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DCCCLII

Rémission accordée à Simon Forestier et Jeannot de la Gigardeau, poursuivis pour complicité dans un meurtre accompli, quarante ans auparavant, par une troupe d'hommes commandés par ie frère fermier du prieuré d'Entrefins, près l'Isle-Jourdain, leur maître.

  • B AN JJ. 154, n° 47, fol. 25
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 328-330
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, de la partie des parens et amis charnelz de Simon Forestier, de la parroisse de Mouster, et Jehannot de la Gegardeau, de la parroisse de Adriers, ou dyocese de Poitiers, povres et simples laboureurs de bras, chargez de femmes et d'enfans, nous avoir esté humblement exposé comme, XL ans ou environ le dit Simon Forestier qui lors estoit de l'âge de dix huit ans ou environ, demourast ou service de frere Pierre Quinquaut, religieux de l'abbaye de Grantmont en Limosin, lors fermier censier du gouverneur du prioré ou [p. 329] maison de Antrefin1 près de l'Isle Jourdain en Poitou, et le dit Jehannot qui estoit lors de l'âge de XV ans ou environ, gardast les bestes et demourast en service au village de la Gegardeau, lequel village est en la terre du dit prieuré, et certain debat se meust entre le dit frere Pierre Quinquaut, d'une part, et un nommé le Brigant ou le Touchin2, à cause de certaines menaces et deplaisirs que l'en disoit que icelui Brigant, qui estoit homme de mauvaise vie et renommée, et vacabont, avoit fait et faisoit tous les jours au dit frere Pierre, le dit frere Pierre prist une nuit et assembla quantité d'ommes du dit prieuré ou des voisins d'environ et les mena ou dit village de la Gegardeau, où ilz trouverent le dit Brigant qui se y estoit venuz retraire et coucher avec une femme mal renommée, et le bouterent dehors et le frapperent de bastons, tant que mort s'en ensuit incontinent. Auquel fait les diz Simon Forestier et Jehannot de la Gegardeau furent presens, combien que ilz ne le frappassent point, ne n'en a esté depuis faicte aucune poursuite contre aucuns des complices ne supplians; et depuis, quant le pays se retourna à nostre obeissance, nous et nostre seigneur de (sic) pere, dont Dieu ait l'ame, avons quicté et pardonné tous telz cas et autres malefices aus habitans de la duché d'Aquitaine et les avons abolis. Neantmoins le procureur de nostre très chier et amé cousin le conte de la Marche, ou sesgenz et officiers en font [p. 330] poursuite contre les dis Symon et Jehannot, de leur office, sanz ce qu'il y ait aucun autre qui s'en face partie contre yceulz exposans. Pour la quelle chose les aiz Symon et Jehannot, doubtans rigueur de justice se sont absentez du pays, ne n'y oseroient jamais retourner, ainçois en seroient du tout desers, se par nous ne leur estoit sur ce pourveu de nostre grace et remede, supplians humblement les diz exposans que, comme en tous autres cas ilz aient esté et soyent de bonne fame et renommée, et que ilz estoient lors jeunes et ne osoient desobeir au dit frere Pierre, leur maistre et gouverneur du dit prieuré, que lors estoit très grant guerre ou dit païs et y avoit pluseurs pilleurs et desrobeurs, et le dit Brigant estoit renommé d'estre d'iceulz robeurs, nous sur ce leur vueillons impartir nostre grace dessus dite. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., avons ou cas dessusdit voulu et octroyé aux dis supplians que par la general pardonnance et absolucion dessus dite, ilz soient et demeurent quittes et absoulz, etc., et nous leur remettons, quictons et pardonnons, etc. Si donnons en mandement au bailly de Touraine et des ressors et exemptions d'Anjou, du Maine et de Poitou, au seneschal de Limosin et à tous nos autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de janvier l'an de grace mil CCC IIIIXX et dix huit, et le XIXe de nostre regne.
Par le roy, à la relacion du conseil. Chaligaut.


1 Entrefins, Interfines. Cet ancien prieuré de l'ordre de Grandmont fut uni par le pape Jean XXII au prieuré de Puy-Chevrier, cne de Mérigny (Indre). Le prieur était seigneur haut justicier. La communauté, composée de six religieux en 1295, appartenait à la circonscription du visiteur de Poitou et était taxée à sept livres de pension. Les archives de la Vienne possèdent un assez grand nombre de pièces, de peu d'intérêt d'ailleurs, concernant Entrefins. (Rédet, Dictionnaire topographique de la Vienne, v° Entrefins ; Louis Guibert, Destruction de l'ordre et de Vabbarie de Grandmont. Paris, Limoges, 1877, in-8°, p. 849, et p. 777 pour Puy-Chevrier.)
2 Le nom de Tuchins fut donné à des bandes d'aventuriers, de brigands et de paysans insurgés, qui désolèrent les pays d'au delà la Loire, de 1382 à 1385.