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DCCCXVIII

Rémission accordée à Jean Brisson et à Jean Jouhé, de Saint-Germain en Gâtine, qui, dans une rixe, au retour de la foire de Parthenay, avaient frappé mortellemènt Guillaume Bresdein, habitant de la même paroisse.

  • B AN JJ. 149, n° 142, fol. 85
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 239-243
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, de la partie de Jehan Brisson et Jehan Jouhé, demourans ou païs de Poitou, à nous avoir esté humblement exposé comme, le jour feste sainct Laurens l'an mil CCC IIIIXX XIIII, [p. 240] les diz Brisson et Jouhé, Guillaume Bresdein de la parroisse Saint Germain en Gastine, et Jehan Villain, lors parroissien de la dicte parroisse, tous ensemble en venant de la foire ou marchié de Partenay et en alant à Bresuyere, eust passé par un village appellé la Bressandiere près de Partenay, a un quart de lieue ou environ, et eulz estans ainsi ensemble, survint au droit du dit village de la Brexandiere un jeune homme que ilz ne congnoissoient, lequel demanda au dit Jouhé se il congnoissoit un homme et une femme qui aloient devant eulz, et le dit [Jouhé] lui dist qu'il n'avoit veu aucun aler avant eulz, et lui demanda la cause pour quoy il les demandoit ; lequel homme non congneu leur respondist que c'estoit par ce qu'ilz lui avoient osté sans cause son chapperon et un sien coustel, et oultre l'avoient injurié et villené, et pria le dit Jouhé que, pour lui aidier à faire rendre les dictes choses, il s'avançast avec lui. Lequel Jouhé, sanz penser à aucune malice, s'avança et laissa derriere un pou ses compaignons devant diz et tant que il et le dit homme non congneu trouverent les diz homme et femme qui avoient osté le dit chapperon et coutel, lequel homme se faisoit appeller Perrot Giraut, vallet d'un chevalier du dit païs de Poitou, appellé Jehan d'Abin1, ausquelz ycelui Jouhé dist que ilz avoient osté au dit homme non congneu les diz chapperon et coustel, et les pria de les lui [p. 241] rendre ; mais incontinent les diz Giraut et femme respondirent que point rien auroit et qu'il avoit fait tort à lui et à la dicte femme. Lequel Jouhé oyant leur response fut meu et leur dist que si feroient par gré ou par force, confiant que les diz Guillaume Bresden et Jehan Villain que il avoit laissié derriere lui, pour le bien de justice et faire raison du povre homme non congneu, lui aydast à ycelles choses faire rendre ; et par ce que ycelle femme prist à desplaisir ce que disoit le dit Jouhé, elle prist une pierre en sa main, et se prist au dit Jouhé, et aussi à un petit baston du gros du posse d'un homme que il tenoit en sa main, et s'efforça de le lui oster à force; et pour ce que il ne lui voult laissier, lors le dit Giraut qui estoit avec elle, à tout le coustel nu en sa main, qui avoit esté osté au dit homme non congneu, et un autre coutel à sa sainture, vint et s'efforça de venir contre le dit Jouhé qui, pour double d'estre frappé, bouta à part et laissa la dicte femme, et donna audit Giraut par la joe un seul cop d'icelui baston qu'il tenoit en sa main. Et en ces choses faisant, survindrent les diz Guillaume Bresden et Jehan Villain que le dit Jouhé avoit laissié derriere, et sanz ce qu'ilz deissent aucune chose au dit Jouhé, combien que jamais d'eulx il n'eust deffiance, vindrent par derriere lui et lui donnerent un cop de baston parmi la temple ou oye de la teste, et se ralierent avec le dit Giraut qui avoit tolu et osté le dit coutel et chapperon, disans que c'estoit le vallet du dit Jehan d'Abin et qu'il ne seroit pas batu, comment qu'il feust, et au retourner que fist le dit Jouhé après le cop à lui donné du dit baston, vint emprès lui le dit Villain qui l'avoit frappé et lui donna du baston qu'il tenoit par le bras senestre une foiz seulement ; durant les quelles choses survint le derrenier le dit Jehan Brisson, qui trouva avec les dessus nommez un religieux qui aussi fu sur eulz survenu, auquel fu cheu à terre son chappel, lequel dist au dit Brisson qu'il le lui levast, lequel Brisson benignement se baissa à terre pour lever le dit chappel, mais [p. 242] en soy levant le dit Bresden frappa grant cop sur lui d'un baston qu'il tenoit en sa main et cuida recouvrer seconde foiz, mais le dit Brisson retint le cop à sa main et lui osta le dit baston, et lui en donna un cop par les espaules. Et ainsi que le dit Jouhé vit que le dit Brisden batoit ledit Brisson, il s'avança et donna au dit Brisden sur le bras deux cops, en disant que c'estoit il qui l'avoit frappé, selon ce que on lui avoit rapporté; et pareillement quant le dit Villain vit qu'il en couroit sus au dit Brisden, il vint au dit Johé et lui donna si grand cop d'un baston par la joe qu'il la lui perssa et que le dit Jouhé demoura illecques comme mort, et fu osté d'illec par les autres devant diz, creans qu'il feust mort. Et lors le dit Brisson, l'un des diz exposans, courcié et dolent de ce que on avoit fait au dit Jouhé son ami, et qu'il esperoit plus mort que vie en lui, dist au dit Villain qui avoit donné le cop qu'il avoit faicte très mauvaise journée d'avoir donné celui cop au dit Jouhé, car il creoit qu'il feust mort et feroit le dit Jouhé que sage de s'en aler. Et lors le dit Villain baissa son dit baston et s'en ala en travers des champs; mais incontinent ces paroles dictes, ycelui Brisdein, qui oy que le dit Brisson exposant disoit que le dit Jouhé estoit mort, vint au dit Brisson et lui dist qu'il en auroit autant et leva le poing sur lui, pour le frapper sur la teste, mais en ce faisant le dit Brisson veant descendre et venir sur sa teste le dit cop, en voulant ycelui reppeller, leva le baston qu'il avoit osté audit Brisden, et en descendant son dit baston, frappa le dit Bresden par la tample ou oye de la teste un seul cop seulement, pour lequel le dit Bresden chei à terre, et après se releva et s'en ala à un village appellé Preedandalle, près du lieu où fu fait le dit cas, à demie lieue ou environ, et illec demoura en vie dès le lundi feste sainct Laurens dessus dit jusques à venredi au soir ensuivant que il ala de vie à trespassement. Pour occasion des quelz cas et faiz, les diz Brisson et Jouhé, doubtans [p. 243] rigueur de justice, se sont absentez du païs et laissié leurs femmes, enfans et amis, et jamais au païs retourner n'oseroient, se sur ce par nous ne leur est impartie nostre benigne grace. Supplians humblement que, attendu ce que dit est, et que ilz ont tousjours esté gens de bonne fame et honeste conversacion, sanz oncques avoir esté repris, attains ne convaincuz d'aucun autre villain cas ou reprouche, et qu'ilz estoient enbeux et yvres de vin, que sur ce leur vueillons extendre nostre dicte grace. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., aus diz supplians et chascun d'eulz ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au gouverneur de la Rochelle et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de mars l'an de grace mil CCC IIIIXX XV,et le XVIe de nostre regne.
Par le roy, à la relacion du conseil. J. de Conflans.


1 Jean d'Abin, chevalier, seigneur d'Amailloux,était mineur sous la tutelle de son aïeule paternelle en 1349. Il vivait encore en 1402 et fit aveu du Puy-Bertin au seigneur d'Airvault, le 11 octobre ; il fit aussi hommage des Bordes au vicomte de Thouars, le 23 avril 1404. On lui connaît un fils nommé Geoffroy. (Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, nouv. édit., 1890, t. I, p. 3.) Sur le registre des hommages et devoirs dus au sire de Parthenay, au commencement du XVe siècle, Jean et Geoffroy d'Abin figurent en plusieurs endroits : « Mre Jehan d'Abin, chevalier, comme bail aians de Jehan Asse, filz de feu Mre Constantin Asse, chevalier, homme lige du lieu de Ternant et de ses appartenances. Et de present en fait hommage Constantin Asse, filz dudit chevalier. » Mre Geoffroy d'Abin devait un hommage plain pour une borderie de terre appelée la Rocherie, et un autre pour deux masures de terres, l'une appelée Marsilly, l'autre Chambord, mouvant de Pressigny. (Arch. nat., R1* 190, fol. 11, 257 et 268.)