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DCCLVIII

Rémission accordée à André Gauvain, de Senillé, pour le meurtre de frère Jean Tranchée, religieux de Saint-Hilaire de la Celle et chapelain de Senillé, qui avait séduit sa femme.

  • B AN JJ. 141, n° 283, fol. 163
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 56-57
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de la partie de André Gauvain, povre laboureur de la parroisse de Senillé près Chasteleraut, disant comme la nuit ensuivant le dymenche après la Toussains derrenierement passée, le dit exposant et sa femme couchiez en leur lit bien tart et lui endormi, feu frere Jehan Tranchée, religieux de Saint Hillaire de la Celle et chapelain de la dicte parroisse1, feust venuz en l'ostel du dit exposant et ala au lit, ou quel lui et sa dicte femme estoient couchiez et se prinst à la dicte femme pour avoir sa compaignie charnele; et lors le dit exposant se esveilla et oy que le dit religieux se couchoit au costé de sa dicte femme et vouloit avoir sa compaignie, dont il fu moult courroucié et marry. Et pour ce se print le dit exposant au dit religieux et le cuida ferir d'un baston, et tantost le dit religieux se eschappa du dit exposant, et s'en ala hors de son dit hostel. Et après ce le dit exposant, yré du dit fait, feri et bati un pou sa dicte femme, et lors, ainsi comme il la batoit, le dit religieux le oyt et vint à l'uis du dit exposant, en lui disant : « Villain matin, tu as batu et bas ta femme pour et en despit de moy. Ys hors de ton hostel, car il n'est plus riens de toy », et pluseurs [p. 57] autres menaces et paroles injurieuses. Et adonc le dit exposant prist en son poing une petite hache et yssi hors. Et sitost qu'il fu yssu, le dit religieux lui couru sus et le cuida ferir d'une grant barre de boiz qu'il tenoit en sa main ; et ainsi comme le dit exposant vit venir le coup, se recula un pou et pour doubte que le dit religieux ne le meist mort, et pour obvier à son malice, le feri parmi la teste un seul cop de la dicte hache ; après lequel cop, icelui religieux s'en ala en son hostel et se coucha en son lit, du quel, parce que le dit religieux ne se fist point visiter ou autrement, mort s'en ensuy en sa personne. Pour le quel fait le dit exposant, doubtant rigueur de justice, s'est absenté du païs, ou quel il n'oseroit jamaiz retourner, se nostre grace ne lui estoit sur ce impartie, si comme il dit. En nous requerant humblement, veu que le dit exposant a tousjours esté de bonne fame, renommée et conversacion honneste, sanz avoir esté reprins d'aucun autre villain blasme et qu'il est chargié de femme et de IIII petiz enfans, les quelz sont en aventure d'estre à tousjours povres et mendiens, nous lui vueillons sur ce impartir nostre dicte grace. Pour quoy nous, ces choses considérées, etc., à icelui André Gauvain, ou cas dessus dit, avons quictié, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au bailli des ressors et Exempcions de Tourainne, d'Anjou, du Mainne et de Poitou, etc. Donné à Tours, ou moys de novembre l'an de grace mil CCC IIIIXX et onze, et de nostre regne le XIIe.

Par le roy, à la relacion du conseil. Bertaut.


1 Avant d'appartenir aux chanoines de Saint-Hilaire de la Celle, l'église de Saint-Aubin de Senillé (placée depuis sous le vocable de Saint-André) avait été en la possession de l'abbaye de Saint-Cyprien, et elle est désignée encore comme sa propriété dans une bulle de Calixte II du 30 août 1119. (H. Beauchet-Filleau, Pouillé du diocèse de Poitiers, in-4°, 1868, p. 408.)