DCCXL

Rémission accordée à André Béry, l'aîné, et à Jean Roy, son neveu, de Chanteloup en la châtellenie de Bressuire, coupables du meurtre de Jean Poigneau.

  • B AN JJ. 138, n° 219, fol. 263
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 1-5
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, de la partie de André Bery1, l'ainsné, et de Jehan Roy, demourans à Chantelou en la chastellerie de Bersuyre, ou pays de Poitou, nous avoir esté exposé que, le dimenche XXIIIIe jour d'avril derrenier passé, le dit Bery, aagié de [p. 2] LXX ans et plus, et aussi comme tout impotent de son corps et prins de maladie, Jehan Soreau et Estienne Guillot se transportèrent à l'ostel du dit Jehan Roy, à heure de vespres ou environ, et souperent et beurent touz ensamble, au quel souper et boire survint Jehan Poignea, laboureur, demourant audit lieu, le quel esloit et a tousjours esté homme de petit gouvernement, yvroin, rioteux et mesdisant, au quel dist celui André Bery que ses bestes avoient gasté ses blez et qu'il les avoit laissées entrer parmi, et que autrefoiz y avoit ledit André pris les dictes bestes et tousjours les lui avoit rendu, maiz que se d'illecques en avant il les y trouvoit, qu'il lui en feroit dommage ; et parce que le dit Poignea arrogamment le nya, le dit Bery le desmenti, sur quoi soursirent entr'eulx pluseurs paroles injurieuses, pour occasion desquelles et que le dit Poignea poursuyoit de paroles oultrageuses le dit Bery, icellui Bery prist un petit bastonnetet en frappa un seul cop ledit Poignea sur l'espaule, sanz autrement le navrer ou dommagier. Et incontinent, le dit Poignea très impétueusement prist une grant barre de boys et en frappa ledit Bery parmi le ventre, en le poussant de la dicte barre tellement que il feust cheuz à terre, se ne feust ce qu'il fu soustenuz. Après le quel cop, le dit Bery poursuy si comme il pot le dit Poignea, maiz il s'en issi par une fenestre et s'en ala à son hostel, sanz ce que autrement il fust frappez, batuz ne villenez. Depuis le quel débat et paroles, le dit Bery se fist monter sur un cheval et ala veoir en ses domaines, terres et pasturages, pour veoir et savoir se il trouveroit aucunes bestes en yceulx qui lui portassent dommage, ès quielx il trouva les bestes du dit Poignea et s'efforça de les emmener à son hostel, si comme par la coustume et usage illoit à un chascun du dit pays le faire. Et en les emmenant, passa auprès des maisons dudit Roy, son neveu, et dudit Poignea, si comme le chemin s'i adreçoit, et suivoient les dictes bestes le dit chemin si comme acoustumé l'avoient ; [p. 3] le quel Poignea, garni d'une grant barre de boys, survint en disant par très grant malice que il lui feroit bien leissier les dictes bestes et ne les emmeneroit point, et d'icelle barre s'efforça de frapper tant qu'il povoit le dit Bery, et de fait l'eust frappé, maiz ledit Jehan Roy, neveu du dit André, meu d'amour charnele, vint par derriere le dit Poignea et le frappa sur la teste d'un baston qu'il tenoit un cop seulement, sanz ce que pour cause du dit cop il lui feist sang ne plaie aucunement, combien qu'il cheust à terre, et ledit cop donné, ledit Poignea en fu enmené en son hostel, et depuis ce qu'il eut un ou deux jours demouré en son hostel, ala et vint publiquement à ses besoignes, gardant ses bestes ès champs et faisant euvres de homme sain ; et aussi depuis disna avec ledit Bery, vacqua à ses besoingnes, garda ses bestes et faisoit autres négoces, par especial le mercredi, le jeudi, le vendredi et samedi ensuivans, jusques à heure de soleil couchant, qu'il se coucha et dist qu'il se sentoit malades et se fist confesser, reçut le corps Nostre Seigneur et demoura en cestui estât jusques au lundi matin IXe jour que il ala de vie à trespassement. Pour occasion du quel cas, nostre amé et feal Jehan de Beaumont, chevalier, seigneur de Bersuyre2, en la juridicion et seigneurie du quel les diz exposans [p. 4] sont demourans et habitans, s'est efforcié de prendre ou faire prendre et emprisonner les diz exposans, et sanz ce que les diz supplians aient esté actains ne convaincuz de ce ne autre cas, et sanz congnoissance de cause, a priz et emporté ou fait prendre et emporter touz les biens meubles des diz exposans, estans en son povoir et justice. De quoy et d'autres griefs, faiz en ceste partie par ledit de Bersuyre ou ses officiers au dit Bery, ycellui Bery a fait certaine appellacion à nostre court de Parlement. Maiz neantmoins yceulx exposans, doubtans rigueur de justice, se sont absentez du pays, ou quel eulx n'oseroient retourner, pour doubte d'estre emprisonnez, par especial le dit Bery qui est ancien, comme dit est, se d'eulx n'avions compassion. Si nous ont humblement supplié que, attendu ce que dit est, et que tout leur temps ilz ont esté de bonne vie, renommée et honneste conversacion, sanz avoir esté repriz ne convaincuz d'aucun villain blasme ou reproche, nous sur ce leur vueillons impartir nostre grace. Et nous, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, avons aux diz exposans et à chascun d'eulx ou cas dessus dit quicté, remis et pardonné, et par ces présentes, de grace especial, plainne puissance et auctorité royal, quictons, remettons et pardonnons les faiz et caz devant diz, avec toute paine, amende et offense corporelle, criminelle et civile, en quoy eulx et chascun d'eulx pourroient estre encouruz envers nous, et les restituons à leur bonne fame, vie et renommée, au pays et à leurs biens non confisquez. Et imposons sur ce silence perpetuel à nostre procureur, satisfaction civile faicte à partie avant tout euvre, se faicte n'est ; en mettant au néant par ces présentes l'appellacion [p. 5] ou appellacions dessus dictes, sanz amende et despens, et touz procès pour ce intervenuz. Si donnons en mandement au bailli des ressors et Exempcions de Touraine, d'Anjou, du Maine et de Poitou, et à touz noz autres justiciers, presens et avenir, ou à leurs lieuxtenans et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, que les diz André Bery et Jehan Roy facent, seuffrent et laissent joir et user paisiblement de nostre presente grace et remission, sanz les molester ou empeschier, ne souffrir molester ou empeschier aucunement au contraire; maiz leurs corps et leurs diz biens, se pour ce estoient priz, saisiz ou arrestez, leur mettent ou facent mettre, sanz contredit, à plaine delivrance. Et que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes lettres. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné à Paris, ou moys de may l'an de grace mil CCC IIIIXX et dix, et de nostre regne le diziesme.

Par le roy, à la relacion du conseil. Dinque.


1 André Béry, prévôt de Bressuire, Pierre Ayraut, Geoffroy Jouaut, etc., ajournés au Parlement par Guy d'Argenton, chevalier, en appel du bailli des Exemptions de Poitou, Touraine et Anjou, furent admis à se présenter par procureur, le 14 avril 1378. (Arch. nat., X2a 9, fol. 102.) Cette affaire ne se retrouve plus dans la suite sur les registres de la cour. Dans un acte de février 1392 n. s., publié ci-dessous, il est question de l'hôtel d'André Béry en un village appelé la Touchotière, paroisse de Chanteloup. Cette mention permet de rattacher notre personnage à unqe branche connue des Béry, établis dans la Gâtine, dont MM. Beauchet-Filleau ont donné une partie de la généalogie. (Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., 1891, p. 500.) Ils ne font commencer la branche de la Touchotière qu'à René, écuyer, marié vers 1430 à Françoise de la Forêt. L'âge avancé d'André Béry en 1390 donne à penser qu'il fut, non pas le père, mais l'aïeul de ce René.

2 Jean III de Beaumont, seigneur de Bressuire, second fils de Jean II et d'Isabelle de Maillé, succéda, vers 1388, à son frère aîné Louis, bien que celui-ci laissât un fils de Louise de Thouars, Guy de Beaumont, que les coutumes de Poitouexcluaient momentanément de la plus grande partie de la succession paternelle, pour la donner en usufruit à son oncle. (M. B. Ledain, Histoire de la ville et baronnîe de Bressuire. Bressuire et Niort, in-8°, 1866, p. 286.) Jean III épousa Mathurine d'Argenton et mourut entre 1409 et 1414. On ignore si sa femme lui survécut et s'ils laissèrent des enfants. Quoi qu'il en soit, la baronnie de Bressuire échut, en vertu du droit de retour, à leur neveu Guy, seigneur de Sigournay. (Id., p. 290.)

Les renseignements relatifs à Jean III de Beaumont n'étant pas fort abondants, nous citerons quelques sources où l'on pourrait puiser certains éléments complémentaires de sa biographie. De 1398 à 1400, il figure en qualité de chambellan du duc de Berry, sur les registres de comptes de ce prince. (Arch. nat., KK 253, fol. 89, KK. 254, fol. 43 v°, 101 v°.) Deux arrêts transcrits sur les registres du Parlement nous font connaître les procès que Jean de Beaumont, seigneur de Bressuire et de Marans, soutint : 1° contre Jacquette Le Chat, femme de Jean Blondelet, et les sergents du roi à Marans ; 2° contre le Grand-Prieuré d'Aquitaine au sujet de la commanderie de la Lande. Le premier est du 9 décembre 1396, et le second du 25 juin 1403. (X1A 44, fol. 92, et X1A 50, fol. 128 v°.)