DCCCLXX
Rémission accordée à Jean Martin, dit Chrétien, demeurant à une lieue de Ruffec et antérieurement à la Couture en Poitou, poursuivi pour avoir entre autres pris cinq bœufs, qu'il prétendait provenir de la succession de Guillaume Galopeau, son parent, qui aurait dû lui être dévolue, mais que Jean Chupe, de Sunay, détenait indûment.
- B AN JJ. 155, n° 455, fol. 276 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 380-382
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble
supplicacion des amis charnelz de Jehan Martin, dit Crestien, povre homme laboureur de
bras, chargié de femme et de pluseurs petis enfans, contenant comme, à la requeste ou
instance de Guillaume de Besse ou d'autre personne, certain sergent de nostre très
cher frere le duc d'Orleans en son conté d'Angoulesme1, eust saisiz deux
beufz et yceulx bailliez en garde, soubz la main de la court de nostre dit frere, à
Jehan Lescale de Roffec, si comme l'en dit, dès trois ans a ou environ, et [p. 381]
ainsi que un jour entre les autres les diz buefz estoient ou aloient aux champs en
pasturages, ilz se eschapperent et s'en alerent avec le bestail du dit Jehan Martin en
son hostel, à une lieue françoise ou environ loing du dit lieu de Roffec, et
illeucques furent yceulx beufz par sept jours ou environ, sens ce qui icellui Martin
sceust à qui ilz estoient. Lequel veant que aucune personne ne les demandoit, et
ignorant que de raison en ce cas il les deust avoir rendu et baillié à justice, meu
aucunement de mauvaise convoitise et par temptacion de l'ennemi, prist iceulx
deux beufs, et les mena à la Mote Saint Eloy (sic), où il les vendi le pris et somme de
diz frans ou environ. Et ce fait s'en retourna par un villaige appellé la Cousture, où
il avoit autrefois demouré, et lui veant que Jehan Chupe, demourant ou villaige de
Sompnay, tenoit et occupoit la succession de feu Guillaume Galopeau, appartenant de
raison à icellui Martin, comme son parent et heritier, et pour laquelle succession ilz
avoient plaidé grant piece l'un contre l'autre, considerant icellui Martin que par
deffault de mise et que il n'avoit de quoy poursuir ycelle succession contre le diz
Chupe, qui estoit et est riche au païs et apuyé d'amis, il avoit laissié le païs et le
dit plait et procès, et s'en estoit alé demourer en la dicte chastellerie du dit lieu
de Roffec, et en ce meu de juste doleur, prist cinq beufs qui estoient, au moins
cuidoit yceulx estre, de la dicte succession de son dit parent, et les quelz l'en
disoit avoir esté bailliez en garde à Guillaume des Bordes, de Saint Aubin, soubz la
main de la court de nostre amé et feal le sire de Partenay2, à la requeste du dit Chupe ou autrement, et iceulx cinq beufs
enmena en son hostel en la dicte chastellerie de Roffec. Et assez tost après le dit
Chupe, sachant que icellui Martin emmenoit les diz cinq buefz, le poursuivi ou fist [p. 382]
poursuir, et prendre iceulx beufz ès pasturages du dit Martin ou environ
entre son bestail, et iceulx emmener et retourner là où ilz avoient esté prins. Les
quelles choses venues à la congnoissance du procureur et officiers de nostre dit frere
en la dicte conté d'Angoulesme, le dit Jehan Martin a esté pris et mis ès prisons
d'Angoulesme et après rendu aux seigneurs du dit Roffec3, comme leur subgiet et justiçable, où il est en prison. Et se
doubtent les diz supplians que l'en vueille proceder contre icellui Martin, leur
parent, et lui garder en ce que dit est rigueur de justice, si comme ilz dient, en
nous humblement suppliant, comme icellui Martin qui est bon laboureur, en ses autres
fais ait tousjours esté et soit de bonne vie et renommée et conversacion honneste,
sans estre actaint ne convaincu d'aucun villain blasme ou reprouche, et que sur ce il
a jà grant piece esté prisonnier à grant povreté et misere, et pour pitié et
compassion de sa dicte femme et enfans, qui n'ont bonnement de quoy vivre, se ce n'est
du labeur et peine du dit Martin, nous lui vueillons sur ce impartir nostre grace et
misericorde. Pour quoy nous, inclinans à la dicte supplicacion et voulans benignement
preferer misericorde à rigueur de justice, audit Jehan Martin, dit Crestien, ou cas
dessus dit avons quictié, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au seneschal
de Xaintonge et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de mars l'an
de grace mil CCCC, et de nostre regne le XXIe.
Par le roy à la relacion du conseil. Fortement.