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DCCCXLI

Rémission accordée à Jacquemart de Oudain et à Jean Petit, son beau-frère, réfugiés en franchise à l'abbaye de Montierneuf de Poitiers, et poursuivis pour complicité dans le meurtre de Perrot Garnier, beau-frère de Jean de Hollande, peintre, travaillant au château de Poitiers, avec lequel ils étaient en état d'hostilité ouverte.

  • B AN JJ. 158, n° 378, fol. 258
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 299-301
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir esté exposé de la partie des amis de Jaquemart de Oudain et de Jehan Petit, frere de la femme du dit Jaquemart, contenant que comme icelui Jaquemart et Jehan de Houllande eussent euz certains debas et riotes ensemble, pour cause de ce que le dit Houllende mettoit sus aus diz Jaquemart, Jehanin et à Godeffroy, varlet du dit Jaquemart, que ilz avaient brisié et rompu son coffre estant ou chastel de la ville de Poitiers, et pris et emporté certaines couleurs et patrons estans en icelui, et de ce soy plainsist à Jehan Guerart, lieutenant du maistre des euvres de nostre très chier et amé oncle le duc de Berry1 ; [p. 300] de la quelle chose les dessus diz Jaquemart, Jehannin et Godeffroy n'en firent oncques riens, et pour ce furent très grandement indignez contre le dit de Houllende, et tant que un jour les diz Jehannin et Godeffroy rencontrerent le dit de Houllende, et lui dirent qu'il avoit très mal fait de leur avoir mis sus le cas dessus dit, tant que l'un d'eulx frappa le dit de Houllende sur la joe, dont le dit de Hollande fu grandement indignez contre le dit Jaquemart qui mais n'en povoit, et contre les diz Jehannin et Godeffroy, et si furent la femme du dit de Hollande, ses freres et amis. Et advint que le mardi, VIIIe jour de janvier derrenier passé, le dit Jaquemart, acompaigné des diz Jehannin et Godeffroy, en alant ouvrer ou dit chastel, par la rue de saint Ladre de la dicte ville de Poitiers, rencontra Perrot Guernier, lequel estoit frere de la femme du dit de Houllande, avec icelle femme du dit de Houllande, et lui dist qu'il avoit discencion avec ses gens et aussi qu'il l'avoit menassié et espié, ce qu'il comparroit. Lequel Garnier2 lui dist que non avoit et que il ne le doubtoit à pont ne à planche, ne autrement seul à seul. Et lors le dit Godeffroy frappa le dit Perrot d'une espée par le ventre, dont la mort s'en est ensuye en la personne du dit Perrot dedens deux jours après ou environ. Et incontinent que le dit Godeffroy eust frappé le dit Perrot, le dit Jaquemart tira son coustel et dist au dit Godeffroy, son varlet : « Alons nous ent, il en a assez », et mena le dit Godeffroy en l'abbaie du Monstier neuf en franchise, en laquelle franchise sont encores les diz Jaquemart et Jehannin Petit, les quelz, pour doubte de rigueur de justice, ne oseroient partir, se par [p. 301] nous ne leur estoit impartie nostre grace et misericorde, si comme ilz dient, en nous humblement requerant icelle, et que en tous leurs autres faiz, ilz ont esté de bonne vie, renommée et honeste conversacion, sanz avoir esté repris d'aucun autre villain cas ou reprouche, nous leur vueillons impartir nostre dicte grace. Pour ce est il que nous, considéré ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, ayans pitié et compassion des diz Jaquemart et Jehannin, à yceulx ou cas dessus dit avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement à nostre bailli de Touraine et des Exempcions et ressors de Poitou, d'Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Coincy l'Abbaye, ou mois de may l'an de grace mil CCC IIIIXX XVIII, et le XVIIIe de nostre regne.
Par le roy, monseigneur le duc de Berry, messire Jaques de Bourbon, messire Guillaume Martel3, et autres presens.


1 Le maître général des œuvres du duc de Berry était Guy de Dammartin. Nous avons dit quelques mots touchant ce personnage (tome V , p. 278 note) ; nous y ajouterons l'indication d'un document du 10 décembre 1388, où il est question d'une maison qu'il possédait à Paris. (Arch. nat., J. 182, n° 108.) Sur son lieutenant en Poitou Jean Guérart, les renseignements sont très rares. Quant à Jean de Hollande, ce peintre qui travaillait pour le duc au château de Poitiers, il est complètement inconnu. Nous avons vainement cherché son nom dans les dictionnaires et recueils spéciaux. M. Bernard Prost, qui depuis longues années amasse les matériaux d'une grande publication sur les artistes français du moyen âge, et recueille toutes les mentions, tous les noms qui se rapportent à ce sujet, n'en a pas trouvé trace dans ses notes. M. de Champeaux, l'auteur récent d'un travail apprécié sur les monuments du duc de Berry, n'a pu nous renseigner davantage.
2 Il y avait à Poitiers une famille Garnier qui fournit un maire à la ville dès l'an 1230. (Arch. municip. de Poitiers, F. carton 14, nos 1 et 7.)
3 Jacques de Bourbon, seigneur de Préaux, et Guillaume Martel, sr de Bacqueville. (Voy. ci-dessus, p. 286, 287.)