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CCCXLVI

Herbert Berlant, chevalier, en dédommagement des pertes qu'il avait subies lors de la prise de, Poitiers, obtient que la foire, dite de la Pierre-Levée, se tiendra désormais chaque année pendant trois jours consécutifs dans son fief des Halles à Poitiers.

  • B AN JJ. 77, n° 184, fol. 101, v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 429-434
D'après a.

Philippes, etc... Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous avoir veu unes lettres, contenans la forme qui s'ensuit :

A touz ceulx qui orront et verront ces presentes lettres Guy, seigneur de Mortemer 1, chevalier du roy et seneschal en Poitou et en Lymosin, salut en Dieux nostre Seigneur pardurable. Sachent touz que nous avons veu et receu unes lettres du roy nostre seigneur, à nous presentés par monsieur Harbert Bellant, chevalier, contenans la forme qui s'ensuit ;

[p. 430] Philippes, par la grace de Dieu, roys de France. Au seneschal de Poitou et de Lymosin, ou à son lieu tenant, salut. Oye la supplicacion de nostre amé Harbert Bellant, chevallier, disant que quant la ville de Poitiers fut occupée par noz ennemiz, où il estoit li sizème hommes d'armez, pour contrester à noz diz ennemiz, il fut pris et perdit touz ses meubles, qui bien valoient six mile livres, et avec ce a esté mis à grant et excessive rempçon, dont il li a convenu vendre et engaiger de sa terre, et li convendroit à laissier son estât, se par nous ne li estoit pourvêu d'aucun remède. Si nous a humblement supplié que, en remuneracion des dites pertes et dommaiges, et pour soustenir son dit estat, nous li vueillons octroyer que une foire, appellée la foire de la Pierre Levée, qui a acoustumé estre tenue par deux jours, sept jours entre deux, c'est assavoir le lundi emprès la feste saint Denis2 et le lundi ensuivant après, en lieu forain, près de la dite ville, où les gens qui y viennent marchander ne treuvent où habiter ne recuillir leurs denrées ou temps de pluie, soit dores en avant tenue, chascun an, par troiz jours continuels, et commainciez le lundi après la saint Denis, en son herbergement de Poitiers, appellé les Haies, ou quel herbergement la foire demie quaresme est et a acoustumé estre tenue, et qu'il en puisse pranre et avoir tels proffiz et emolumenz qu'il prant en la dicte foire de mie quaresme, c'est assavoir l'ostellage tant seulement, pour le quel hostellage il li convient soustenir en estat les maisons et estaus, où la dicte foire se tient, et nous touz les autres prouffiz et emolumenz, qui ainsi nous vaudroiént Bien, ou temps avenir, chascun an, soixante livres ou environ, et à present ne nous valent que vint et cinq livres. Pour quoy nous vous mandons et commettons que se, appellé [p. 431] nostre procureur en vostre seneschaucie, il vous appert souffisanment de nostre proufit et autres choses dessus dictes, vous la dicte foire qui souloit estre par les diz deux jours, sept entre deux, faites crier et tenir par troiz jours continuels et commainciez, chascun an, le lundi après la feste saint Denis, comme dit est, en la ville de Poitiers, en l'erbergement du dit chevalier, appellé les Hales, en la maniere que dessus est dit ; et en ce cas donnez en voz lettres au dit chevalier, seellées du scel de vostre seneschaucie, les quelles, nous. conferm[er]ons par les nostres toutes foiz [et] quantes en serons requis. Car ainsi le voulons nous estre fait, et l'avons, octroié de grace especial. Donné à Paris, le xvje jour de decembre l'an de grace mil ccc. quarante et sept3.

Par la vertu desquelles lettres, nous feismes appeller par devant nous Jehan Bonnet4, procureur du roy nostre seigneur en Poitou, pour venir veoir faire et acomplir la teneur des dictes lettres, presens à ce monseigneur Phelippes du Pelle, chevalier, conseiller du roy nostre seigneur, maistre Jehan du Marais5, monseigneur Hugues de Pelis6, chevalier, Jehan Barré7, maire de Poitiers, maistre Guillaume [p. 432] Langlois8, clerc, Gaillart Saunier9, Robin Flory10 Ythier Bernart11, Guillaume du Pont12, maistre Estienne de Romaingné, Jehan du Brueul13, Aymery d'Ayron14, Aymar de Biau Puy15, Phelippon de Chauvigny, Jehan d'Ayron, Jehan du Palaiz, et plusieurs autres marchans souffisanz et notables de la ville de Poitiers, et pluseurs autres, les quiex distrent par leurs sermenz qu'il seroit le proufit du roy nostre seigneur que la foire, qui a acoustumé estre tenue ou dit lieu forain par deux jours, sept jours entre deux, appellée la Pierre Levée, si comme contenu est ès dictes lettres, soit tenue chascun an, le lundi après la saint Denis, par troiz jours continuels, à Poitiers, en l'erbergement du dit chevalier, appellé les Hales, selon le contenu des dictes lettres ; et aions souffisanment trouvé et soit chose notaire que les autres choses par le dit chevalier données à entendre [p. 433] sont vraies ; oy ce que le dit procureur du roy nostre seigneur voult dire, et lequel dist que il creoit que ce seroit le prouffit du roy nostre seigneur, eu advis et conseil sur ce, nous est souffisanment apparu que il seroit le prouffit du roy nostre seigneur que la dicte foirre nommée la Pierre Levée, comme dessus, soit criée et teneue d'ores en avant, chascun an, pour troiz jours continuels et commanciez le lundi après la saint Denis, en la ville de Poitiers, en l'erber-gement du dit chevalier, nommé les Hales, par la maniere contenue ès dictes lettres. Si donnons en mandement au prevost de Poitiers et à son lieu tenant, et à touz les sergens et justiciers de la dicte seneschaucie, qui requis en seront, et à chascun par soy, commettons qu'il facent crier et tenir d'ores en avant la dicte foire par la maniere dessus dicte, sauf aler et sauf venir, selon le contenu ès dictes lettres. En tesmoing des quelles choses, nous avons apposé à ces presentes lettres le seel aus causes des dictes seneschaucies avec le seel royal de Poitiers, et le seing et subscripcion de Jehan Bruneau, clerc, notaire publique. Donné le viije jour de fevrier l'an de grace mil troiz cenz quarante et sept.

Et je Jehan Bruneau, clerc, de la dyocese de Poitou, de l'autorité royal notaire publique, à ce que le procureur du roy appellé respondi et que les personnes dessus nommées distrent par serement, fuy presens et le oy, et les dictes choses ay ramené en fourme publique, et les [ay] fait escripre, empesché d'autres negoces, et les ay signé de mon signet acoustumé, à ce appellez et requis.

Nous adecertes les dictes lettres et les choses en ycelles contenues, et chascune d'icelles, aianz fermes et agreables, ycelles voulons, loons, ratiffions, greons, approuvons et de grace especial, par ces presentes, confermons. Et que ce soit ferme et estable à touz jours mais, nous avons fait mettre nostre grant seel à ces lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné à Paris, l'an de [p. 434] grace mil troiz cenz quarante et huit, ou moys d'aoust16.

Par le roy, à la relacion de son secret conseil, ou quel estoient messieurs de Laon et de Mermoustier. Tourneur.

Sine financia, per secretum regis consilium, in quo erant domini in plica hujus littere nominati. Tourneur.

Collation est faicte avec les lettres cy-dessus encorporées par moy. Tourneur.


1 C'est la seule fois que le nom de ce sénéchal se rencontre dans les registres du Trésor des Chartes, et je n'ai pu recueillir aucun renseignement sur sa personne. Comme il était d'usage de choisir les baillis et sénéchaux en dehors du pays, Guy devait appartenir à la maison de Mortemer, de Normandie, plutôt qu'à la branche établie en Poitou, où elle possédait encore à cette époque la châtellenie de Couhé. Il eut pour successeur Guichard d'Ars qui prend le titre de sénéchal de Poitou, dans un acte du 22 juillet 1350, inséré dans les lettres de confirmation de la vente des terres de Champigny et de Sainte-Gemme, du 10 décembre 1351 (JJ. 81, n° 151, fol. 85 v°).
2 La fête de saint Denis était célébrée le 9 octobre.
3 Ces lettres du 16 décembre 1347 ont été publiées, d'après une copie collationnée par M. Rédet, à la suite de son Mémoire sur les halles et les foires de Poitiers. (Mém. de la Soc. des Antiquaires de l'Ouest, ann. 1845, p. 90.)
4 Voy. sur ce personnage la note de la page 219 de ce volume.
5 Le 7 juillet 1343, Me Jean du Marais obtint du Parlement la confirmation d'une sentence du sénéchal de Poitou, rendue en sa faveur contre Pierre de Gourdon, chevalier. Ce dernier fut condamné à lui payer cent setiers de seigle à la mesure de Saint-Maixent (X1a 9, fol. 472 v°). Le 14 février 1348 (n. s.), la même cour le nomma commissaire, avec Guillaume Langlois, pour terminer une enquête criminelle sur les attentats dont Pierre Joubert avait été victime de la part des fils d'Hugues Loubeau.(X2a 5, fol. 142 .v°).
6 Hugues de Pelis se constitua, le 29 juin 1329, pleige de Marguerite, dame de Panièvre, poursuivie avec Jean Maubert, son fils, pour l'assassinat d'Aimery et de Robert Jay (X2a 3, fol. 107).
7 Jean Barré était maire de Poitiers lors de la prise de cette ville par le comte de Derby ; il fut maintenu à ce poste pour l'année suivante (Bibl. nat, ms., fr. 20084).
8 Dans un acte du 26 février 1348, Guillaume Langlois est qualifié lieutenant du sénéchal de Poitou et commissaire du comte de Forez, lieutenant du roi dans la province (X1a 12, fol. 94). Il avait été maire de Poitiers en 1343 et 1344.
9 En 1339, Gaillard Saunier était tuteur de Jamete, fille de Giret Béraud, et gagna en cette qualité, devant le sénéchal de Poitou, un procès contre Hugues Gâtineau, de Jaunay. (Arrêt du 29 mai 1339, X1a 9, fol. 53.)
10 Robert Flory ou Fleury avait été maire de Poitiers en 1345.
11 Maire en 1302 et 1331 (voy. Beauchet-Filleau, Dict. généal. du Poitou, t. I, p. 307).
12 Guillaume du Pont fut trois fois maire de Poitiers, en 1330, 1340 et 1341 (ms. cit.).
13 Jean du Breuil, un des notables habitants de Poitiers, demeurait près du carrefour de la Regraterie. Sa maison fut avec beaucoup d'autres du voisinage brûlée par les troupes du comte de Derby, lors de la prise de la ville en 1346. (Arch. de la Vienne, chap. de Notre-Dame, G. 1110.)
14 Il fut élu maire en 1352, et conserva cette charge sans discontinuer pendant quinze ans, c'est-à-dire jusqu'en 1366 ; il fut anobli car Charles V en 1372. Jean d'Ayron, nomme un peu plus bas, était échevin en 1340 (ms. cit. et Beauchet-Filleau, Dict. généal., t. I, p. 25).
15 Il avait été chargé par le sénéchal de Poitou, le 16 janvier 1341, de procéder conjointement avec Nicolas Renier, prêtre, lieutenant de Regnaut Croulebois, receveur du roi en la sénéchaussée, avec le prévôt de Poitiers, et avec Jean Favre, clerc, de procéder à une information sur l'état des fortifications de la ville, conformément à un mandement du roi du 26 décembre 1340. (Arch. municipales de Poitiers, n° 382.)
16 Les mêmes lettres furent vidimées et confirmées de nouveau par le roi Jean, à Paris, au mois d'août 1352 (JJ. 81, n° 450, fol. 222 v°).