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CCCVI

Confirmation d'une sentence d'absolution rendue aux assises de la Marche de Brion en faveur de Pierre du Saut, sa femme, et la femme de Jacques le Rouer, accusés du meurtre de Jean Moineau.

  • B AN JJ. 68, n° 115, fol. 66
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 290-293
D'après a.

Philippes, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous avoir veu unes lettres seellées du seel establi de par noz amez et feaux chevaliers, le viconte de Meleun1, chambellan [p. 291] de France, et le viconte de Touars, en leur court commune de la Marche de Bryon, contenans la fourme qui s'ensuit :

Comme nous poursuissons en la court de la Marche Pierre du Saut2, vallet, et sa fame, et la fame Jaquet le Roer, les quiex sont levanz et couchanz en la dite Marche, d'avoir esté en consente et force et aide que feu Jouhan Moynea fust murtri et occis, de la quelle chose les dessus diz estoient en deffense, et pour tant eussons fait savoir et crier par pluseurs foiz notoirement en pluseurs lieux et mesment ès lieux voisins, où l'en disoit le dit murtre avoir esté perpetré, que qui voudroit aucune chose dire contre les dessus diz par voie de denonciacion ou accusacion, ou autre maniere deuement sur les cas dessus diz, en privé ou en appert, que il se tresist avant et que il y seroit receu ; aus quiex criz nuls ne vint ne ne se tresist avant. Et en oultre par especial feismes savoir à Guillaume Moynea, Perrote, Agaite, Luce, freres et seurs du dit mort de pere et de mere, à Hylaire Moinelle, dicte Guitonne, Blanche Moinelle, dicte Ragaude, antes charnelles du dit mort, Robin Reigné, Germain Denis, Perrot Robin et Guillaume Sorberaix, et Denise, Johanne et Agnès, leurs seurs, nez de germain du devant dit mort, amis de char et parenz prochains du dit feu Moynea, se il se vouloient faire partie contre les dessus diz, par voie de denonciacion, accusacion, ou en autre maniere deuement, ou administrer garens à office, offranz à les y recevoir, se faire le voulissent ; les quiex dirent et respondirent que non. Et en oultre après [p. 292] pluseurs procès et recreances d'assise en assise, faites aus dessus diz après les criz et choses dessus dictes, et que nul accuseur ou denonciateur ne se tresist avant contre euls, pour ce que il estoient en deffense du cas dessus dit, et que il disoient qu'il estoient de bonne fame et de bonne renommée, et l'offrirent à prouver, eussons fait faire enqueste, o grant diligence, ès lieux ou faire le devions, pour savoir verité tant sur le fait, du quel il estoient poursuiz, du quel il estoient en deffense, que sur les fame et renommée de euls ; et sur ce eussent esté produiz et fait jurer et examiner pluseurs tesmoings d'une partie et d'autre, à l'entente de chascune partie, leues et publiées les dites enquestes, en presence des dictes parties, pour ce que, par la deposicion des garenz produiz de la partie de la court contre les dessus diz, n'estoient pas trouvez que il fussent en riens coulpables du cas à euls imposé, de fait ne presumpcion ; et aussi que par la deposicion des garens produiz de leur partie il estoient trouvez estre de bonne fame et de bonne renommée, et de bonne conversacion ; eu conseil et deliberacion o pluseurs saiges, avons declaré les dessus diz estre innocens du cas à euls imposé et absoulz par jugement, et imposé à touz silence perpetuele de les molester ou accuser du cas dessus dit, par le temps avenir, et de l'arrest en quel il estoient pour cestui cas les avons osté. Donné et fait en l'assise de la grant Marche, le mercredi après la feste des apostres saint Philippe et saint Jame, l'an de grace mil ccc. xl. et un3.

Et nous adecertes les dictes lettres dessus transcriptes et toutes les choses, et chacune d'icelles, contenues en icelles, avons aggreables, et ycelles voulons, louons, greons, ratifions, [p. 293] approuvons et par la teneur de ces presentes lettres, de grace especial et de certaine science, en tant comme elles sont et ont esté faites justement, confermons. Si donnons en mandement par ces presentes à touz les justiciers et subgiez de nostre royaume, ou à leurs lieux tenans, que pour occasion du fait et cas dessus dit, il ne molestent ne empeschent, ne ne seuffrent estre molestez ne empeschiez les diz conjoins, ne la dicte Jehanne Rouaire, en aucune maniere, en corps ne en biens, contre la teneur de la dicte sentence et de nostre presente confirmacion, mais d'icelle les laissent et facent joir et user paisiblement dores en avant, et se aucune chose estoit faite au contraire, qui les rappellent et mettent au neant du tout, sanz delay et sanz autre mandement attendre sur ce, et nous, par ces presentes, les rappellons du tout ou dit cas, non contrestant quelconques lettres empetrées ou à empetrer au contraire. Et que ce soit chose ferme et estable à touz jours mais, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes lettres. Donné au Mans, l'an de grace mil ccc. xl. et cinq, au mois d'aoust.

Par le roy, à vostre relacion. Clavel.


1 Jean Ier, vicomte de Melun, seigneur de Montreuil-Bellay et de Tancarville, fils aîné d'Adam IV, vicomte de Melun, et de Jeanne de Sully, épousa Jeanne, fille et héritière de Robert de Tancarville et d'Alix de Pons ; il mourut en 1350. (Voy. l'Hist. génèal., du P. Anselme, t. V, p. 225, et t. VIII, p. 443.)
2 Pierre du Saut était en procès, quelques années plus tard, avec la dame de Cholet et Guillaume Chenu. Ils convinrent de soumettre leur querelle à deux arbitres désignés par eux, Pierre de Bonbourmant et Guillaume Gaudin, lesquels « prendront entre leurs mains les choses dont debat est entre les dites parties, tant en Parlement comme à la court de Poitiers », arrêt du 13 avril 1350 (X2a 5, fol. 183).
3 Jean, fils aîné du roi et son lieutenant, duc de Normandie et comte de Poitiers, donna, quelques mois plus tard, une nouvelle confirmation de cette sentence, dont le texte est reproduit intégralement et porte la date de 1342, au lieu de 1341. Cet acte est par suite ou bien du 2 mai 1341, ou bien du 8 mai 1342. On ne trouve dans ce vidimus rien de particulier, sauf ce passage : « Et pour ce que le dit Pierre du Saut a servi nostre dit seigneur en ses guerres et presentement est en nostre compagnie en armes et en chevaux, souffisanment appareilliez, selon son estat, pour nous servir, aus diz justiciers et à chascun d'eulz imposons silence perpetuel quant à ce.... Donné à Lymoges, l'an de grace m. ccc. xlv., ou mois d'octobre. — Par monseigneur le duc, à vostre relacion et de messire Aymart d'Auteville. Clavel » (JJ. 68, n° 173, fol. 93).