[p. 230]

CCXCII

Ratification de l'assignation faite par Pierre de Chemillé, chevalier, du douaire de sa femme, Sebile de Garencières, sur son manoir et sa terre de Saint-Laurent-sur-Sèvre. Il l'autorise en outre, par donation entre-vifs, à disposer des biens meubles, joyaux, vaisselle et monnaie d'or et d'argent qu'elle lui a apportés en mariage.

  • B AN JJ. 74, n° 134, fol. 82 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 13, p. 230-234
D'après a.

Philippes, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, que par devant nous, ou traitié et prolocucion eu en nostre presence du mariage à faire entre noble homme Pierre, seigneur de Chemilly1, chevalier, et Sebile de Garencieres2, [p. 231] à present dame de Chemilly ; lors damoiselle de nostre très chiere compaigne la royne, le dit chevalier doua et encores doue la dite Sébile, par la teneur de ces lettres, de cinq cenz livrées de terre ou de rente à assiete de païs, pour les quelles cinq cenz livrées de terre ou de rente, et en assignacion et assiete d'icelles, le dit chevalier, pour oster toute matiere de contens entre la dite Sebile et les heritiers du dit chevalier, ou temps avenir, et à telle fin que plus clerement et plus tost elle puist joir de son douaire dessus diz, aprez le decez du dit chevalier, s'il avenoit que il trespassast de ce siecle avant elle, et en tout autre cas de repeter douaire, le dit chevalier bailla et assigna dès le traictié du dit mariage, et depuis le ratiffia et conforma, en la presence de noz amez et feaux chevaliers et chambellanz, Gieufroy de Biaumont, seigneur du Lude, et Thiebaut, seigneur de Matefelon, à ce especialment commis et deputez, et envoiez de par nous par devers le dit seigneur de Chemilly, à Saint-Germain-en-Laye, où il estoit adonc malhaide du corps, combien que sain de pensée, si comme noz diz chambellanz nous ont rapporté, et encores baille et assigne dès maintenant à la dite Sebile, sa femme à present, tout son manoir, toute sa terre et les appartenances de Saint-Lorent-sur-Sievre, les quelles choses tenoit adonc le dit seigneur de Chemilly et posseoit paisiblement ; et les quelles choses, avecques toutes les appartenances et appendances d'icelles et tous les droiz que il y a, puet et doit [p. 232] avoir à present, et pourra avoir ou temps avenir, en quelcunques lieux et choses que il soient, et comment que il soient nommez et appellez en celui lieu, c'est assavoir toutes les dites choses, pour tant comme elles vallent et puent valoir en assiete de païs, non compté, non compris en ceste assiete le dit manoir et par telle maniere que de tant comme les dictes choses senz le dit manoir, qui n'est de riens compté, vaudront moins que les dictes cinq cenz livrées de terre ou de rente à assiete de païs, le dit chevalier voust et accorda et veust et se assent que il li soit parfait et parassis sur ses autres terres et heritaiges, assis au plus près du dit manoir, selon ce que plus convenablement pourra estre fait, selon la volenté d'icelle Sebile, sa fame, à prenre, lever, joir et exploitier de la dicte Sebile et de ceux qui de li auront cause tantost après le decès dix dit chevalier, et en tout cas de repeter douaire, leus en droit ou en coustume, le dit manoir à toutes les appartenances et appendances, comme dit est, pour cause et ou nom de douaire, la vie d'icelle durant tant seullement.

Et, fut et est acordé du dit chevalier ou dit traictié que toutes ycelles dictes choses bailliées et assignées à la dicte Sebile, pour cause du dit douaire, tantost après le decès d'icele Sebile, venront et seront aus enfanz masles qui seront nez et procreez ou mariage d'euls deux, se enfans masles y a, à tenir des diz enfanz masles par heritaige à perpetuité, et ce il n'i avoit enfanz masles de eux deux, si comme dit est, et il y avoit fille ou filles, la fille ou filles qui y seront auront des dictes choses à tenir par heritaige jusques à la somme, value et estimacion de tant comme il seroit regardé que elles devroient avoir par raison ou coustume de païs, de rente perpetuelle, par assiete de païs, tant seullement. Et des quiex manoir, terres et heritaiges, appartenances et appendances, le dit chevalier dès maintenant saisist et envestist la dicte Sebile, sa fame, selonc ce que par son accort dessus dit puet et doit estre entendu [p. 233] pour nom et à cause de douaire. Et voust et accorda, et encores veust et se assent que la dicte Sebile, de sa propre auctorité, se puisse ensaisiner et en saisine de fait mettre, tantost après le decès du dit chevalier, et en tout autre cas de repeter douaire, leu, comme dit est, sanz ce que les heritiers du dit chevalier y soient de riens requis ne appellez, se il ne li plait, et que elle en puisse joir senz contredit des diz heritiers, non contrestant la coustume qui dit que le mort saisist le vif, et non contrestant toute autre coustume ou droit escript faisant au contraire de ce. Et encores plus voust et accorda le dit seigneur de Chemilly que tous les biens meubles, joiaux, voisselle, monnoie d'or, d'argent et d'autre matiere, oustillemenz, garnisons d'ostel et quelcunques autres meubles et chatex, quels qu'il soient et comment que il soient appellez, que la dicte Sebile, sa fame, apporta avec lui en mariage, ycelle Sebile, à la quelle il, de grace especial et pour la bonne et vraie amour, la grant loiauté et les bons et aggreables services et merites qu'il a trouvez en elle, a donné et donne par ces presentes lettres les diz meubles par don neant rappelable fait entre vifs, et voust que elle les puisse prenre ou la valeur d'iceux, dont elle fera foi souffisant, de sa propre auctorité, avoir, demander, poursuir, recouvrer et retenir, tantost après le decez du dit chevalier, comme les siens propres, et en faire tout ce qu'il lui plaira, comme de sa propre chose, senz ce que les heritiers du dit seigneur de Chemilly, ses executeurs ou les aianz cause de li y puissent mettre empeschement ou contredit, ne aucun droit especial ou general reclamer ne demander de et sur les biens du dit seigneur de Chemilly. Les quiex et ses hoirs il oblige especialment pour ce à garantir, delivrer et deffendre envers tous et contre tous de tous empeschemens, charges, obligations et debtes vielles et nouvelles, à la dicte Sebile, sa femme, les diz meubles et chatels comme siens propres et à touz jours, et les autres choses dessus dictes [p. 234] toutes et chascune d'icelles, ou nom et pour cause de son douaire, la vie d'icelle durant, et aus enfans a noistre de eux deux ou dit mariage par hiritaige à touz jours mais, en la fourme et maniere que dessus est declaré. Le dit chevalier a encores obligié et oblige par devant nous à la dicte Sebile, sa femme et aus enfanz à naistre du dit mariage, si comme dit est, soi, ses hoirs, tous ses biens et de ses hoirs, meubles et non meubles, presens et avenir, quiex qu'il soient. Renunçant le dit chevalier, etc.

Et nous, à la requeste du dit sire de Chemilly, toutes les choses dessus dictes et chascune d'icelles, la relacion de noz diz chevaliers oïe, louons, greons, ratiffions, aprouvons et de certaine science, de nostre plain pouair et auctorité roial, par ces lettres, confermons, et en tout et partout les adjugeons à tenir et demourer en la manière dessus dicte perpetuelment en tous les poins et toutes les condicions dessus dictes, en suppleant tout deffaut et erreur qui, par deue solennité non gardée ou autrement, pourroit estre ou avoir esté ès dictes choses ou en aucune d'icelles, et en surquetout, touz ediz, ordenances et coustumes locals et generals contraires aus dictes choses ou à aucunes d'icelles, et tout enpeschement, contradicion et repugnance de droit escript que l'en y pourroit obicier, nous ostons, abolissons et adnullons, ou cas dessus dit tant seullement, et tout debat et opposicion que l'en pourroit trouver, dire ou proposer au contraire, nous mettons au neant, si comme faire le povons par nostre auctorité et droit royal. Et que ce soit ferme chose et estable à touz jours nous avons fait mettre nostre seel à ces lettres. Donné à Saint-Germain-en-Laye, l'an de grace mil trois cenz quarante et deux, ou mois de may.

Par le roy. P. Verberie.

Presens messeigneurs de Matefelon, du Lude et moy, P. de Verberie devant diz.


1 Pierre de Chemillé, originaire de l'Anjou, possédait de nombreux fiefs en Poitou. A la preuve que l'on en trouve ici, il serait facile d'en joindre beaucoup d'autres. En 1341, il soutenait au Parlement contre les habitants de la grande et de la petite Marche de Thouars, au sujet d'un droit de fromentage, un procès dont il ne vit pas la fin. Nous citerons seulement la date de trois arrêts interlocutoires, dans le détail desquels il serait long et peu intéressant d'entrer : le premier est du 24 juin 1341, le second du 24 mars 1346 et le troisième du 29 janvier 1348 (Arch. nat, X1a 9, fol. 194 v° ; X1a, 10, fol. 429 v° et X1a 11, fol. 173 v°). Le nom de Pierre de Chemillé revient du reste fréquemment dans les registres de cette cour. Il était en procès avec Raoul de Montfort, chevalier, pour dommages, injures et excès ; arrêt de procédure du 14 juillet 1341 (X1a 9, fol. 199 v°), et mandement au sénéchal d'Anjou, 31 juillet 1348 (X1a 12, fol. 123) ; — avec Marguerite de Bauçay, dame de la Forêt, et Guyot de la Forêt, son fils. Celui-ci se termina par la permission obtenue par les parties de conclure un accord amiable (lettres royales du 28 mai 1344 et arrêts conformes des 27 avril 1345 et 6 mars 1346, X1a 10, fol. 194 v° et 380). Le 26 avril 1350, Pierre de Chemillé obtint encore la même faveur pour le règlement d'une contestation qu'il avait avec Pierre de la Salle et Jean Amenart (X1a 12, fol. 376 et 380 v°). Il possédait un hébergement à Benais, arr. de Chinon, dont on conserve un aveu de 1319 (Arch. nat., reg. P. 432, pièce 61).
Sa mort est antérieure au 19 mars 1351 (n. s.), comme on l'apprend par un mandement du Parlement au sénéchal de Poitou, l'invitant à rechercher les pièces du procès pendant entre feu Pierre de Chemillé et les habitants des Marches de Thouars, pour les envoyer à la cour (X1a 13, fol. 26).
2 D'un premier lit, Sebile de Garencières avait eu une fille nommée Isabelle, qui, veuve de Louis de Chambly, seigneur de Neaufle et de Torigny, se remaria avec Foulque de Matha, fils aîné de Robert de Matha. Le traité de leur mariage fut confirmé par le roi au mois de mai 1341 (JJ. 74, n° 262, fol. 154 v°). Après la mort de son second mari, Sebile de Garencières eut des difficultés avec Thomas et Isabeau de Chemillé, enfants de celui-ci et de sa première femme, relativement à l'accomplissement des clauses contenues dans les présentes lettres. On conserve dans les archives du Parlement trois accords passés entre les parties pour régler ce différend, le premier du 16 juillet 1351 (X1a 13, fol. 130 v° et 144 v°) et les deux autres du 28 juin 1352 (X1c 6).