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CCLXXXIX

Confirmation de la sentence d'absolution rendue par Payen de Maillé, sénéchal de Poitou, en faveur de Michel Sarrazin de Niort, accusé du meurtre de Jean le Verdier.

  • B AN JJ. 72, n° 256, fol. 187 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 215-221
D'après a.

Philippes, etc. Savoir faisons à touz, presenz et avenir, nous avoir veu unes lettres, des quelles la teneur s'ensuit :

A touz ceulx qui ces presentes lettres verront et orront, Poingo de Mailly1, chevalier du roy nostre seigneur et [p. 216] son seneschal en Poitou et en Limozin, salut et avoir memoire des choses ci-dessous escriptes. Michea Sarrazins2, de Niort, establiz en droit par devant nous, nous a signiffié et dit que comme jà pieça il eust esté en arrast du roy à Xanctes, pour le soupsçon de la mort feu Jehan le Verdier occis à la Chapelle près de Xanctes, si comme l'en dist, et eust esté rendu et remis à noble homme et pouissant, monseigneur Jourdain de Loubert, chevalier du dit nostre seigneur le roy et son seneschal en Poitou, comme levant et couchant et justiçable en la dite seneschaucie de Poitou, à Niort, et comme estant en deffense du dit cas, par noble homme et puissant monseigneur Ytier de Maignac, chevalier du dit seigneur, et son seneschal lors de Xanctonge, et depuis tout ce l'en eust fait appeller par devant le dit noble seneschal de Poitou, aux assises de Niort, et par devant ses commissaires, la deguerpie et le frere du dit mort, par especial, et, par general, touz autres pour venir dire, denoncier, proposer ou accusier, ou la court du roy solliciter sur le dit cas contre le dit Michea, en appart ou en rebout3, tout ce qu'il vousissent, comme il fust prest d'ester à droit et faire ce qui deust, et la court preste de faire raison à chascun sur ce, et pluseurs foiz et o intimacion que, venissent ou non, l'en procederoit à la delivrance du dit Michea, tant comme raison seroit, et nul ne fust apparu qui contre li vousist aucune chose dire, denoncier, proposer ou accusier, ne aucunes preves, presumpcions ou conjonctures amener pour proceder ou le procureur du [p. 217] roy, souffisanment preconizez, et fait assavoir en jugement, le dit Michea souffisanment apparrissanz et actendent et prest d'ester à droit et de faire ce qu'il devroit ; et après ce l'on li eust ajugié que sur le dit cas il seroit mené pour la loy et la coustume du païs, c'est assavoir que il tendroit arrest ou prison en la ville de Niort, la quelle l'en li bailloit pour prison par septaine, quinzene, quarantaine, et segroit les granz assises du roy à Niort, par an et par jour, à la quelle septainne, quinzene, quarantene li ajuger ses obeissances et li faire recreance de son corps, et en oultre faire ce que raison donroit en tel cas ; l'en li donna commissaire le prevost de Niort ou son lieutenant ; et le dit Michea a bien gardé sa prison par septainne, quinzene, quarantene, si comme il dit à nous estre apparu par la relacion du prevost de vive voiz et de lettres, et obei aus assises d'an et de jour. Et depuis a pluseurs abondences fait, comme de faire apeller les diz fame et frere et leur faire assavoir la dite loy adjugie et les diz procès par especial et, par general, à touz autres, par criz fait ès parties de Xantonge, en la ville de Xanctes, par le commandement de noble homme le seneschal de Xanctonge, fait sur ce à nostre requeste, ou de nostre dit predecesseur, en aide de droit, et à Niort, aus jours de la dite septainne, quinzene, quarantene, et à pluseurs grans assises du roy à Niort, par jours simples et jugiez o pluseurs intimacions, que, venissent ou non, l'en procederait à la delivrance et absolucion du dit Michea, tant comme raison seroit. Et nulz ne fust apparuz qui contre li vousist aucune chose dire, proposer, promovoir ou acuser en la court, solliciter en appart ou en reboust contre le dit Michea sur le dit cas, souffisanment appelez et preconizez en jugement, le dit Michea touzjours obeissant et prest d'ester à droit et de faire ce qu'il deust, et estant en deffense du dit cas ; et pour ce l'en eust donné au dit Michea ses obeissances et deffenses de jours simples et jugiez des diz adjournemenz, et [p. 218] tout ce que l'en li povoit et devoit l'en donner de raison. Et en oultre, à plus grant abondance, l'en eust fait adjourner d'office et à instance du dit Michea, si et tant comme il en besoignoit, à ces presentes assises, la dite deguerpie et frere par especial et generalement touz autres, par criz, par la maniere dessus dite, pour venir dire, denoncer, proposer ou accuser, ou la court solliciter sur le dit cas contre le dit Michea tout ce qu'il voudroient sur touz deffenses et o jugement solenneement une fois par toutes, et pour venir, amener et apporter à la court toutes preuves, instrumenz, garens, confessions, presompcions, conjectures qu'il povoient avoir ou savoir contre le dit Michea, o intimacion qu'il venissent ou non, l'en procederoit à l'absolucion pleniere du dit Michea sur le dit cas, tant comme raison seroit. Et le dit Michea à ces presentes assises soit obei et apparu souffisanment, et nous ait requis que nous vousissiens proceder à l'absolution pleniere de li du dit cas, et imposer perpetuele silence à touz, tant à partie que à office, et en oultre li octroyer ce que raison veult en tel cas, disant que faire le devions par l'usage et la coustume du païs. — Pour quoy, oye la requeste, feismes lire le dit adjournement fait à ces assises de mot à mot et les relacions de l'execucion d'iceli souffisanment executé, si comme il apparessoit deuement et de point en point, et feismes preconizer et appeller en jugement par especial la dite fame, et generalment, se il y avoit nul qui vousist aucune chose dire, denoncer, proposer, promouvoir ou accuser, en appart ou en reboust, ou la court soliciter ou le procureur du roy lees present, en administrant aucunes preuves ou presompcions, instrumenz, confessions ou autres choses sur le dit cas contre le dit Michea, en faisant assavoir que nous estions prez de faire raison à chascun et tout ce que nous devrions, en appert ou en reboust ; et nul n'y apparu ne vint avant qui riens des dites choses vousist dire ne faire. Pour quoy nous toutes les obeissances et procès, dont [p. 219] est faicte mencion par dessus, feismes veoir et regarder, treuvasmes les dites obeissances et adjournemenz et toutes les choses dessus dites par mandement exequtées et procès estre vraies de point en point, et que le dit Michea avoit fait et gardé sur la dite loy du païs, à li ajugée, tout ce qu'il devoit, et pluseurs abondances en oultre fait ; et en oultre, eu conseil et deliberacion ou les seigneurs de la court, et present Jehan Bonnet4, procureur du roy, et Pierre Moreau, prevost de Niort, et trouvé que pour la coustume du païs faire le devions, tant pour les procès dessus diz que pour la bonne fame trouvée du dit Michea, et que sentence donnée par loy de païs gardée, la quelle fust introduite pour le bien et utilité publique, fait droit entre touz et impose et doit imposer silence à touz, tant à partie que à office, à fin perpetuée, sans aucune resusitacion au cas, et fait donner pleniere absolucion à celi que par ycelle a esté mené et l'a gardé, avons dit et declaré par jugement que le dit Michea a bien et deuement enseigné de ses diligences et obeissances, et fait ce qu'il est deust sur la dite loy et sur les deppendences d'icelle, et sur les choses dessus dites, et l'avons absouz perpetuelment du dit cas, et quant à [p. 220] touz universaument, et quant à partie et quant à justice, et imposé perpetuel silence à touz contre le dit Michea, sanz ce que jamais par partie ne justice, ou d'aucun officier, du dit cas il puisse estre inquiété ne molesté, accusé ou contre li aucune chose denoncée ou proposée, ou l'officier ou la court en riens soliciter, à li octroyé tout ce que nous pouvons en oultre de raison. Mandons et commandons, et, se mestier est, commettons à touz les subgez et souzmis du roy nostre seigneur de la dite seneschaucie, requerans touz autres, que le dit Michea, pour cause et occasion du dit cas ne vessent, molestent, inquietent par voie d'arrest de corps ne de bien, ou ajournemenz, ou autrement, et ceste absoulcion faicent intimer et publier par les lieus acoustumez à faire criz, dont il seront requis. Donné et fait, present Jehan Ojart5, Guillaume Chauverea6, maistre Jehan Fèvre, maistre Jehan Voisin, Pierre Morea, prevost de Niort, Bernart le Lombart, mons. Pierre Chauvain, prestre, gouverneur de l'eglise de Nostre-Dame de Niort, Pierre du Cymau, Pierre de Choiray, maistre Jehan de Saint-Michea, fisicien, Gautier Desmer7, maistre Guillaume [p. 221] Coyquet, Jehan Vilean, Jehan Bonet, procureur du roy en Poitou, Colin Desmer, Pierre Petit, procureur de Jehan de Vivonne8, Aymery du Pont, Jehan Morea, Jehan Giffart9, le prieur de Sainte-Crestine, maistre Pierre d'Auvergne, Jehan Mellemesse, Pierre Ochete, André Bitolea et pluseurs autres, durant les grans assises à Nyort qui commancerent le lundi après octaves de Toussains, l'an de grace mil ccc. quarante et un, souz le seel de la seneschaucie et souz les seaux royaus establiz à Niort, aus contraus et de la prevosté.

Les quelles lettres et toutes les choses dedenz contenues nous avons aggreables et les louons, voulons, ratifions, approvons et, de nostre auctorité royal, de grace especial, confermons en tout, comme elles ont esté faites bien et deuement. Sauf en autres choses nostre droit et en toutes l'autrui. Et pour ce que ce soit chose ferme et estable à touz jours, nous avons fait mettre nostre seel à ces lettres. Données à Maubuisson, l'an de grace mil ccc. quarante et un, où moys de fevrier.

Par le roy, à la relacion de messeigneurs Oudart de Han et J. Richier. Chasteillon.

Sine financia, quia per sentenciam diffinitivam. Justicia.


1 Payen ou Péan de Maillé, troisième fils de Hardouin V de Maillé et de Jeanne de Bauçay, devint seigneur de Brezé par sa femme, Jeanne de Brezé, qu'il avait épousée après l'avoir enlevée. (Voy. au sujet de ce rapt un mandement royal adressé à Amaury de Craon, le 6 mars 1319 (n. s.), publié par M. Boutaric dans les Actes du Parl. de Paris, t. II, p. 274.) En 1332, il était en procès avec Jean de Brezé, oncle de sa femme, suivant le P. Anselme, t. VIII, p. 270, et la Chesnaye-Desbois, t. III, p. 179, à cause de cette terre. Celui-ci, ayant proféré des injures contre Payen de Maillé et frappé un de ses familiers aux assises tenues au château de Loudun, fut arrêté par ordre du procureur du roi et condamné à l'amende, avant d'avoir eu récréance de sa personne, ce qui était contraire à la coutume, paraît-il ; car, ayant appelé de cette sentence au Parlement, la cour lui donna gain de cause sur ce point, le 31 décembre 1332 (X1a 6, fol. 286). Mais il ne put faire admettre ses prétentions touchant l'hommage qu'il exigeait de son neveu et de sa nièce pour les domaines provenant de Catherine, sa sœur, mère de Jeanne de Brezé. Le Parlement confirma la sentence du bailli de Touraine, qui maintenait la propriété de ces biens à Payen de Maillé et déclarait que les foi et hommage n'étaient dus qu'au roi. (Arrêts du 6 février et du 29 mai 1333, X1a 6, fol. 292 et 345 v°).
D'abord sénéchal de Périgord et de Quercy, Payen de Maillé succéda à Jourdain de Loubert comme sénéchal de Poitou et de Limousin, après le 24 mars 1340. Il n'occupa pas longtemps cette dernière charge ; car dans un arrêt rendu en faveur de Marguerite de Bauçay, veuve de Guy de la Forêt, contre Josselin de la Forêt, le 8 mars 1343 (n. s.), où il est question de Payen cousin de ladite Marguerite, il est qualifié d'ancien sénéchal de Poitou (X2a 4, fol. 106). Sa mort dut arriver dans le courant de l'année 1347. Au mois de janvier suivant, sa veuve, en son nom et comme tutrice de ses enfants, plaidait contre Jeanne de Parthenay, veuve de Jean de Maillé, sire de Clervaux, appelante d'une sentence du bailli de Touraine donnée en faveur de Payen de Maillé contre ledit sire de Clervaux, et Fort de Maillé, son frère. Le Parlement autorisa les parties à faire entre elles un accord sans payer amende, par arrêt du 31 janvier 1348 (X1a 12. fol. 80).
2 Dans une note précédente, il est question d'un autre mauvais cas dans lequel fut compromis, en 1349-1350, Michel Sarrazin, avocat de Niort, apparement le même personnage que celui-ci. Soupçonné d'avoir pris part à l'assassinat de Jean Grison (voy. ci-dessous, p. 112-113, note), il fut amené prisonnier au Châtelet de Paris, puis rendu, par arrêt du Parlement, du 25 juillet 1351, à l'évêque de Poitiers, qui le réclamait comme clerc et son justiciable, et qui avait d'ailleurs commencé des poursuites contre lui (X1a 13, fol. 58 v°).
3 Repositus, en secret.
4 Il exerçait déjà cette charge de procureur du roi en la sénéchaussée de Poitiers au mois de septembre 1331 (voy. t. Ier, p. 393), et s'y rendit coupable de nombreux excès et abus de pouvoir, dont on lira plus loin l'exposé dans les lettres de rémission qu'il dut se faire délivrer, le 15 mai 1350. Le 13 mars 1346, le Parlement le désigna pour arbitre, du consentement des parties, dans une cause entre Nicolas Charron, prêtre, appelant du sénéchal de Poitou, et le sire de Parthenay, pour prononcer tant sur les dépens qu'au principal (X1a 10, fol. 353 v°). Quelque temps après, le château et la châtellenie de Chantemerle, litigieux entre Thibaut Chabot, chevalier, et Jeanne Pouvreau, veuve de Guillaume Chabot, ayant été mis sous la main du roi, Jean Bonnet en eut le gouvernement, avec charge d'en exploiter les revenus, de faire les approvisionnements, réparations et fortifications nécessaires à sa défense et conservation, au moins de frais possible et sans tenir compte des réclamations de Jeanne Pouvreau, à laquelle cependant il lui fut ordonné de payer chaque année la moitié des produits restants, après avoir prélevé ses gages et les frais d'entretien. (Mandement au 18 mars 1348, X1a 12, fol. 97.)
5 Jean Ojart est mentionné dans un accord du 17 novembre 1364, entre l'évêque de Poitiers et Guillaume Larchevêque de Parthenay, publié dans le Cartulaire de l'évêché de Poitiers, par M. Rédet, p. 182.
6 Voy. ci-dessus la note 1 de la page 124. Un procès que Guillaume Chauvereau soutenait au Parlement, en 1351, contre Pierre de Molis, écuyer, fournit quelques renseignements complémentaires sur ce personnage. Il semble résulter d'un arrêt de procédure, dont les termes sont peu explicites, qu'il était alors veuf de Jeanne Moreau (la Morelle), et qu'il venait de perdre son fils, Jean Chauvereau, dont l'héritage était précisément l'objet du litige. Pierre de Molis réclamait au nom de Guillemette, sa femme, sœur du défunt, les biens dont celui-ci avait hérité de sa mère, et que Guillaume Chauvereau s'était appropriés. Ces biens étaient situés dans la vicomte de Thouars et dans la châtellenie de Fontenay-le-Comte. On trouve des traces de cette affaire aux registres du 27 avril et du 8 juillet 1351, et du 23 mars 1352 (X1a 13, fol. 46 v°, 51 v°, 57 et 218).
7 Le nom de Gautier Desmier ni celui-ci de Colin Desmier mentionné plus bas ne figurent dans la généalogie de cette famille publiée dans le Dict. généal. des anc. fam. de Poitou, t. II, p. 15 et s.
8 Ce Jean de Vivonne est sans doute celui qui est cité dans le même ouvrage, t. II, p. 817, comme vivant de 1342 à 1365 et ayant épousé Jeanne de Chaunay, mais dont la filiation n'a pu être établie.
9 Jean Giffard, de Niort, nous est connu par une mésaventure qui lui arriva dans un voyage qu'il fit à Paris avec Jean de Saint-Vaisse, un de ses compatriotes, l'an 1355. Hugues de la Croix, ancien procureur du roi dans la sénéchaussée de Poitou, leur ennemi, les fit arrêter et enfermer au Châtelet et saisir leurs biens, sous prétexte de certains cas criminels dont il les accusait faussement. Après deux mois de prison, ils obtinrent leur élargissement par le royaume et mainlevée de leurs biens. (Arrêt du 29 décembre 1355, X2a 6, fol. 226 v°)