DCCCI
Rémission accordée à Eutrope Lalemant pour le meurtre de Jeannin la Flour, à la suite d'une querelle dans un jeu de paume, à Sainte-Hermine.
- B AN JJ. 147, n° 153, fol. 70 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 191-194
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir humblement esté
exposé de la partie de Ytrop Lalement, chargié de jeune femme, disant que le dimenche
qui fu landemain de la mi aoust derrenierement passée, environ heure de midi, Symon la
Flour, filz bastart de Guillaume Suriete1, ala devant l'ostel des Thominetes en la
ville de Saint Hermine en Poictou, où icellui exposant et Jehan Sedile, maistre
d'escole de gramaire, se esbatoient ensemble au jeu de la paume. Au quel exposant
icellui Symon la Flour, bastart, demanda s'il vouloit jouer avecques lui un escu à la
dicte paume, et il respondi que oïl, deux s'il vouloit, et le dit Symon lui octroya,
mais qu'il alast jouer à milieu appellé Orguetes, qui est près de la dicte ville, et le
dit exposant respondi qu'il n'y entreroit jà ; mais lui dist ces paroles ou
semblables : « Se vous voulez jouer cy endroit, je joueray avecques vous par bonne
compaignie un escu ou deux. » Et atant le dit Symon se departy. Et après, cellui
mesmes jour et heure, sanz gaires d'intervalle de temps, Jacques Suriete, filz
legitime du dit Guillaume Suriete, vint au dit lieu et place, et là demanda au dit
exposant s'il vouloit jouer, ainsi que Symon lui avoit [p. 192] requis, c'est
assavoir au dit lieu d'Orguetes. À quoy le dit exposant respondi que non et que il ne
daigneroit aler au dit lieu d'Orguetes, maiz que se le dit Symon vouloit jouer
illecques en la dicte ville, que ilz estoient deux qui joueroient à autres
deux...2 « Et
semble, Jaques, que vous moquez de moy, pour ce que vous freres jouent mieulx que moy.
Et j'ay aussi bien un escu ou deux de bon et loyal droit comme à vostre pere ».
Et le dit Jaques respondi : « Fy de toy, tu as menty par ta gorge. Il n'est pas à toy
d'en parler. » Et lors le dit exposant respondi : « Jaques, je ne vous desmentiray
point, mais il est bien à moy de parler de vous. Je suis aussi bonne personne, selon
mon estat, comme vous estes selon le vostre.» Et le dit Jaques lui dist qu'il avoit
menti. Et le dit exposant respondit : « Par Dieu, que vous... » (sic). Sur quoy se
murent paroles contencieuses, et après se parti le dit Jaques, moult courroucié. Et
depuis ces choses avenues, icellui mesme jour, environ [heure] de nonne, le dit Jaques
Suriete, Nicolas son frere, enfans legitimes dudit feu Guillaume Suriete, et le dit
Symon la Flour, Jehan la Flour, diz les Surietes, enfans bastars d'icellui Guillaume,
un varlet appelle Danchery, de la nacion de Picardie, et un autre jeune valeton
appellé Primaut alerent à l'ostel des dictes Thominetes, ou quel buvoient paisiblement
les diz exposans et maistre d'escole, et en leur compaignie Jehannin Jombart,
marchant, et autres bonnes personnes. Et illecques les diz freres et leurs complices, en
entencion de batre et villener le dit suppliant, ainsi que ventez s'estoient, firent
traire du vin et, eux estans ainsi en la dicte taverne chiez les dictes Thominetes, le
dit Jehan la Flour, bastart dessus nommé, ala en la chambre ou buvoient les dessus
nommez. Et tantost le dit Jombart, marchant, bailla à boire au dit Jehannin, lequel,
après ce qu'il ot beu, dist au dit Jaques : [p. 193] « Mon frere, qui est cellui
qui vous a dit villenie ?» Et le dit Jaques respondi : « C'est ce bon varlet, Ytrop. »
Et le dit Jehannin la Flour lui dist : « Tu as dit mal de mes freres. Par Dieu, tu as
fait que fol ! Il n'est pas à toy de parler à eulx ». Et lors le dit exposant, appellé
Ytrop, respondi : « Sauve vostre grace, je n'en ayt dit nulle villenie, mais le dit
Jaques m'en a dit assez ». Sur quoi se meurent paroles et injures d'un costé et
d'autre, et tant que le dit Jehannin la Flour appella le dit exposant mauvaiz garçon,
en disant : « Tu n'es pas de si bonne lignée comme est mon frere Jaques ». Et le dit
exposant respondi que si estoit et qu'il n'estoit point garçon, et que sa mere estoit
des Nuelz et des Bejarriz3, qui sont aussi gentilz homme, comme est vostre pere (sic). Et
lors le dit Jehannin la Flour, bastart, lui dist derechief qu'il avoit menty. Et
incontinent le dit varlet picart appellé Danchery print violemment au corps le dit
exposant, et fu bouté par force hors de la dicte taverne et maison, par le fait des
diz freres et complices. Et lors pour eschever la fureur et malice des diz freres et
complices, qui estoient moult esmeuz, icellui exposant [voulant] de tout son povoir soy
retraire à son hostel, pour estre asseurté de son corps et de sa personne, se cuida
eschaper du dit Janchelin (sic), qui tousjours le tenoit par la poitrine et au corps,
maiz ne pot evader, et en icellui conflict [p. 194] iceulz complices, garniz de
grosses pierres, le poursuirent jusques devant sa maison, et de fait le ferirent et
fraperent des dictes pierres en pluseurs parties de son corps, et entre les autres le
dit Symon lui donna tel cop d'une pierre qu'il chey à terre à l'entrée de
sa porte, et telement qu'il en fut malade deux mois et en peril de mort. Et l'eussent
affolé ou tué, s'il ne se feust defendu et bouté dedans son hostel. Et pour ce qu'il
appella ledit Symon : « Champy très ort, tu m'as feru », et qu'ilz virent que le dit
exposant se releva et voult clore sa porte, le dit Jehannin la Flour se eschappa par
force du dit maistre d'escole qui le tenoit et se advança et bouta l'uis si fort qu'il
entra dedans. Et lors le dit Jehannin, garni de pierres, se print au dit exposant et
aussi fist le dit Symon. Et advint que en celle meslée et riote le dit exposant, meu
de chaude cole et en soy revanchant, fery d'une dague qu'il avoit le dit Jehannin la
Flour un cop en la gorge, dont il mouru cellui jour, et aussy fery de la
dicte dague ou costé le dit Symon, le quel en est gueriz et est en bon point. Pour le
quel cas et pour doubte de rigueur de justice, le dit exposant qui en tous autres cas
a esté et est de bonne fame, renommée, vie et honneste conversacion, sanz avoir esté
reprins, actaint ne convaincu d'aucun autre villain reprouche ou blasme, s'est absentez
et fuiz du païs et a laissié sa dicte femme et mesnage, et n'y oseroit plus retourner
et habiter, se nostre grace et misericorde ne lui est sur ce eslargie, requerant
humblement icelle. Pour quoy nous, considerant ces choses, etc., à ycellui exposant ou
dit cas avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes
presentes au gouverneur de la Rochelle et à touz noz autres justiciers et officiers,
etc. Donné à Paris, ou mois de mars l'an de grace mil CCC IIIIXX et XIIII, et de
nostre regne le quinziesme.
Par le roy, à vostre relacion. J. de Conflans.