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DCCCLXI

Rémission accordée à Jean Beuf pour complicité dans le meurtre de Guillaume Pinier, perpétré à la suite d'une querelle de jeu par Jean Raymont, dit Brilhac, à l'Isle-Jourdain.

  • B AN JJ. 155, n° 36, fol. 19 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 354-356
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, de la partie des parens et amis charnelz de Jehan Beuf à nous avoir esté humblement exposé comme, le dimenche IXe jour du moys de may derrenierement passé, que le dit Jehan et Guillaume Pinier estoient en la ville de l'Isle Jourdain, ou diocese de Poitiers, et alerent boire en l'ostel de Jehan Lugant après souper, ou quel hostel ilz commencerent à jouer à la bille l'un contre l'autre ; et après ce qu'ilz orent bien beu et joué, le dit Guillaume Pinier demanda du vin à la dame de l'ostel, laquelle respondi qu'elle n'en bailleroit plus, se non qu'elle eust de l'argent. Et lors icellui Guillaume dist au dit Jehan Beuf qu'il paiast ce qu'il avoit perdu. Lequel respondi qu'il n'en paieroit [p. 355] riens; et pour ce, le dit Guillaume lui osta et prinst de fait son chaperon. Et lors ledit Jehan demanda et dist au dit Guillaume qu'il lui rendist son chaperon, lequel respondi qu'il n'en feroit riens, jusques à ce qu'il eust paié ce qu'il avoit perdu. Et par ce orent pluseurs paroles l'un avec l'autre; sur lesquelles survint un nommé Jehan Raymont, autrement Brilhac, qui commença à dire à icelui Guillaume qu'il rendist le chaperon au dit Jehan Beuf, ou qu'il le lui baillast. Lequel respondi que le dit Jehan Beuf ne lui ne l'auroient point. Et adonc le dit Raymont se tira près du dit Guillaume, et quant icelui Guillaume vit qu'il s'approuchoit de lui, il tira un coustel ou badelaire qu'il avoit, et le dit Jehan Raymont lui dist par tele maniere : « Tu ne te moques pas ! atens moy ». Et lors icelui Jehan Raymont ala querir un baston, et tandis qu'il aloit querir le dit baston, le dit Jehan Beuf commença à departir du dit hostel et s'en aler, et le dit Guillaume après lui. Toutes foiz ledit Jehan Raymont, qui estoit alés querir le dit baston, commença à les suyr, en disant au dit Guillaume : « Atens moy ». Et quant il fu près du dit Guillaume, il fery un cop sur la teste d'icelui baston et tellement le frapa que du dit cop le dit Guillaume tumba contre un mur et à terre. Et après le dit Jehan Beuf, qui avoit bien beu, lui peust dire qu'il frappast encores, combien qu'il n'en soit pas recors, pour ce qu'il avoit bien beu. Et adonc le dit Jehan Raymont frapa encores le dit Guillaume deux cops du dit baston, par quoi, le IXe jour après ensuivant ou environ, le dit Guillaume pour cause de la dicte bateure ou autrement, pour son mauvais gouvernement est alez de vie à trespassement. Pour occasion duquel fait, le dit Jehan Beuf est en aventure d'estre desert et fuitif du pays, se sur ce ne lui est impartie nostre grace et misericorde, si comme ses dis parens et amis dient, implorans humblement icelles. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., audit Jehan Beuf ou cas devant dit avons quictié, remis [p. 356] et pardonné, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Limosin et à tous nos autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys de juing l'an de grace mil quatre cens, et de nostre regne le XXme.
Par le roy, à la relacion du conseil. P. Vivien.