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DCCCLXII

Lettres de don en faveur de Casin de Serenvillier, écuyer d'écurie du duc de Berry, de cinquante livres de rente sur les biens de feu Guyon Goupil, demeurant à Mortemer, confisqués sur sa fille mariée à un Anglais.

  • B AN JJ. 155, n° 38, fol. 21
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 356-358
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que comme Guion Goupilh, demourant à Mortemer, soit alé pieça à trespassement, delaissée une sienne fille, son heritiere, femme d'un Anglois tenant la partie de nos ennemis1, laquelle fille est alée avec son dit mary et demoure encor ès lieux, villes et forteresses occupez par nos dis ennemis, en tenant le parti d'iceulx, et pour ceste cause tous et chascuns les biens, meubles, immeubles et heritaiges du dit feu Guion et de sa dicte fille, qu'ilz avoient et tenoient en nostre royaume, aient esté et soient à nous acquis et confisquez, nous, considerans les bons et agreables services que nostre bien amé Casin de Serenvillier2, [p. 357] escuier d'escuirie de nostre très cher et très amé oncle le duc de Berry, nous a fais ou temps passé, à icelui Casin, de nostre auctorité roial, certaine science et grace especial, avons donné et octroié, et par ces presentes donnons et octroions, pour lui, ses heritiers et successeurs, et ceulx qui de lui auront cause perpetuelment et à tousjours, L livres de rente à coustume de pays, à prendre et avoir sur les biens inmeubles et heritaiges dessus dis. La quelle rente nous voulons à lui estre assise et assignée de prouchain en prouchain bien et convenablement, par nos amés et feaulx les gens de nos comptes à Paris, ou parleurs commis. Si donnons en mandement à nos dictes gens que la dicte rente ilz assient et assignent ou facent asseoir et assigner au dit Casin sur les dis biens immeubles et heritaiges, par la maniere dessus dicte, et d'icelle rente le mettent ou facent mettre realment et de fait en possession et saisine, et en facent, seuffrent et laissent user et joir perpetuelment icelui Caisin, ses diz heritiers et successeurs, et ceulx qui de lui auront cause, sans les empescher ou molester, ne souffrir estre empeschiez ou molestez aucunement au contraire, non obstant quelxconques dons fais par nous ou [p. 358] nos lieuxtenans de et sur les dis biens et heritaiges, ordonnances, mandemens et deffenses à ce contraires. Car ainsi le voulons nous estre fait, de nostre dicte grace. Et que ce soit ferme et estable chose à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l'autruy en toutes. Fait et donné à Paris, ou mois de juing l'an de grace mil quatre cens, et le XXme de nostre regne.
Par le roy, en son conseil, ou quel messeigneurs les ducs de Berri, de Bourgoingne, d'Orléans el de Bourbonnois, vous, et autres estiez. Barrau.


1 Le gendre de Guyon Goupil, alias Gouppy, se nommait Andrivot de la Croisille. Son héritage avait été confisqué depuis plusieurs années déjà, puisque, le 5 mai 1385, les biens meubles et immeubles situés à la Versée et au Bois dans la châtellenie de Mortemer, appartenant à ce la Croisille et à sa femme, avaient été donnés à Jean des Corces, écuyer servant en la compagnie du duc de Berry. (Acte publié dans notre précédent volume, tome V, p. 263.)
2 Le nom de Casin de Serenvillier se trouve assez fréquemment sur les registres de comptes de Jean de France, duc de Berry, dont il était échanson en juin 1398 et 1399 (Arch. nat., KK. 253, fol. 52 ; KK. 254, fol. 13), écuyer d'écurie, aux gages de vingt sous par jour, en 1400 et 1401 (KK. 254, fol. 66 v°, 122), et enfin chambellan en 1403. Le duc lui fit cette année un don de 500 écus d'or; la quittance est signée « Casin » tout court. (Bibl. nat., Cabinet des titres, pièces orig., vol. 2691, nos 2 et 3.) On le retrouve en 1408, toujours auprès du duc de Berry, sous lequel il sert le roi « pour faire vuidier certainnes gens d'armes et autres gens de guerre qui sont en ce royaume ». [Ici., nos 4 à 6, documents cités par M. H. Moranvillé, Le songe véritable, Mémoires de la Société de l'hist. de Paris, 1891, t. XVII, p. 429.) Pendant les guerres civiles, le duc de Berry avait confié à Casin de Serenvillier le commandement de la ville de Poitiers. La paix de Bicêtre (8 nov. 1410) ne fut qu'une trêve de courte durée. Les hostilités recommencèrent bientôt dans tout le royaume. Le parti bourguignon, qui avait l'avantage d'agir avec l'assentiment du roi, fut victorieux. En 1412, pendant que Charles VI se préparait à aller dans le Berry porter le dernier coup aux Armagnacs, le sire d'Heilly, chevalier de Picardie dévoué au duc de Bourgogne, reçut l'ordre d'aller enlever le Poitou au duc de Berry. Casin ne tenta même pas la résistance ; à la première sommation, il rendit au sire d'Heilly la ville qu'il était chargé de défendre, ce qui découragea ceux qui tenaient encore pour les princes d'Orléans en Poitou, et entraîna leur défection, celle du sire de Parthenay entre autres. (Chronique du religieux de Saint-Denis, édit. Bellaguet, in-4°, t. IV, p. 611.)