les fonctions de Pascaud, il s'y ajoutait une violation de sauvegarde. Celui-ci les poursuivit au Parlement pour obtenir réparation de ce préjudice, et, comme ils ne s'étaient point présentés au jour qui leur avait été assigné, et que le demandeur réclamait le profit du défaut, la cour, par sentence du 14 août 1348, ordonna que Pierre et Mathieu seraient ajournés une seconde fois aux jours de Poitou du prochain Parlement (X1a 12, fol. 277). On ne sait quelle suite fut donnée à cette affaire. Vers cette époque, Pascaud avait été commissaire dans un procès soutenu par Aimery Loyer, aliàs Louher, chevalier, contre Hubelin de Châteignier, et il ne pouvait obtenir du premier le paiement des gages qui lui étaient dus pour cet office. Le Parlement lui permit de poursuivre son débiteur et de le contraindre à payer par voie de saisie et d'exécution de ses biens ; arrêt du 14 avril 1350 (reg. cit., fol. 371 v°). Jean Pascaud mourut entre cette date et le 28 mars 1351, avant la fin d'un procès, qu'il soutenait, en qualité de prévôt de l'église de Poitiers, contre Jean Boivin, écuyer, et sa mère (X1a 13, fol 21 v°).
On trouve encore dans les archives du Parlement quatre accords conclus par Jean Pascaud : 1° avec G. de Chouppes, le 23 avril 1336 ; 2° avec Bonabbé de Rougé, touchant la mouvance de l'hébergement des Touches, le 28 mai 1336 ; 3° avec P. de Hangest et J. de Villebrème, le 26 août 1343 ; 4° avec Th. de Volvire, touchant les vacations d'une enquête, le 20 juin 1345 (X1c 2 et 3).
2 Philippe III, roi de Navarre, comte d'Evreux, d'Angoulême et de Longueville, mari de Jeanne de France, fille unique de Louis X, mourut le 16 septembre 1343.
3 A la suite se trouve un acte par lequel Jean Pascaud, prévôt de l'église de Poitiers, donne quittance au comte d'Eu de la levée faite par ses gens des revenus des moulins, de tout le temps passé jusqu'au 24 février 1341, date de cette pièce.