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DCCLXV

Rémission en faveur de Lancelot Rouault et de Perrot Letart, son valet, coupables de meurtre sur la personne de Jean de Bègues, qui entretenait des relations coupables avec la mère dudit Lancelot.

  • B AN JJ. 142, n° 150, fol. 91
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 72-74
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à touz, presens et avenir, nous avoir oye la supplicacion des amis charnelz de Lancelot [p. 73] Rouaut1, du païs de Poitou, et de Perrot Le Tart, varlet du dit Lancelot, contenant comme le dit Lancelot eust par pluseurs foiz defendu et contredit à un varlet nommé, quand il vivoit, Jehan de Begues2, l'aler, le venir et le repairer en son hostel, pour ce qu'il estoit et est encores fame et renommée publique en la parroisse de Langonou est l'ostel du dit Lancelot, et en la chastellenie de Fontenay le Conte, que le dit feu de Begues avoit longuement maintenu et encores maintenoit lors et amoit par amours la mere du dit Lancelot, et non obstant les dictes defenses, le dit feu de Begues, persévérant en sa mauvaistié et pechié, feust alez par nuyt, d'aguet appensé et au desceu du dit Lancelot, en l'ostel d'icellui Lancelot, en entencion d'avoir la compaignie charnele de la mere d'icellui Lancelot; le quel, quant il sceut que le dit feu de Begues y estoit venuz pour ce que dit est, fu grandement irez et meuz et courreciez [p. 74] , et pour ce courut tantost à l'une des portes de son dit hostel où estoit le dit feu de Begues; le quel de Begues, si tost qui l'apperceu, se en fouy ; maiz les dit Lancelot et Perrot Le Tart, comme touz esmeuz et eschauffez, attindrent et aconsuirent ycellui de Begues, et illecques de chaude cole le bâtirent et navrerent telement que assez tost après il ala de vie à trespassement. Pour occasion du quel fait, le dit Lancelot et Perrot sont en aventure de souffrir peine et tourment corporele, se par nous ne leur est sur ce eslargie nostre grace et misericorde, si comme dient iceulz amis charnelz, supplians que, actendu la jeunesse du dit Lancelot qui n'avoit lors que XVIII ans ou environ, et le blasme et diffame qu'il lui avoit longuement fait et pourchassié et à tout son lignage, et s'efforçoit de faire encores chascun jour le dit de Begues, combienque parpluseurs foiz lui eust defendu le dit Lancelot le repairer en son dit hostel, comme dit est, et que en touz autres faiz lui et le dit Perrot ont tousjours esté gens de bonne vie et renommée, senz avoir esté reprins d'aucun autre vilain cas, nous leur veuillons estre piteables et misericors. Pour quoy nous, etc. à iceulz Lancelot et Perrot Le Tart, et chascun d'eulz, de nostre auctorité royal et grace especial avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poitou et à touz noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois de mars l'an de grace mil CCC IIIIXX et XI, et de nostre regne le XIIme.

Par le roy, à la relacion du conseil. J. Bertaut.


1 Il n'est pas facile d'identifier sûrement ce personnage, les généalogistes étant ou incomplets ou en désaccord entre eux. Nous avons trouvé à plusieurs reprises mention de Béthis Rouault, qui ne peut être différent de celui que le P. Anselme nomme Lancelot, dit Béthis, et MM. Beauchet-Filleau, Louis dit Béthis. Suivant ces derniers, il aurait été frère cadet de Tristan Rouault, vicomte de Thouars; mais un texte publié dans un de nos précédents volumes le désigne comme son cousin (tome IV, p.218). De toute façon, ce ne peut être lui qui obtint ces lettres de rémission; cousin ou frère du vicomte de Thouars, il était trop âgé alors pour avoir à protéger sa mère contre des entreprises galantes. Tout au plus pourrait-il s'agir d'un de ses enfants. Aucun, il est vrai, ne porte ce prénom sur les listes publiées, mais on ne pourrait arguer de cette absence pour nier l'existence d'un Lancelot fils de Lancelot, dit Béthis Rouault, les généalogies, comme nous l'avons dit, étant trop insuffisantes. Nous avons vu par les registres du Parlement que Béthis avait épousé Marie de Volvire, fille de Maurice, sr de Nieul, et de Marie Chabot. Suivant les auteurs, ce fut sa première femme, et il se remaria avec Marguerite de Brizay, veuve de Guy de Laval. (Dict. des familles du Poitou, anc. édit., t. II, p. 858.)
2 Jean de Bègues ne nous est connu que par ses démêlés avec Jean Bigot, ancien capitaine et châtelain de Mareuil, du temps que les Anglais étaient maîtres du Poitou. Avec Jean de La Forêt, Pierre de Velors, Gilles Berchou et plusieurs autres, il s'était introduit dans la place par ruse, s'était emparé de la personne et des biens du capitaine et l'avait retenu longtemps prisonnier. Il a été suffisamment question de cette affaire dans notre tome IV (p. 240,note, et 241). Les textes cités en cet endroit prouvent que Jean de Bègues vivait encore en juin 1385.