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DCCCLVI

Rémission accordée à Berthomée Nynon, femme veuve, de la paroisse Notre-Dame de Vallans, qui était accusée d'infanticide.

  • B AN JJ. 454, n° 384, fol. 226
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 341-343
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l'umble supplicacion des amis charnelz de Berthomée Nynone, parrochianne de Nostre Dame de Valans en la terre du sire d'Argenton1 en la chastellenie de Fontenay [p. 342] l'Abatu, povre femme vefve, contenant que comme parla temptacion de l'ennemi charnel ou autrement, depuis son vefve(sic), c'est assavoir environ l'an mil CCC IIIIXX et quinze, elle eust conceu un filz, et soit advenu que, à la nativité d'icellui enfant, icelle Berthomée qui ne se doubtoit pas de si tost acouchier, ains cuidoit avoir encores aucun plus long temps, estant toute seule fu si aigrement sousprise que elle ne eust loisir de prendre eaue ne de appareiller aucune personne pour lui secourir et aisier soy et son dit enfant, et tant que le dit enfant ne fu ondoié, lavé ne aysié, ainsi que on a acoustumé de faire, ne aussi ne eust baptesme de fons, senon seulement que la dicte Berthomée dist les parolles acoustumées de dire en cas de si eminent peril, et le undoia de sa salive à son povoir, en signe de baptesme ; et puis mouru tantost aprez icellui enfant, sans ce que icelle Berthomée lui feist aucunes villenies ne dureté à son escient, ains lui fist tout le mieulx que elle peust, combien que il soit vray que icelle Berthomée ne le peust pas si aisement recevoir ne ordonner, comme se elle eust eu aide, et que par aventure icellui [p. 343] enfant eut plus longuement vesqu, se elle eust par avant sur ce pour veu. Neantmoins, à l'accusation ou denonciacion d'aucuns hayneux de la dicte Berthomée ou autrement, soubz umbre de icelle mort, et jassoit ce aussi que, tantost aprez icelle mort, le dit enfant avant son enterrement ait este veu par pluseurs bonnes gens, dignes de foy, et ne li ait esté trouvé plaie ne aucune vilonie autre que dessus est exprimé, noz gens et officiers ou dit païs voulans pretendre icelle Berthomée avoir occis son dit filz, ou au moins esté cause de sa mort, se efforcent à present, si comme icelle Berthomée a entendu, de la prendre et de li faire empeschemens à ses biens, et pour ce icelle Berthomée, doubtant rigueur de justice, se est absentée et ne ose soy tenir ne ses diz biens ou dit lieu, et est en peril de en estre du tout deserte, se nostre begnigne grace et misericorde ne lui est sur ce impartie, si comme dient iceulx supplians, requerans humblement icelle. Pour quoy nous, desirans preferer misericorde à rigueur de justice, ces choses considerées et que la dicte Berthomée ne fu oncques mais reprinse ne convaincue d'aucun autre crime et aussi que elle est preste de faire serement, tant et si avant que l'en puet faire en tel cas, que oncques ne fist mal ne violence à son dit enfant, ains de tout son povoir lui secouru et aida comme toute bonne femme doit faire à son enfant et que, comme dit est, elle ne cuidoit pas si tost acouchier, et aussi que pluseurs personnes dignes de foy ont veu le dit enfant et ne sera ja trouvé que il eust plaie, etc., à icelle Berthomée, etc., avons quicté, remis et pardonné, en tant que mestier en est, etc. Si donnons en mandement aux seneschal de Sanctonge et gouverneur de la Rochelle, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de juillet l'an de grace mil CCC IIIIXX et dix-neuf, et le XIXe de nostre regne.
Par le roy, à la relacion du conseil. N. de Voisines.


1 Le seigneur d'Argenton était alors Guy, fils aîné de Geoffroy d'Argenton et de Jeanne de Surgères. Cette dernière était fille de Guy de Surgères, seigneur de Vallans, et d'Olive de la Flocellière, d'après la généalogie la plus récente. Il semblerait donc que le sire d'Argenton possédait cette terre du chef de sa mère. Cependant nous ferons remarquer qu'en 1380, le Parlement était saisi d'un litige entre Jacques de Surgères et Guy d'Argenton, touchant la possession des manoirs de Vallans et du Breuil, situés dans la châtellenie de Benon et de Frontenay-l'Abattu, provenant de la succession d'Hugues de Surgères, chevalier, oncle dudit Jacques.
(Lettres du 8 août 1380, X1A 29, fol. 93 v°.) Guy fut marié avec Marie d'Amboise, veuve d'Hélion de Naillac et fille de Hugues d'Amboise, sr de Chaumont, et d'Anne de Saint-Verain, et mourut en 1418, sans postérité légitime. Son nom se rencontre fréquemment dans nos deux derniers volumes, soit pour sa participation aux guerres de Poitou dans les rangs anglais, soit pour des procès qu'il eut à soutenir. Dans le présent volume aussi, nous avons dit quelques mots du différend qu'il eut avec Robert de Sanzay (ci-dessus, p. 172, note 1). Il nous serait facile d'augmenter ici la liste de ses affaires au Parlement, en ayant noté un grand nombre de fort intéressantes. Mais nous aurons sans doute occasion de les signaler en d'autres endroits. Rectifions seulement deux petites erreurs de la nouv. édit. du Dict. des familles du Poitou. Guy, y est-il dit, « avait été du nombre des signataires de l'important traité de Surgères (15 déc. 1372). Il suivait à cette époque le parti anglais, en 1392 » (corr. 1372). A la suite, on lit un renvoi au tome XIX des Arch. hist. du Poitou. Or, dans ce volume, la date du traité de Surgères est indiquée au 18 septembre, ce qui est exact, et non au 15 décembre. Cette dernière date est celle de la confirmation par le roi du traité conclu à Loudun, le 1er décembre, pour la soumission du Poitou et de la Saintonge.