[p. 412]

CCCXLIV

Lettres d'absolution accordées à Guyon Pevrier, de Cosne-sur-Loire, banni du royaume pour plusieurs crimes commis en diverses provinces, en récompense des renseignements qu'il avait donnés à Floton de Revel sur les forces et la garnison anglaises de Lusignan.

  • B AN JJ. 77, n° 240, fol. 133
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 412-415
D'après a.

Philippes, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous avoir veu les lettres dont la teneur est telle :

Floton de Revel, seigneur de Lescole, capitaine pour le roy ès parties de Poitou, Xantonge, Lymosin et ès marches, lieux et frontieres d'environ, si comme il puet apparoir par les lettres du dit seigneur1. A touz ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. Savoir faisons comme Guion Pevrier, de Conne sur Loyre, ait esté accusé par un homme appellé Jehanin du Char, qui par ses demerites fu executés à Lille soulx Monreau, en Bourgoigne, d'avoir esté à un homicide et à pluseurs autres malefices ; item aussi ait esté accusé par un homme appellé le Camus, qui par ses demerites fu executez à Conne sur Loyre, d'avoir esté au murtre d'un homme qui fu occis près de la dite ville de Conne ; item que le dit Guyon est accusé par monsieur Porrus de Lobert, chevalier, d'avoir fait et ordenné, ou [p. 413] avoir fait faire et ordenner unes fausses lettres de quictance souz le seel du dit messire Porrus, et bailliées ou fait baillier à messire Amenion de Pommieres2, chevalier, ennemi du roy nostre seigneur et le nostre, prisonnier du dit messire Porrus, par les quelles le dit messire Amenion se dit estrequictez de sa raançon envers le ditmessire Porrus, auquel cas nous nous tenons pour enformez du contraire ; item que le dit Guion, par commission de noble et puissant seigneur monseigneur Jaque de Bourbon3, pour le temps lieutenant du roy nostre dit seigneur ès dites parties, prist un cheval d'un prieur demourant près de Cloye, le quel il ne rendi pas ; item que par vertu d'icelle commission il pris entre la Chappelle-la-Royne et Corbuil un roncin d'un homme, le quel il ne rendi pas, et de pluseurs autres cas et malefices, pour les quiex il par ses contumaces a esté bannis du royaume de France ; et pour paour et doubte [p. 414] des diz cas, et pour yceuls, se fust mis ou chastel de Lesignan, en la compaignie des ennemis du roy nostre dit seigneur et les nostres, et contre son cueur et volenté ; et le dit suppliant se soit traiz et retournez par devers nous, disant que des cas dessus diz, pour les quiex il a esté bannis, lui estre pur et innocent ; et avecques ce nous a monstré à grant instance la bonne nature, voulenté et affection qu'il a au roy nostre dit seigneur et au royaume, et qu'il estoit près et appareillez de le monstrer de fait à tout son pooir, au dommaige et destruccion des ennemis de nostre dit seigneur, et especialment de ceus de la garnison de Lesignan, avecques les quiex il avoit conversé, et des quiex il savoit l'estat et connivence ; en nous suppliant humblement que, ou cas que nous le trouveriens preudons et loyaus envers nostre dit seigneur et ses subgiez, ès choses dessus dites, que sur les diz malefices et cas nous li voussisions pourveoir de remede convenable et gracieux. Et depuis les choses dessus dites nous ayons trouvé le dit Guion vrays, loyaux et preudons envers le dit seigneur et ses subgez en pluseurs lieux et manieres, et especialment au fait et à la besoigne de Chenoy4, et que par le bon conseil et avis du dit Guion les ennemis du dit seigneur, et especialment ceulx de la garnison de Lesignan furent moult domaigez, oye la supplicacion du dit Guion, considerans les choses dessus dites, et attendans les très grans, bons et agreables services que le dit Guion a faiz au dit seigneur, à son païs et à ses subgiez, qu'il fait de jour en jour, et que nous esperons qu'il face ou temps avenir, et des quiex nous sommes plainement enformez de fait et par pluseurs nobles et autres subgez du dit seigneur, au dit Guion, par le povoir et auctorité à nous donnez du dit seigneur, avons pardonné, quicté et remis, [p. 415] pardonnons, quictons et remettons du tout en tout plainement les diz ban et touz les cas, malefices et crimez dessus diz, et ce qui par vertu d'yceulx s'en est ou pourroit estre ensui, en quelque maniere que ce soit. Et avecques ce le remettons, restablisons et restituons au royaume, à son païs et à sa bonne renommée, tout aussi comme se les diz cas ne fussent onques advenus. Si donnons en mandement au bailli de Bourges et à touz les justiciers et subgez du dit seigneur que d'ores en avant, pour cause des diz malefices, deliz, crimez et ban il ne contraignent, praignent, arrestent ou molestent le dit Guion, en corps ne en biens, par quelque voie que ce soit, mais se aucune chose avez pris, saisi, arresté ou levé du sien pour ceste cause, si le faites rendre et restituer sanz delay. En suppliant à nostre dit seigneur que, selon le povoir à nous octroyé de par lui, à greigneur confirmacion, il vueille ces presentes lettres confermer. En tesmoing de la quelle chose, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes lettres. Donné à Poytiers, le xiiije jour de juillet l'an de grace mil troiz cenz quarante et huit.

Les quelles lettres cy dessus transcriptes et toutes les choses et singulieres contenues en ycelles nous, ayans fermes et agreables, voulons, loons, greons, ratiffions et approuvons, et de noz plaine puissance, auctorité royal et grace especial, confermons. Mandans par la teneur de ces presentes à touz les justiciers de nostre royaume et à chascun d'eulx que des graces dessus dites il facent et laissent joir et user paisiblement le dit Guion, sanz aucun empeschement, et contre la teneur d'ycelles ne sueffrent estre ycellui Guion molesté ou empeschié, en aucune maniere, en corps ne en biens. Et que ce soit chose ferme et estable à touz jours, nous avons fait mettre nostre grant seel à ces lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Ce fu fait au Boys de Vincennes, l'an de grace mil troiz cenz quarante huit, le xxje jour du moys de juillet.

Par le roy, vous et le sire de Revel presens. Rougemont.


1 Voy. les provisions qui précèdent (10 juin 1348), n° CCCXLII.
2 Dans l'interrogatoire d'Arnaud Foucaut (mai 1345), cité plus haut, il est question des pillages de la compagnie du sire de Pommiers en Saintonge. Ce personnage n'était cependant pas un vulgaire aventurier ; sa réputation militaire lui avait mérité un rang distingué parmi les capitaines au service de l'Angleterre, Il prit une part brillante à un combat livré en Poitou, l'an 1349, dont l'auteur de la Chronique normande du xivesiècle, récemment publiée par M. A. Molinier, est seul à parler, et qu'il nommé la bataille de Lunalonge [Limalonges] (p. 94, 95), où il y eut bien trois cents Français tués ou faits prisonniers. Les Anglais étaient commandés par le sénéchal de Bordeaux, le captal de Buch, le sire de Lespare, Emelion de Pommiers et le sire de Mussidan ; les Français avaient pour chefs Jean de l'Isle, le sénéchal de Poitou, Boucicaut, Savary de Vivonne, etc. Le sire de Pommiers assistait encore à la journée de Comborn (Corrèze), en 1353, où il contribua à la défaite d'Arnoul d'Audrehem (Id., p. 100). Enfin, il est nommé parmi les principaux personnages qui étaient aux côtés du prince de Galles, à la bataille de Poitiers (Id., p. 113). Sa valeur éprouvée le fit rechercher du duc de Touraine, Philippe, depuis duc de Bourgogne, qui sut le gagner à la cause française, et lui fit obtenir du roi Jean, son père, une rente annuelle de 1,500 livres. On suit la trace du sire de Pommiers jusqu'au 8 juillet 1370, dans un mandement où il est question du prix d'un coursier dont Charles V lui fit cadeau. (Voy. Mandements de Charles V, publié par M. L. Delisle, in-4°, 1874, nos 20, 22, 45, 135 et 703.)
3 Jacques de Bourbon, comte de la Marche et de Ponthieu, connétable de France après le décès de Charles d'Espagne, fait prisonnier à la bataille de Poitiers, mourut le 2 avril 1361, des blessures qu'il avait reçues au combat de Brignais.
4 On ne trouve nulle part ailleurs mention de ce combat de Chenay.