DCCCLXXXI
Rémission accordée à Jean Landry, du Loudunais, pour un meurtre commis vingt ans auparavant, en état de légitime défense, sur un homme d'armes pillard.
- B AN JJ. 157, n° 164, fol. 102 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 409-412
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir [p. 410] nous avoir receu
l'umble supplicacion de Jehan Landry, contenant que comme, vint ans a ou environ,
pluseurs gens d'armes et pilleurs feussent venuz ou païs de Loudunoiz, ou quel temps
feust survenu à un certain jour, dont il n'est recors de present, un pillart ou varlet
de gens d'armes à un boiz appellé le bois de Champory ou dit païs de Loudunoiz, le
quel bois appartient à nostre amé et feal Jehan Rabasté1, chevalier, ou
quel lieu ycelui pillart eust trouvé le dit suppliant et quatre autres compaignons qui
couppoient du bois, aus quelz il dist qu'ilz alassent avec lui pour lui monstrer le
logiz où estoient logiez ses compaignons. A quoy ycelui suppliant respondi que ilz
n'yroient pas tous avec ledit pillart, et qu'il leur laissast faire leur besongne,
combien que se ycelui pillart lui vouloit permettre en bonne foy qu'il ne lui feroit
aucun mal ou villenie, que volontiers le dit suppliant yroit avec lui, pour lui
enseigner le chemin au dit logiz; lequel pillart promist et afferma à ycelui suppliant
qu'il ne lui feroit mal ne mehaing. Et par ce se departy le dit suppliant de ses diz
compaignons et ala avecques ycelui pillart, pour le vouloir conduireau logiz où
estoient les dictes gens d'armes. Mais quant ilz furent au dehors du dit bois, le dit
pillart dist à ycelui suppliant qu'il lui baillast son argent. A quoy le dit suppliant
respondi que ce n'estoit pas la bonne foy quil lui [p. 411] avoit promise. Et lors
le dit pillart sacha sa dague et en piequa un pou le dit suppliant parmi l'espaule ;
lequel supliant dit lors au dit pillart que, pour l'amour de Dieu, il ne lui feist
mal ne mehaing, et qu'il amoit plus cher lui bailler son argent que qui lui feist
aucun mal ; et de fait bailla yceiui suppliant audit pillart sa bourse et l'argent qui
estoit dedens. Après la quelle chose ainsi faicte, le dit pillart en perseverant
tousjours en sa mauvaise volonté, fist deschaussier le dit suppliant et lui osta ses
chausses et solliers, pour les vouloir emporter avec lui. Et lors ycelui suppliant se
tray un peu arriéré du dit pillart et lui dist qu'il n'avoit pas fait que bon
compaignon, ainçois avoit fait que faulxetque mauvaiz d'avoir fait ce que dit est,
attendue la povreté qu'il lui avoit faicte. Lequel pillart fery lors son cheval des
esperons et vint vers le dit suppliant, et lui cuida donner parmi la poitrine de sa
dague qu'il tenoit toute nue en son poing, mais ycelui suppliant se baissa par
dessoubz le col dudit cheval, et print le dit cheval par la resne, et aussi prist
ycelui pillart parmi la chevachaille, et tant qu'il le fist cheoir de dessus le dit
cheval à lerre, et ce fait, osta audit pillart sa dague et lui en fery un
cop par la gorge, dont la mort s'en ensuy assez tost après. Pour le quel
cas ycelui suppliant se doubtoit estre puni par justice, ou au moins qu'il ne lui
convenist laissier le païs et en estre exillé à tousjours, se par nous ne lui estoit
sur ce impartie nostre grace, si comme il dit, requerant humblement que, comme en tous
autres cas il ait esté et soit de bonne fame et renommée, non convaincuz ne actains
d'aucun villain cas ou blasme, et que ledit fait lui advint par cas de fortune, pour
resister à la mauvaise volonté du dit pillart, nous sur ce lui vueillons impartir
ycelle nostre grace. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., à ycelui suppliant
avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au
bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d'Anjou, de [p. 412] Poitou et du
Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de may
l'an de grace mil CCCC et deux, et de nostre regne le XXIIe.
Par le roy, à la relacion du conseil. Maulou.