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DCCLXVI

Rémission en faveur de Pierre Vigouroux qui, dix-huit ans auparavant, pendant six mois que dura l'occupation du château ou fort de Font-le-Bon par une compagnie d'Anglo-Gascons, servit de clerc aux capitaines dudit château, Pierre le Béarnais et Andrivet de Corsilhanne.

  • B AN JJ. 142, n° 213, fol. 123 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 74-76
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons nous avoir receu l'umble [p. 75] supplicacion de Pierre Vigoroux1, clerc du pays de Poitou, contenant que, environ XVIII ans a, assez tost après ce que la guerre d'entre nostre très cher seigneur et pere, dont Dieux ait l'ame, d'une part, et nostre adversaire le roy d'Angleterre, d'autre, recommença et que le pays de Poitou se remettoit en l'obeissance de nostre dit seigneur et de nous, Pierre le Biarnois2 et Andrivet de la Corsilhanne et ceulx de leur compaignie, tenansle parti de nostre dit adversaire, prindrent premièrement le fort ou chastel de Fon-lebon3 en Poitou, ou quel Symon Vigoroux, pere du dit suppliant, s'estoit retrait avec ses biens pour la dicte guerre, et illec trouva que son dit pere avoit touz perduz ses diz biens, et par simplesce et jeunesse en quoy il estoit lors, [p. 76] demoura et se tint avec noz diz ennemiz ou dit fort ou chastel, servans les diz Pierre et Andrivet en estat de clerc, faisant leurs sauf conduiz, sanz courre ne chevauchier sur noz subgiez, ne faire aucun autre fait de guerre, par l'espasse de demi an ou environ et jusques à ce que le dit chastel ou fort fu recouvrez et mis en nostre obeissance, et que noz diz ennemiz s'en partirent, avec lesquelx il ne s'en voult aler, maiz demoura et a tousjours depuis esté en nostre bonne et vraye obeissance, et prins et rençonnez par noz ennemiz et par yceulx perduz et destruiz ses biens et sa chevance. Et combien que depuis il n'ait esté approuviez ne poursuiz pour le fait dessus dit par justice ne autrement, toutevoies il doubte que pour le temps avenir ce ne lui feust reprouchiez, ou qu'il n'en peust avoir aucun empeschement, se par nous ne lui estoit sur ce eslargie nostre grace, en nous requérant, comme il ait tousjours esté de bonne fame et renommée et de honneste conversacion, sanz avoir autre chose offensé ne mesprins, que sur ce lui vueillons extendre nostre dicte grace. Pour quoy nous, etc., au dit suppliant ou cas dessus dit avons quictié, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Xantonge, au bailli des Exempcions de Touraine, d'Anjou, du Maine et de Poitou, et à touz noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys d'avril après Pasques l'an de grace mil CCC IIIIXX et douze, et de nostre regne le XIIe.

Par le roy, à vostre relacion. J. Budé.


1 Cf. ci-dessous la rémission accordée, en février 1393, à Pierre Vigouroux, demeurant à Charroux, qui pourrait bien être le même personnage que celui-ci.
2 Perrot de Fontaines, dit le Béarnais , fut aussi capitaine de Chalusset en Limousin pour les Anglais. Froissart célèbre, à plusieurs reprises, ses exploits de 1382 à 1392, soit qu'il le montre traitant avec le comte d'Armagnac, s'emparant de Montferrant, ou pillant le Berry. De 1388 à 1390 il était l'un des gardiens des trêves en Limousin. Dans une charte de Richard II, roi d'Angleterre, du 1er juillet 1392, il est nommé : « Perot de Fontayns, captain de Chaluset ». Il avait épousé Marguerite de Pommiers et vécut plusieurs années après ces événements où il joua un rôle important. (Voy. Froissart, édit. Kervyn de Lettenhove, in-8°, t. XXI, p. 286-287.) On peut voir aussi, dans le religieux de Saint-Denis, les aventures de Pierre le Béarnais à la tête de pillards réunis près du château de Brantôme (tome III, p. 409). Cependant il fit sa soumission à Charles VI, comme en font foi deux lettres de l'an 1394 émanées de lui et de sa femme, par lesquelles ils prêtent serment de fidélité au roi de France, et s'engagent, bien que par leurs établissements de Guyenne ils soient sujets du roi d'Angleterre, à lui faire hommage de leurs terres de Pommiers, Montguyon et Fougerolles, et de 200 livres de rente, et de plus à envoyer Jehannot de Fontaines, leur fils, à la cour pour demeurer au service du roi. Ces engagements furent renouvelés par lettres du 24 avril 1395. (Arch. nat., J. 623, n° 921-2 et J. 626, n° 134.) Quant au compagnon de Perrot le Béarnais, Andrivet de Corsilhanne, nous n'avons rien trouvé sur lui, peut-être parce qu'il fut un personnage moins en vue, ou bien parce que son nom a été défiguré, ce qui est très vraisemblable.
3 Un inventaire manuscrit des titres de la seigneurie de Font-le-Bon (cne de Châtain, con de Charroux), rédigé en 1701, est actuellement conservé dans la bibliothèque de la Société des Antiquaires de l'Ouest. Il y est question, dans un acte de 1363, du « chasteau et de la forteresse de Fon le bon » (p. 142). Les lettres publiées ici montrent que cette place n'était pas sans importance.