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CCC

Vidimus et ratification de trois chartes de Louis, vicomte de Thouars, en faveur de Guillaume Baritaut. Par la première, il lui fait don de la Motte-Joudoin ; dans la seconde, il confirme les donations qui lui ont été octroyées par Amaury de Craon et le dispense de l'hommage ; et par la troisième il l'établit son sénéchal dans la vicomté de Thouars et lui confère le droit d'acquérir dans tous ses fiefs et arrière-fiefs.

  • B AN JJ. 68, n° 67, fol. 39
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 266-273
D'après a.

Philipes, par la grace de Dieu, roys de France. Savoir [p. 267] faisons à touz, presens et avenir, que nous avons veues les lettres, dont les teneurs s'ensuivent :

A touz ceulz qui ces presentes lettres verront, Jehan de Milon, garde de la prevosté de Paris, salut. Savoir faisons que, par devant Jehan le Mire et Aubery de Crepon, clers, notaires jurez et establis de par nostre seigneur le roy ou Chastellet de Paris, aus quiex nous adjoustons foy plainiere en ce cas et en plus grant, et quant aus choses ci-dedenz contenues faire, oïr et à nous rapporter, de par nous et ou lieu de nous especialment commis et envoiez pour ce, fu personnelment establi noble homme, monseigneur Loys de Thouart1, chevalier, sires de Moneto, et afferma [p. 268] que il autre foiz a voit donné à Guillaume Baritaut2, clerc, la Mote Joudoin et les appartenances, en recompensacion des bons services que le dit Guillaume li avoit faiz ; tout le quel don de la dite Mote Joudoin et les appartenances autre foiz fait au dit Guillaume, comme dit est, icelui chevalier, consideré et resgardé la perseverance, les granz profiz et trevails que le dit Guillaume a faiz pour ycelui chevalier, pour contemplacion d'iceuls, tout ycelui don il voult, loua, grea, approuva, ratifia et conferma, et voult expresseement que il demeure perpetuelment à touz jours valable, et encores icelui don il quitta, cessa, transporta et du tout en tout delaissa desorendroit à touz jours au dit Guillaume, à ses hoirs et à ceuls qui cause auront de lui, mettant et transportant à touz jours au dit Guillaume, en ses hoirs et en ceuls qui cause auront de lui, tous les droiz de saisine, [p. 269] de proprieté et autres quelconques que il avoit et povoit avoir, comment que ce fust, en la dite Mote et appartenances, et d'iceuls Mote, appartenances et droiz dessus diz il se devesti et desmist, et en vesti et mist en son lieu le dit Guillaume et ceuls qui cause auront de lui, et l'en fist procurateur, acteur et faiseur, comme en sa chose propre. Et promist ycelui chevalier en bonne verité et par la foy de son corps baillie pour ce et corporelment ès mains des diz notaires jurez que contre le dit don ne contre aucune des choses contenues en ces presentes lettres il n'ira ne aler soufferra, comment que ce soit, par lui ne par autres, jamais à nul jour, ou temps avenir, ainçoiz la dite Mote et appartenances dessus diz, donnez comme dit est, garantira, delivrera et deffendra contre touz et envers touz, au dit Guillaume, à ses hoirs et à ceuls qui cause auront de lui, en jugement et hors, perpetuelment, toutes foiz et quantes que mestier sera et que il en sera requis du porteur de ces lettres, et que il rendra et paiera au dit Guillaume ou au dit porteur touz dommages et interès qui faiz et sous-tenuz y seroient par deffaut de sa garantie ou autrement, comment que ce fust, en aucune des choses dessus dites non enterinées et non aemplies, en la maniere que par dessus sont devisées. Et quant à tout ce que dit est tenir fermement et loyaument acomplir, le dit chevalier obliga et souzmist soy, ses hoirs et touz ses biens, et de ses hoirs, meubles et non meubles, presenz et avenir, quiex [et] où que il soient, à justicier par nous et noz successeurs, prevoz de Paris, et par toutes autres justices, souz qui jurisdicion il seront trouvez. Et renonça expresseement en ce fait par sa foy et par son serement à toute lesion, decepcion et decevance, à toute aide de fait et de droit escript et non escript, à ce que il puisse dire que autre ait esté faite ou accordée, à accion en fait, à convencion de lieu et de juge, et generalment à toutes coustumes, constitucions, ordenances, loys, us, establissemens, à toutes, excepcions, [p. 270] barres, raisons, deffenses et aides, de fait et de droit, et autres choses qui aidier et valoir lui pourroient à venir contre la teneur de ces lettres, ou contre le fait contenu en elles, mesmement au droit disant general renonciacion non valoir. En tesmoin de ce, nous, à là relacion des diz notaires jurez, avons mis en ces lettres le seel de la prevosté de Paris, l'аn de grace mil ccc. xxxiij., le dimanche trezieme jour de fevrier.

Item.

A touz ceuls qui verront et orront ces presentes lettres, nous Loys, viconte de Touars, seigneur de Talemont, salut. Sachent toz que nous voulons, confermons et ratefions toutes et chascune les choses que Amauri, sires de Craon3 et de Maroil, a données et octroiées à monsseur Guillaume Baritaut, chevalier, et à ses hoirs et successeurs, et voulons et octroions que elles soient perpetuelment fermes et estables, sanz ce que nous, nos hoirs ou successeurs, puissons venir encontre. Et en outre, donnons et octroions au dit monsieur Guillaume, à ses hoirs et à ses successeurs, l'ommage que nous avons et lequel nous a fait monsieur Henri Encelon, chevalier, du herbergement de la Mote Frolon et des appartenances, et transportons et baillons au dit monsieur Guillaume, à ses hoirs et à ses successeurs, toute l'obeissance, rachaz et autres devoirs que nous avons et avoir povons sur les choses dessus dites et pour raison d'icelles, en augmentacion et accroissement de l'omage, lequel nous a fait le dit monsieur Guillaume des choses qu'il tient de nous, à Noaillé, retenu à nous et aus noz la susereyneté et justice que nous avions sur les choses dessus dites. Et promettons en bonne foy et sur l'obligacion de noz hoirs et de noz biens, que nous ne vendrons contre les choses dessus [p. 271] dites. En tesmoing de ce, nous avons seellé ces presentes lettres de nostre seel. Donné le dimenche après la Magdaleine4, l'an de grace mil ccc. xl. et deux.

Item.

A touz ceuls qui verront et orront ces presentes lettres, Jouhan Barré, portant le seel royal establi à Poicters, salut. Sachent touz que, establi en droit personaument noble homme monseigneur Loys, viconte de Thouars, seigneur de Thalemont, chevalier, par devant Guillot Ogier, clerc juré de la court du dit seel et commissaire, au quel nous adjoustons pleniere foy en cestes choses et en greigneurs, le dit monseigneur Loys, viconte de Thouars, de sa bonne volenté, cognut et confessa que il voulit et octroia à monsieur Guillaume Baritaut, chevalier, et en celui temps escuier, en convenances qu'il firent ensamble qu'il fu son seneschal de la viconté de Thouars et de Thalemondais, que le dit monsieur Guillaume peust acquerre en toutes les terres, fiez ou rerefiez du dit monseigneur Loys, viconte de Thouars, et que toutes et chascunes les choses qu'il acquerroit fussent et demourassent perpetuelment au dit monsieur Guillaume Baritaut, chevalier, ses hoirs et successeurs, et à ceuls qui de lui auront cause. Et encores le dit monseigneur Loys, viconte de Thouars, perseverens en chouses dessus dites et regardans que le dit monsieur Guillaume Baritaut, son seneschal, l'a bien et loyalment servi et que il a souffert maintes paines et travails pour lui, en traictant et faisant ses besoignes, souffisanment de ceu adcertené, voulit, acorda et octroia que le dit monsieur Guillaume Baritaut, son seneschal, puisse acquerre en toutes les terres, fiez ou rerefiez du dit monseigneur Loys, viconte de Thouars, et que toutes les choses qu'il a acquises par titre de don, de vendicion, de permutacion, ou par quelconque autre titre que ce soit, et qu'il acquerra ou temps [p. 272] avenir, ès fiez, rerefiez et povoir du dit monseigneur Loys, viconte de Thouars, soient et demeurent perpetuelment, paisiblement et quittement au dit monsieur Guillaume Baritaut et à ses hoirs et successeurs, et à ceux qui de lui auront cause, sanz ce que le dit monseigneur Loys, viconte de Thouars, ses hoirs et successeurs, ou ceuls qui de lui auront cause, puissent, par eulx ou par autres, ou temps avenir, mettre ne faire mettre empeschement au dit monsieur Guillaume Baritaut, ses hoirs et successeurs, ou ceulx qui de lui auront cause ès dites choses. Et se aucun droit, cause ou demande le dit monseigneur Loys, viconte de Thouars, avoit ou povoit avoir, ou qui li peust appartenir par droit, usage et coustume, ou par quelconque autre cause ou par ordenance du roy de France ou de ses predecesseurs, ou d'autres personnes, faiz et à faire, ou qu'il les ait acquises par puissance de son office, ou par quelconque autre cause et raison que ce soit, ès dites choses acquises et à acquerre ès fiez, rerefiez et povoir du dit monseigneur Loys, viconte de Thouars, du dit monsieur Guillaume Baritaut, son seneschal, depuis le temps qu'il fu en l'office dessus dit, et tant comme il y demourra, il le cessa et transporta, quitta et delessa du tout en tout au dit monsieur Guillaume, ses hoirs et successeurs, et ceuls qui de lui auront cause. Et promist le dit monseigneur Loys, viconte de Thouars, le serement de son corps sur ce donné, tenir, garder, enteriner et accomplir les dites choses, et que il ne vendra ne ne fera venir par soy, ne par autre, encontre. Et à ce obliga soy et ses hoirs et successeurs, et ses biens presenz et avenir, et renoncia à toute excepcion, decepcion, circonvencion de mal, de fraude, de tricherie, et à touz droiz, raisons, usages et coustumes, ordenances, statuz faiz, et à faire, graces, privileges, donnés et à donner, qui pourroient estre obiciez ou opposez contre la teneur de cestes presentes lettres, lesquelles il voulit que elles eussent force, vertu et fermeté entierement. Et fu le dit monseigneur Loys, viconte [p. 273] de Thouars, de [son] consentement et à sa requeste, jugié et condempné, par le jugement de la court du dit seel, à toutes et chascunes les choses dessus dites tenir et garder enterinement, par le dit Guillot Ogier, juré et commissaire, qui des choses dessus dites m'a fait plaine foy et relacion, a laquelle et requeste des parties, et de leur consentement, ay en ces presentes lettres appousé le dit seel, en tesmoing de verité. Donné et fait, presens et garens à ce appellez monsieur Guillaume du Boys, prieur de Feoulle, Jehan Bouquin5 et Colinet le Lou, vallet de chambre du dit noble, le lundi après feste de Touz Sainz, l'an de grace mil ccc. quarante6.

Nous adecertes les dites lettres et toutes les choses, et chascune d'icelles, contenues en icelles, aians fermes et agreables, ycelles voulons, greons, loons, ratifions et de grace especial, par la teneur de ces lettres, confermons. Et que ce soit ferme et estable à touz jours, nous avons fait mettre nostre seel en ces lettres. Sauf en autres choses nostre droit et en toutes l'autrui. Donné à Saint Germain en Laye, l'an de grace mil ccc. xl. et trois, ou mois de novembre.

Par le roy, à vostre relacion. Clavel.

Non cadit financia. R. de Baleham.


1 Ce Louis de Thouars doit être un personnage différent de celui qui figure dans les deux actes suivants avec le titre de vicomte. Car, à la date de cette première pièce, c'est-à-dire le 13 février 1334, le vicomte Jean était mort depuis près de deux ans (25 mai 1332), suivant tous les généalogistes ; son fils aîné, Louis, ne pouvait négliger de prendre une qualité dont il faisait suivre son nom même du vivant de son père (voy. une charte du 8 octobre 1329, publiée clans le Cartul. d'Orbestier, Arch. hist, du Poitou, t. VI, p. 160). Toutefois ce ne peut être qu'un fils de Jean et de Blanche de Brabant qui apporta à son mari les seigneuries de Monest, Roche-Corbon et la Ferté-Gillebert, et qui, selon les généalogistes, lui donna trois fils : Guy, Louis et Jean. (Cart, de Chambon, Mém. de la Soc. de Statist, des Deux-Sèvres, 1873-1874, p. 273.).
Il n'est pas nécessaire d'entrer dans le détail de la biographie de Louis de Thouars, qui fut vicomte du 25 mai 1332 au 7 avril 1370, date de sa mort, suivant les auteurs qui se sont occupés de sa généalogie. On se contentera de signaler ici certains faits inconnus et de renvoyer aux registres du Parlement pour les principaux procès qu'il soutint devant cette cour. Dans un voyage que le vicomte de Thouars fit à Paris au commencement de 1332, des gentilshommes de sa suite, entre autres Bouchard d'Azay, Guillaume Trousseau, chevalier, Jean de la Forest, chevalier, et l'écuyer de celui-ci, Pierre le Vicomte, se rendirent coupables d'un assassinat sur la personne de Guyard de Noireterre, et Pierre le Vicomte fut traîné et pendu pour ce crime, le 29 avril de cette année. Les informations et les interrogatoires de la victime, des prévenus et des témoins, qui se trouvent tout au long dans le registre X2a 4, fol. 134 à 143, donnent des renseignements précieux sur l'entourage du vicomte de Thouars. On y apprend qu'il descendait à Paris rue de la Harpe, où il avait sans doute un hôtel. Parmi les procès importants dont nous avons trouvé les traces dans les registres du Parlement, nous citerons seulement ceux qu'il soutint : 1° contre Louis de Sancerre, à propos de la dot d'Isabelle de Thouars, femme de ce dernier (jugé du 22 mars 1335, X1a 7, fol. 73 v°) ; 2° contre la comtesse de Juilly et dame d'Harcourt, touchant les terres de Virson et de Livry (arrêts du 17 mai et du 20 juillet 1336, X1a 7, fol. 134 et 146 v°, et du 4 mai 1342, X1a 8, fol. 225) ; 3° contre l'abbaye de Saint-Jouin de Marnes, au sujet du ressort de cette abbaye (procédures de 1337 à 1348 ; X1a 7, fol. 194 .v°, X1a 9, fol. 157 v°, 255 v° ; X1a 11, fol. 236 et v°) ; 4° contre Pierre de Lieuvilliers, maître des requêtes du Palais, commissaire en Poitou, qui avait fait enfermer dans les prisons royales des justiciables du vicomte, accusés de vol, 26 août 1343 (X2a 4, fol. 124 v°) ; 5° contre l'abbaye de Ferrières, 5 avril 1345 (X1a 10, fol. 135 v°) ; 6° contre Isabelle de Melun, comtesse de Dreux, touchant la succession du comte de Dreux qu'il revendiquait pour sa femme Jeanne de Dreux, 1347-1354 (X1a 12, fol. 70 v°, 261 v°, 425 et 429 ; Χ1a 13, fol. 118 ; X1a 15, fol. 73 et v°, 329 v° et 347 v°), etc., etc.
2 En 1352, un Guillaume Baritaut, clerc, qualifié étudiant à Paris, dont le lien de parenté avec le personnage mentionné ci-dessus n'a pu être établi, poursuivait au Parlement deux Brabançons, nommés Gauteron d Usombèque et Costin de Berquien, qui l'avaient dépossédé de son hébergement de la Peyraudière et en avaient expulsé ses gens, au mépris de la sauvegarde royale. Ces usurpateurs obscurs n'étaient que les instruments du seigneur de Bésauges, au nom duquel ils agissaient ouvertement. Celui-ci, surprenant la bonne foi du sénéchal de Poitou, s'était fait délivrer des lettres par lesquelles il prétendait justifier sa spoliation. Guillaume Baritaut, redoutant la puissante influence de ses adversaires et n'osant soumettre sa réclamation au sénéchal, son juge naturel, retenu d'ailleurs à Paris par ses études, avait obtenu de Philippe de Valois, du vivant duquel les faits avaient eu lieu, que le Parlement serait saisi de l'affaire. C'est ainsi qu'après plusieurs années d'attente il obtint de cette cour un jugement de défaut contre d'Usombèque et de Berquien, qui furent condamnés aux dépens le 4 avril 1352 (X1a 13, fol. 297 v°).
3 Amaury IV, fils de Maurice VII et de Marguerite de Mello, dame de Sainte-hermine épousa Pernelle, fille ainée de Louis, vicomte de Thouars, en 1324, fut fait prisonnier à la bataille de Poitiers et mourut le 30 mai 1371, sans laisser d'enfants.
4 Le 28 juillet.
5 Jean Bouquin, dont le nom est écrit ailleurs Bosquin, était châtelain de Thouars, en 1341. Il était poursuivi à cette époque avec le vicomte de Thouars et d'autres officiers, par le prieur de Tourtenay, qui se plaignait d'avoir été, de leur part, victime de graves excès et de dommages matériels, quoiqu'il fut placé sous la sauvegarde royale. Voy. un mandement adressé à Ferry Briard, le chargeant de faire une enquête, d'examiner les dégâts, d'estimer les pertes, de relever les panonceaux royaux, etc., en date du 14 juin 1341 (X1a 9, fol. 152 v°). On trouve aussi dans les registres de cette même année que Jean Bouquin fut commis, en qualité de châtelain de Thouars, pour faire une enquête touchant la possession d'un manoir appelé Destambe, que réclamaient contradictoirement, devant le sénéchal de Thouars, Jean de Mage et Hémon le Changeur (arrêt de procédure du 28 juin 1341, X1a 8, fol. 172).
6 Le 5 novembre 1340.