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CCCXXV

Lettres de don à perpétuité et à titre d'héritage en faveur de Jean Clérembault, de l'hébergement de la Trounière et de soixante-cinq livres de rente annuelle, que le roi lui avait précédemment donnés pour sa vie seulement.

  • B AN JJ. 76, n° 315, fol. 188 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 335-337
D'après a.

Philippes, etc. Savoir faisons à touz presens et avenir que nous, oye la supplicacion de nostre amé Jehan Clarembaut 1, escuier de nostre très chier et très amé filz, le duc[p. 336] de Normandie et de Guienne, disans que comme nous jà pieça, de grace especial, par noz autres lettres et à la requeste de nostre dit filz, donné li eussions un lieu appellé le herbergement de la Tronniere2, et soixante et cinq livres de rente, à coustume de païs, avec les appartenances et appendences d'icelui lieu, si comme en noz dites lettres sur ce faites est plus pleinement contenu, il nous plaise, en recompensacion des fraiz, couz, despens et missions que il, pour son estat maintenir entour nostre dit filz, en la compaignie du quel il a esté continuelment, nostre dit filz estant ès parties de Gascoigne nostre lieu tenant, a euz et soustenuz, les herbergemens et rente dessus diz li donner à heritage ; nous, inclinans à sa supplicacion, consideranz les bons et aggreables services que il nous a faiz en la compaignie de nostre dit filz, tant en noz guerres comme ailleurs, fait continuelment de jour en jour et esperons qu'il nous face ou temps avenir, les herbergemens et rentes dessus diz que donné li avons à vie, comme dit est, li donnons apperpetuité, de nostre grace especial, plein povoir et auctorité roial, à tenir, avoir et percevoir par le dit Clarembaut, ses hoirs et successeurs à touz jours mès, dores en [p. 337] avant paisiblement. Donnons en mandement par ces lettres au seneschal de Poitou, present et avenir, ou à son lieutenant, que des herbergement et rente dessus diz le dit Clarembaut, ses hoirs et successeurs et aians cause, comme dit est, facent dores en avant joir et user paisiblement, tout aussi et en la maniere que icelui Clarembaut en uset et joisset par avant ceste presente grace, par vertu de noz dites lettres à vie, des quelles il lui est apparu ou apparra, en faisant le dit Clarembaut, ses hoirs et successeurs dessus diz de nostre dite grace joir et user paisiblement ; contre la quelle il ne l'empeschent, facent, sueffrent et lessent estre empeschié en aucune maniere. Et pour ce que ce soit chose ferme et estable à touz jours mes perpetuelment, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes lettres. Donné au Bois de Vincennes, l'an de grace mil ccc. xl. et six, ou mois de janvier.

Par le roy, messire G. de Craon. J. Marie.

Sine financia. Abbas Sancti Dyonisii.


1 Il est difficile de donner des renseignements détaillés sur ce personnage, la généalogie de sa famille donnée par le P. Anselme et reproduite par Moréri étant très incomplète. Les registres du Parlement nous permettent de suppléer, dans une certaine mesure, à cette lacune. L'on y apprend que Jean Clérembault avait épousé Philippe Frétart, du Loudunais, dont il eut plusieurs enfants, entre autres, un fils portant le même prénom que lui. Il était mort avant le 30 avril 1351 (voir la note suivante). Au commencement de 1354, sa veuve porta plainte contre un chevalier, nommé Jean du Pont, qui, se donnant comme Anglais, s'était emparé de sa personne, l'avait séquestrée et traînée de prison en prison (Appointements des 17 avril 1354 et 18 septembre 1355, X2a 6, fol. 119 v° et 224). Après la reprise du Poitou sur les Anglais, Jean Clérembault, le fils, fut poursuivi par Jean de Montalais, pour avoir détruit le fort de Flée (Sarthe), qui appartenait à ce chevalier, et en avoir emporté les meubles. Ce fort, après avoir résisté à plusieurs assauts dirigés par le fameux Robert Knolles, avait été enlevé par trahison, puis repris sur les Anglais et sa destruction résolue ; Jean Clérembault n'avait fait qu'exécuter une commission d'Aimery d'Argenton et autres conseillers du roi et du duc d'Anjou, et d'ailleurs tout le pays avait pris part, disait-il, à cette démolition, ordonnée pour le bien commun (Arrêts des 5 juillet et 18 décembre 1376, mandements d'enquêtes des 23 juillet et 17 avril 1377, 23 juillet 1378 et 7 septembre 1379, X2a 9, fol. 39, 58, 116, 167 ; X2a10, fol. 32).
2 La terre de la Tronière, ou de la Trounière, provenait de la confiscation de Clisson ; elle avait été achetée pour Guillaume de Clisson, fils d'Olivier, par Aimery d'Argenton, son tuteur. Après la mort de Jean Clérembault, Jean, vicomte de Melun, chambellan de France, seigneur de la Marche de Brion, obtint des lettres de don de cet hébergement et s'en fit mettre en possession. Mais il dut soutenir un procès contre les héritiers Clérembault, représentés par Géraud Clérembault, leur tuteur. Le vicomte de Melun prétendait que la Tronière avait été donnée à Jean Clérembault pour sa vie seulement, et que le don qui lui en avait été fait, après la mort de celui-ci, était parfaitement valable. Il suffit à ses adversaires de présenter les lettres publiées ici, pour obtenir gain de cause. Le vicomte fut condamné à rendre la Tronière, à restituer les fruits et levées qu'il avait perçus et à payer les dépens du procès (Arrêt du 30 avril 1351, X 1a13, fol. 124). Les héritiers de Jean Clérembault se firent donner par le roi Jean des lettres de confirmation de la présente donation, le 2 mars 1355 (JJ. 82, n° 635, fol. 402 v°).