[p. 155]

DCCLXXXIX

Commission à maîtres Jean Guérin et Guillaume Bouchart, pour faire payer dans le comté de Poitou les droits d'amortissements [p. 156] et de francs-fiefs, dont le roi avait fait don au duc de Berry. 1

  • B AN JJ. 146, n° 171, fol. 89
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 155-159
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France, à noz bien amez maistre Jehan Guerin, licencié en loys, et Guillaume Bouchart, salut. Comme par noz autres lettres nous aions donné à nostre très chier et très amé oncle le duc de Berry et d'Auvergne, conte de Poitou et d'Auvergne, tous les prouffiz des finances des francs fiefs et amortissemens et autres acquisicions faites par gens d'eglise et non nobles en sa conté et païs de Poitou, depuis quarante ans ença, à yceulx prouffiz avoir et prendre jusques à un an, ainsi que plus à plain puet apparoir par noz dictes autres lettres, et il soit ainsi que, pour faire venir ens les diz prouffiz, soit neccessité de envoier commissaires ou dit païs de Poictou, pour mettre sus le dit fait, à ce que nostre dit don puisse sortir son plain effait, et nous confians à plain de voz sens, loyautez et bonnes diligences, vous avons ordonnez, commis et establiz, et par ces presentes ordenons, commettons et establissons à mettre sus le dit fait et à faire venir et contraindre, se mestier est, toutes manieres de gens d'eglise, de quelque condicion que ilz soient, soient religieux ou autres, pour vous bailler par declaracion toutes les rentes et possessions par eulx acquises, tant par tiltre2 d'achat, de don, d'aumosne, de laiz3 ou d'eschange, ou par quelxconques autres manieres que ce soit, tant de chapelles fondées et non amorties comme autrement, et les non nobles tenens fiefs nobles par eulx acquis et qu'ilz auront acquis de personnes nobles en autres fiefs ou censives, ou par quelque [p. 157] autre maniere que ce soit, selon les instructions sur ce faictes, à vous maistre Jehan Garin bailliées autrefoiz par les gens de nostre Chambre des comptes à Paris, en vous donnant povoir, auctorité et mandement especial par ces presentes d'amortir, composer et finer avec les dictes gens d'eglise ou non nobles des diz acquests par eulx faiz par la maniere dessus dicte. Et touz ceulx qui fine ou composé auront avecques vous des dictes acquisitions et amortissemens, tant de gens d'eglise comme de non nobles, par rapportant une foiz copie de ces presentes et quictance du receveur à ce commis de par nous, avecques voz lettres de composicion faicte sur ce, soient et demeurent quictes et paisibles, eulx et leurs hoirs et aians cause d'eulx. Et nous dès maintenant les en quittons et deschargons, et voulons et nous plaist que à tousjours mais ilz tiennent et possèdent paisiblement les choses, [pour] lesquelles ilz auroient paié finance par la maniere dessus dicte, sanz ce que nous ou noz successeurs les en puissons contraindre d'en paier aucune finance ou amortissement. Et toutes les lettres que vous aurez données sur ce voulons estre valables et confermées par les nostres, et les composicions des dictes finances et amortissemens faites avecques vous par genz d'eglise et non nobles bailliez et délivrez, soubz voz signez et seaulx, à nostre amé Pierre Le Noir, varlet de chambre de nostre dit oncle, receveur par nous ordonné sur le dit fait. Auquel nous mandons que des deniers des diz prouffiz il vous paie, baille et délivré, c'est assavoir à vous, maistre Jehan Guerin, toutes les fois que vous vacquerez en la dicte besoingne, tant chevauchant comme en sejournant ès villes et lieux des diz païs, pour mettre sus le dit fait, dès maintenant jusques à un an, trois frans par jour, et au dit Bouchart un franc pareillement et cinquante livres tournois par an, quant il vacquera par la maniere dessus dicte ; des quelles journées nous voulons que vous en soiez creuz par vous seremens. Et ou [p. 158] cas que bon vous semblera, que le dit Bouchart ne soit à ce souffisant pour vacquer en la dicte besoingne, voulons que vous, maistre Jehan Guerin, appeliez avecques vous un bon preudomme non suspect, adjoint avec vous, pour vacquer plus diligemment en la dicte besoingne, lequel prendra et aura les gaiges du dit Bouchart, par la maniere que dit est, en son absence. Et les quelx gaiges ainsi paiez par le dit receveur député ou à deputer, nous voulons estre aloué ès comptes et rabatu de la dicte recepte par rapportant une foiz vidimus ou copie de ces présentes soubz seel autentique et quictance de vous, avecques les comptes des journées par vous vacquées en la dicte besoingne par tout où il appartendra, sanz aucun contredit. Et ce faites diligenment. De ce faire vous donnons povoir, auctorité et mandement especial par ces mesmes presentes, mandons et commandons à tous noz justiciers, officiers et subgiez quelconques, que à vous et à voz commis et deputez en ce faisant obeissent et entendent diligenment, en vous prestant conseil, confort et aide, se par vous en sont requis. Donné à Paris, le premier jour d'avril l'an de grace mil CCC quatre vins et treze, et de nostre regne le treziesme4.
Ainsi signées : Par le roy, monseigneur le duc d'Orléans, [p. 159] vous, le viconte de Meleun5 le sire des Bordes6, presens. Darien.


1 Cf. des lettres de même nature, adressées à Jean Guérin, le 28 novembre 1390 (ci-dessus, p. 32 et suiv.).
2 Le texte porte fautivement « tel » au lieu de « tiltre ».
3 Legs.
4 Cette commission est insérée en vidimus dans la confirmation donnée par le roi en juillet 1394, d'une reconnaissance faite par Jean Guerin et Guillaume Bouchart des privilèges et exemptions de Jean Dobe dont la noblesse leur avait été affirmée par des témoins dignes de foi (Voir ci-dessous, n° DCCXOV.) Les pouvoirs des deux commissaires ont été imprimés déjà dans la collection des Ordonnances des rois de France, t. VII, p. 608, d'après la même source des registres du Trésor des chartes. Les éditeurs de ce recueil font remarquer judicieusement que la première ou la seconde partie de la date est altérée. Si c'est bien le premier avril 1393 (c'est-à-dire 1394, d'après le nouveau style), il faut lire « de nostre regne le quatorziesme » ; si au contraire l'année du règne est bien la treizième, il faut remplacer 1393 par 1392. Plusieurs actes des premiers jours d'avril 1393 n. s. sont datés d'Abbeville ou autres localités de Picardie. Celui-ci ayant été donné à Paris, il est probable qu'il faut maintenir la lecture CCC IIIIXX treze (1394 n. s.).
5 Guillaume IV vicomte de Melun, comte de Tancarville, seigneur de Montreuil-Bellay, premier chambellan du roi, connétable et chambellan héréditaire de Normandie, grand bouteiller de France, etc., succéda à son père en 1382 et fut tué à Azincourt en 1415.
6 Guillaume, seigneur des Bordes, conseiller et chambellan du roi, son lieutenant en Basse-Normandie, porte-oriflamme de France par lettres du 27 octobre 1383, tué à la bataille de Nicopolis (1396). (Le P. Anselme, Hist. généal., t. VIII, p. 206.)