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DCCLXXXI

Rémission accordée à Pierre Gaboreau pour le meurtre de Guillaume Achale, qui avait séduit sa sœur, Clémente Gaboreau, femme de Jean Pignaut, meurtre commis quatorze ans auparavant.

  • B AN JJ. 144, n° 189, fol. 105
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 136-138
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de la partie de Perrot Gaborea1 [p. 137] povre homme, que, comme Clemente sa sœur, femme de Jehan Pignaut, se feust honnestement contenue et portée sanz diffame avecques son dit mari, jusques à ce que Guillaume Achale par ses séductions la mist en blasme de son corps, la soubstray à son dit mary et l'amena vacabonde hors du pays, à grant confusion et deshonneur d'elle et du dit exposant, son frere, qui grant dueil et déplaisir en avoit, mesmement que icelui Guillaume estoit marié et avoit laissié sa propre femme, pour ainsi gaster et deshonorer icelle seur du dit exposant; le quel, meuz d'amour fraternelle, ala querir sa dicte seur hors du pays où elle estoit, la ramena à son dit mary et tant fist qu'il la reçut en sa compaignie et qu'ilz furent appaisiez et reconsilliez ensemble ; et pluseurs foiz dit et pria bien acertes au dit Guillaume que plus ne sollicitast sa dicte seur, ou en verité il en desplairoit à lui et à ses amis. Advint à un jour de dymenche, heure de prime ou environ, que le dit exposant, le mary de sa dicte seur et autres leurs voisins estoient à la procession que l'en faisoit en l'eglise, que, quant le dit exposant n'y vit sa dicte seur ne aussi le dit Guillaume, eust incontinent doubtance que iceulx sa seur et Guillaume ne feussent ensemble, et pour ce lui et autres s'en vindrent tantost à l'ostel d'icelle seur, avecques laquele ilz trouvèrent à secret icelui Guillaume, lequel eulx, meuz de chaut courroux, pour sa mauvaise perseverance, qui mariez estoit, comme dit est, ilz batirent tant de bastons que, le venredi prouchain ensuivant le dit dymenche, ou bien tost après la dicte bateure, il trespassa ; et avant son trespas fu confessé et recognut, present son confesseur, qu'il avoit bien deservi le mal qu'il avoit et le pardonnoit à [p. 138] ceulz qui fait lui avoient. Pour lequel fait, le dit exposant qui en tous autres cas est de bonne vie et renommée, est en doubte de son corps, puis l'an mil CCC soixante et dix neuf que le dit cas advint, si comme il dit, en nous humblement suppliant que sur ce vueillons de lui avoir compassion. Pourquoy nous adecertes, ces choses considérées, au dit exposant ou dit cas avons quictié, quictons, remettons et pardonnons, etc. Donnans en mandement au bailli de Tourainne et des Exempcions et ressors d'Anjou, de Poitou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Amiens, l'an de grace mil CCC IIIIXX et douze, et de nostre regne le XIIIe, ou moys de mars. Par le roy, à la relacion du conseil. P. Manhac.


1 On remarquera que dans cet acte on ne trouve aucune indication du lieu où se déroula ce drame domestique. Les noms des acteurs joints à l'adresse au bailli des Exemptions font supposer qu'il s'agit bien d'un document poitevin. Il y avait à cette époque à Poitiers une famille notable du nom de Gaboreau, et le nom de Pignaut n'est pas non plus étranger à cette ville. Nous avons rencontré plusieurs fois, dans le précédent volume, le nom de Guillaume Gaboreau, garde du sceau aux contrats de Poitiers, en 1378 et 4384 (tome. V, p. 104 et note 2). Quelques années plus tard (1439, 1446, 4454), un Pierre Gaboreau était trésorier, puis doyen de Saint- Hilaire, et conseiller au Parlement. (Arch. nat., X2A 23, fol. 247, 268 v°, et Arch. de la Vienne, G. 1068.)