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DCCXCIII

Rémission à Jean de Pons, demeurant audit lieu près Poitiers, prisonnier pour avoir enfreint « l'assurement » qu'il avait donné à son frère, Pierre de Pons, avec qui il était en discussion d'intérêt.

  • B AN JJ. 146, n° 108, fol. 51 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 164-166
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, de la partie de Jehan de Pons, povre homme, chargié de femme et de petiz enfans, demourant ou païs de Poitou, nous avoir esté humblement exposé comme, pour occasion de certains héritages advenuz et escheuz au dit exposant et à Pierre de Pons, son frere, pour leurs partages et autrement, bien a IIII ans ou environ, les diz freres eussent eu aucunes paroles injurieuses ensemble, pour quoy s'ensuy que le dit Pierre de Pons fist convenir et adjourner le dit exposant, son frere, par devant le seneschal de Poitou ou son lieutenant au lieu et siege de Poictiers, pour lui donner asseurement, selon la coustume du païs, et le quel asseurement le dit Jehan donna au dit Pierre; et depuis le dit asseurement donné, qui bien a IIII ans ou environ, comme dit est, se feussent les diz freres entretenuz bonne compaignie et amour fraternelle, beu, mengié et conversé ensemble, comme bons freres ont acoustumé et doivent faire, jusques à ce que, bien a un an ou environ, que icelui exposant mena une jument en certains lieux èsquelx il avoit gerbes qui estoient siennes et charga sa dicte jument, et pour passer plus aiseement, rompi un pou de cloison de bois qui estoit ou dit lieu; et en ce faisant le dit Pierre de Pons trouva le dit exposant, son frere, au quel il dist pour quoy il passoit par le dit lieu, car il n'avoit aucun [p. 165] droit d'y passer, mais appartenoit au dit Pierre. Et de fait jura le dit Pierre que le dit exposant n'y passerait pas. Et lors le dit exposant lui respondi que si feroit, et que de toute sa vie il avoit acoustumé d'y passer, et de fait frappa sa dicte jument et la tira après lui, et en la tirant elle hurta des haraces1 qu'elle portoit au dit Pierre de Pons et le feit cheoir à terre, sanz ce toutevoies que le dit Pierre en feust aucunement blecié ne empiré en son corps. Et ce fait, sanz autre chose faire, s'en passa le dit exposant et s'en ala à son hostel. Depuis lequel fait, yceulx exposant et Pierre son frere, qui ne tenoient aucun compte de chose qui faicte eust esté d'un costé ne d'autre, se sont tousjours amez comme bons freres, beu, mengié et conversé, sanz eulx porter aucune hayne ou rancune, jusques à ce que, le dimanche après la Penthecouste derrenierement passée, que le dit exposant venoit d'un village appellé Legugié à son hostel, au lieu de Pons, et en sa compaignie Jehan Rabier et Jehan Helia, et si tost que le dit Pierre de Pons, qui estoit devant son hostel au dit lieu de Pons, vit venir les dessus nommez exposant, Rabier et Helia, vint contre eulx et dist au dit Rabier pour quoy il lui avoit fait gaster son pré par ses bestes, lequel Rabier lui respondi que il ne l'avoit point fait ne fait faire, et que c'estoient les bestes du dit exposant son frere qui fait l'avoient. Et lors le dit exposant respondi qu'il ne disoit pas vérité et que riens n'en estoit. Par quoy s'ensuy que le dit exposant, esmeu des dictes paroles, dist au dit Pierre, son frere, que ce n'estoit pas le premier dommage que il lui avoit fait et que sa fille estoit une très mauvaise garsete, par ce qu'ele lui avoit fait blecier son porc au chien du dit Pierre, son pere, et en ces choses eurent plusieurs autres paroles injurieuses ensemble, et tant que pour occasion d'icelles, après ce [p. 166] que le dit Pierre eust desmenti le dit exposant son frere, les diz Pierre de Pons et exposant s'aproucherent l'un de l'autre, et ainsi comme le dit Pierre s'aproucha du dit exposant, le dit exposant le bouta et donna parmi le pis un cop de la main et après lui redonna un autre cop dessoubz le menton, sanz ce toutevoyes qu'il lui feist sang ne plaie, ne que mort, mutilacion ne autre mehain s'en feut ensuy aucunement en la personne du dit Pierre, Pour occasion desquelx faiz et cas devant diz, ja soit ce que le dit Pierre de Pons ne poursuye aucunement icelui exposant, par le moyen de certaines informacions faictes des diz cas par les gens de nostre très chier et très amé oncle le duc de Berry, ou autrement, a esté prins et mis ès prisons de nostre dit oncle, ès queles il est detenuz en très grant misere et povreté, doubtant que contre lui ilz veillent procéder à punicion comme d'asseurement enfraint. Suppliant très humblement que, comme il ait tousjours esté et soit homme de bonne vie, fame, renommée et honneste conversacion, non souspeçonné, actaint ou convaincu d'aucun mauvais cas ou villain reprouche, sur ce lui veillons impartir nostre benigne grace et misericorde. Pour quoy nous, etc., au dit exposant ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d'Anjou, du Maine et de Poitou, et à tous noz autres justiciers et officiers, etc. Donné à Paris, ou moys de juillet l'an de grace mil CCC IIIIXX et XIIII et de nostre regne le XIIIIe.
Par le roy, à la relacion du conseil. N. de Voisines.


1 Haraces, paniers formés de cordes. (F. Godefroy, Dictionnaire de l'ancienne langue française.)