DCCCVIII
Rémission en faveur de Guillaume Rochier, de Chef-Boutonne, qui, dans une rixe provoquée par son frère aîné, Huguet Rochier, avait frappé celui-ci d'un coup de faux, dont il était mort quelques jours après.
- B AN JJ. 148, n° 267, fol. 135
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 210-212
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir que, oye la supplicacion de
Guillaume Rochier, povre homme laboureur, demourant à Chevetonne ou diocese de
Poictiers, chargié de femme grosse et d'un petit enfant, contenant que comme certaine
noise et debat se feust mue entre le dit suppliant, d'une part, et Huguet Rochier, son
frere, d'autre, dès la feste de sainct Jehan Baptiste qui fu l'an mil CCC IIIIXX et
treze, ou au moins le lundi après ensuivant, ou lieu que l'en dit de Chevetonne, et
tant [p. 211] que le dit suppliant, qui est jeunes homs et qui estoit mainsné du
dit Huguet, son frere, souffri pluseurs grans injures et villenies de lui, et les
porta paciemment; et tant le mena le dit Huguet que, ainsi qu'ilz estoient une fois ès
prez du dit lieu de Chevetonne, où le dit suppliant ne pensoit à nul mal, ains cuidoit
estre avec son dit frere paisiblement, et ainsi qu'ilz fauchoient ès diz prez
ensemble, le dit Huguet ne laissoit en paix le dit suppliant, son frere, et de fait
lui couri sus, et pour resister à sa male volonté, ycelui suppliant le fuioit
tousjours, et au derrenier convint qu'il se defendist, ou autrement il lui feust mescheu
du corps; et quant il vit qu'il ne povoit resister encontre son dit frere, ycelui
suppliant le frappa du bec d'une faux à fauchier prez, et lui fist une plaie en la
teste, dont le dit Huguet ne tint oncques compte, et fist sa besongne, sa teste
toute descouverte, et tant que la pluye entra dedens sa dicte plaie, combien que le
dit suppliant li signifiast et feist signifier par pluseurs foiz qu'il feust
appareillé, dont il ne voult riens faire, et disoit qu'il n'estoit point blecié. Du
quel cop, combien que pluseurs personnes en ce congnoissans aient depuis
dit que, se il se feust fait apparillier, il n'eust eu garde du dit cop,
neantmoins ycelui Huguet acoucha malade et vesqui depuis le dit cop jusques
au samedi après ensuivant. Pour occasion duquel fait, ycelui suppliant qui tout son
temps a esté de bonne vie et renommée, sanz avoir esté actaint d'aucun autre villain
reprouche, est en aventure d'estre desert et fuitif à tousjours, se par nous ne lui
est sur ce impartie nostre grace et misericorde, si comme il dit. Et pour ce nous a
humblement supplié que, considéré ce que dit est et que le dit Huguet, avant qu'il
alast de vie à trespassement, congnut et confessa, en la presence du chappellain
qui lui administra le corps de Nostre Seigneur Jhesu Crist, et de plusieurs autres
personnes, que le dit fait estoit advenu par lui et parce qu'il mettoit peine de tuer
le dit suppliant, [p. 212] son frere, et lui pardonna sa mort, nous lui vueillons
nostre dicte grace impartir et lui estre misericors. Nous inclinans à sa supplicacion,
considerans les choses dessus dictes,etc., au dit suppliant ou cas dessus dit avons
pardonné, quictié et remis, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au bailli
de Touraine et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de novembre
l'an de grace mil CCC IIIIXX XV et de nostre regne le XVIe.
Par le roy, à la relacion du conseil. Chaligaut.