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CCXLIV

Absolution accordée, à la supplication du sire de Parthenay et moyennant une amende de quatre mille livres parisis, à son cousin, Guillaume Maingot, seigneur de Surgères, accusé de plusieurs viols, dont un commis à Menigoute.

  • B AN JJ. 69, n° 118, fol. 46 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 116-119
D'après a.

Philippes, par la grace de Dieu, roys de France. Savoir faisons à touz, presenz et avenir, que, comme à la requeste de nostre procureur, eust esté amené prisonnier à Paris Guillaume Maingo, chevalier, sires de Surgieres1, pour la [p. 117] cause d'un forsage que l'en disoit que ledit chevalier avoit faist en la personne Phelippe Danielle, la quelle il avoit prise et ravie par li et par ses complices, et deflourée à force et contre sa volenté, assez prez de l'église de Menigouste, où elle estoit venue à la voille. Et encores disoit nostre dit procureur que le dit chevalier, si comme l'en disoit, avoit forcé pieça Margot, fille Perroteau, de Dampierre suz Voutonne, et une autre feme, appellée la.Bouteilliere, demorans à Surgieres, et s'estoit juz avecques elles [p. 118] charnelment à force et contre leur voulenté, si comme l'en disoit. Requerans sur ce nostre dit procureur, pour nous et en nom de nous, que, se le dit chevalier confessoit les choses dessus dites ou aucunes d'icelles estre vraies, il en feust pugniz en corps et en biens, ou autrement, selon ce que les cas le requeroient ; et se il le nyoit, nostre dit procureur, ou nom que dit est, en offroit à prouver tant qui li souffiroit à la fin dessus dite. Le dit chevalier nyant les faiz dessus declarez, proposans à sa deffense pluseurs raisons, justificacions et desblasmes ad fin d'estre quictés et delivrez et absoulz des choses dessus dites, à li imposées. Et après sur ce se soit trait par devers nous nostre amé et feal chevalier et conseiller, le sire de Partenay, auquel le dit chevalier est cousin et parent bien prez, si comme il dit, et nous ait moult humblement supplié que nous au dit chevalier feissiens grace, ad fin d'eschiver plus grans travaux ne escandele n'en peust estre aus amys du dit chevalier, ne à li meismes, nous le vousissons recevoir à finance ou composicion sur les diz cas, proposez contre li. Pour quoy nous, pour eschiver l'escandele de li et de ses amis, avons encliné ceste fois à la supplicacion du dit sire de Partenay, et avons receu et recevons le dit chevalier à finance et composicion de quatre mile livres parisis, les queles il nous a gagiées en la main de nos trezoriers, pour tant comme à nous puet touchier, sauf le droit d'autruy. Parmy la quele finance et composicion, nous avons le dit chevalier quicté et quictons des diz mesfais et les li remettons, et toute paine corporelle et autre, se en aucune estoit encheuz, tant comme à nous touche, et l'en avons absoulz, quicté et delivré et absolons, quictons et delivrons, en tant comme à nous touche, sauf droit d'autruy. Et, de nostre auctorité royal et grace especial, l'avons restitué et dès maintenant seur ce le restituons du tout à sa bonne et enterine fame, reservé à nous la dite finance, tele comme faite l'a, si comme dit est. Mandons à touz noz justiciers et [p. 119] subgiez, et à chascun d'eulz, que dores en avant sur les cas dessus dis ne le poursuient ne molestent en rienz, et que, se aucuns de ses biens meubles ou heritages estoient prins ne saisiz en nostre main pour les causes dessus dites, nous par ce que dessus est dit les li mettons au delivre. En tesmoing des quelles choses, nous avons fait mettre nostre seel en ces presentes lettres. Donné au bois de Vincennes, le XVe jour d'aoust, l'an de grace mil ccc. trante et cincq.


1 Guillaume IX Maingot, seigneur de Surgères, fils de Guillaume VIII et de Jeanne de Preuilly, sa première femme, suivant les uns, ou de Thomasse d'Albret, la seconde, suivant les autres, épousa Jeanne, dame de Chabanais et de Confolens, dont il n'eut point d'enfants. Sa parenté avec les Larchevêque de Parthenay, qui est invoquée plus loin, résulte : 1° du mariage d'Alix Larchevêque, sœur de Guillaume VI, avec Hugues Maingot, le grand-père de Guillaume IX ; 2° de celui de Jean, sire de Parthenay, alors vivant, avec Jeanne, la propre sœur du seigneur de Surgères, dont il est question ici. (Voy. la Généalogie de la maison de Surgères, par L. Vialart, infol., 1717, et le dossier Surgères, au Cabinet des Titres de la Bibl, nat.)
On trouve dans les registres du Parlement quelques renseignements sur les suites de l'affaire qui nécessita ces lettres de rémission. Guillaume de Surgères était détenu pour les crimes ici relatés dans les prisons royales de Poitiers, et à plusieurs reprises le Parlement avait mandé au sénéchal de l'envoyer au Châtelet de Paris, où il devait être incarcéré ; mais celui-ci, favens eidem Guillelmo, ut dicitur, ne se pressait pas d'exécuter les ordres de la cour. Il reçut un nouveau mandement le réprimandant pour sa négligence et lui enjoignant de faire arrêter sans délai ledit Guillaume et Imbert Rataud, chevalier, son complice, s'ils ne l'étaient déjà, de saisir leurs biens et de les amener lui-même à Paris, sous une garde sûre et suffisante. Il est ajourné personnellement au Parlement pour s'expliquer sur son manque d'obéissance et son mépris des ordres reçus. Ce mandement est du 8 juin 1335 (X2a 3, fol. 19).
Guillaume de Surgères eut d'ailleurs d'autres démêlés avec la justice. L'année suivante, il défia, malgré les ordonnances contre les guerres privées, les sires de Culant et de Sully, chevaliers de Berry. A la suite de cette provocation, les parents, amis et adhérents des deux parties étaient sur le point d'en venir aux mains, quand, le 29 avril 1336, un mandement fut adressé au sénéchal de Poitou lui enjoignant de publier les ordonnances prohibitives et d'interdire, sous les peines les plus sévères, aux chevaliers belligérants de prendre les armes, ou bien de procéder à leur arrestation, s'ils persistaient dans leur dessein, en opposant au besoin la force à la force, et de saisir leurs chevaux, leurs armes et leurs Biens (X2a 3, fol. 71). En 1343, on retrouve Guillaume de Surgères prisonnier au Châtelet pour rescousse, refus d'obéir et injures à Jean d'Orgerét, huissier du Parlement. Le 11 mars, il obtint son élargissement par la ville .de Paris jusqu'au bon plaisir de la cour (X2a 4, fol. 193). Cette date démontre l'erreur où sont tombés les généalogistes cités plus haut, lorsqu'ils prétendent que la mort du sire de Surgères arriva antérieurement à 1342. Il est certain, d'autre part, qu'il ne vivait plus le 17 juillet 1344, et qu'à cette époque sa veuve, Jeanne de Chabanais, était remariée à Miles de Thouars, seigneur de Pouzauges. Voy. l'arrêt rendu ce jour au Parlement sur la réclamation adressée aux héritiers çlu seigneur de Surgères de 200 livres de rente annuelle qui devaient être assignées, à ladite Jeanne de Chabanais pour son douaire (X1a 10, fol. 159).