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DCCCLXXVI

Lettres de grâce accordées à Geoffroy Petit, écuyer, condamné à payer une amende de vingt livres et à être tourné au pilori à Paris, à Fontenay-le-Comte et à Saint-Jean-d'Angély, pour avoir porté faux témoignage dans un procès entre le sire de Taillebourg et Guyon de Laval.

  • B AN JJ. 156, n° 219 bis, fol. 139
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 398-401
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir [esté] humblement exposé de la partie de Geffroy Petit1, escuier, chargié de femme et d'enfans, disant [p. 399] que comme par sa simplece et ignorance, et aussi par les induces que lui firent aucuns des gens et officiers du sire de Taillebourg, sur ce que ilz lui promistrent à faire avoir la paix à un sien nepveu sur le fait de la mort du gendre d'un Appelle Nau, de la parroisse du Cerqueux de Maulevrier, icellui exposant ait tesmoignié faulx de et sur certains faiz et articles sur lesquelx il a esté produit et examiné pour la partie dudit seigneur de Taillebourg, en la cause pendant par devant noz amez et feaulx conseillers les gens tenans les Requestes en nostre Palais royal à Paris2, entre Guyon de Laval3, demandeur, d'une part, et icellui de Taillebourg, deffendeur, d'autre part ; pour lequel cas il a esté prins et amené prisonnier en la Conciergerie de nostre dit Palais, par l'ordonnance de noz dictes gens des dictes Requestes; et après ce que ilz l'ont interrogué sur ce et que il a confessé le dit cas, si comme il appert plus à plain par sa confession, à laquelle il se rapporte, il a esté par eulx condempné [p. 400] à estre mis ou pilory à Paris, par deux sabmedis, et à Fontenay le Conte une fois à un jour de marchié, et à Saint Jehan d'Angely une autre fois, à un autre jour de marchié, et à nous paier vint livres pour amende prouffitable. Et il soit ainsi que icellui exposant, qui est aagié de soixante ans ou environ, et ne cuidoit mie telement mesprendre, ait jà esté mis ou pilory à Paris par les dictes deux fois, et pour cause de son dit aage et longue detencion de prison, qu'il a eu pour cause du fait dessus dit, soit si debilité que à peine pourroit endurer la peine et supporter la mise, frais et despense neccessaire ou residu de la dicte condempnacion corporelle, actendu la distance des lieux où il le conviendroit mener, et sa petite faculté, ainçois seroit en adventure de finer miserablement ses jours, et que lui, ses dis femme et enfans en feussent desers à tousjours, se par nous ne lui estoit sur ce impartie nostre grace, si comme il dit, en nous humblement suppliant que, comme en tous autres cas il ait esté et soit de bonne fame et renommée, sans avoir esté convaincus ne actaint d'aucun autre villain cas ou blasme, et que aucune scentence n'ait esté donnée en la dicte cause contre le dit Guion, par vertu de la dicte depposicion ou tesmoignage d'icellui suppliant ne autrement, mais soit encores à donner et prounoncier la dicte sentence, et que il ait aussi paié la dicte admende prouffitable, et pour cause du dit cas esté longtemps detenu prisonnier en la dicte Conciergerie, à grant povreté et misere, nous sur ce lui vueillons impartir nostre dicte grace. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., à icellui suppliant, etc., avons remis, quictié et pardonné, remettons, quictons et pardonnons le residu de la dicte condempnacion corporelle, etc. Si donnons en mandement par ces presentes à noz dictes gens des dictes Requestes et à tous noz autres justiciers, etc., que son corps qui encores est detenu prisonnier en la dicte Conciergerie, etc., lui mettent ou facent mettre tantost et sans delay à plaine delivrance, [p. 401] etc. Donné à Paris, ou mois de juillet l'an de grace mil CCCC et un, et le XXIe de nostre regne.
Par le roy, messire Guillaume Martel4 et autres presens. Prophete.


1 Du 13 janvier 1378 au 5 mai 1379, Geoffroy Petit et plusieurs autres officiers de Louis Larchevêque, sire de Taillebourg, étaient en procès au Parlement contre Jean de la Martinière, capitaine de Mortagne-sur-Sèvre, qui les accusait d'excès, injures et voies de fait exercés contre lui, à l'instigation de leur maître. Cette affaire a été exposée précédemment (voy. notre t. IV, p. 273, note), et il n'est pas nécessaire d'y revenir. Nous en citerons une autre, où le même nom se retrouve, qui remonte à l'an 1350. Le 11 mars de cette année, la cour adressait un mandement au sénéchal de Poitou, lui ordonnant de s'enquérir de délits criminels et civils commis par Pierre d'Escoubleau, écuyer, et Geoffroy Petit, sans doute le père (celui dont il est question dans les présentes lettres de grâce n'aurait eu alors que dix ans à peine), au préjudice de Jeanne de Bauçay, dame de Montléon, et de les poursuivre judiciairement. (Arch. nat., X2A 5, fol. 180.)
2 Louis Larchevêque, sire de Taillebourg, qui avait épousé : 1° Jeanne de Montberon, alias de Matha, 2° Jeanne de Beaumont, veuve de Barthélémy de la Haye, seigneur de Mallièvre et de Mortagne, était mort avant le 25 juin 1395, date du partage entre ses enfants. Il s'agit donc ici de son fils aîné du premier lit, Jean sire de Taillebourg. Le procès visé en cet endroit, s'il s'agit bien de celui dont nous avons retrouvé la trace, ne fut jugé définitivement que le 13 janvier 1403. Les parties étaient alors Guy et Foulque de Laval, d'un côté, Jeanne de Beaumont, veuve de Louis de Taillebourg, tutrice de leur dernier fils, Berthelon, encore mineur, Jean et Louis Larchevêque, fils du premier lit dudit de Taillebourg, Guy, son autre fils du second lit, et ses deux filles Pernelle et Jeanne, représentées par leurs maris, Jean de Mortemer et René Jousseaume. Le litige portait sur une rente annuelle de 300 livres qui aurait été constituée sur la terre de Taillebourg et le port de Saint-Savinien, en faveur de Marie Larchevêque, grand'mère de Foulque et Guy de Laval et tante de Louis sire de Taillebourg. Après l'avoir réclamée en vain à celui-ci vivant, Foulque et Guy s'étaient adressés à sa succession, et la cour leur donna gain de cause en appel. (X1A 50, fol. 200.) Nous ferons remarquer que cet arrêt nomme une fille de Louis sire de Taillebourg et de Jeanne de Beaumont, omise dans les généalogies : Jeanne, femme de René Jousseaume.
3 Guyon de Laval, seigneur de Blaison et de Raiz, second fils de Guy, dit Brumor, seigneur de Chalouyau. Son frère aîné Foulque était mort sans alliance en 1398, ne laissant pas d'autre héritier que Guy. (Voy. le P. Anselme, Hist. généal., t. III, p. 631.)
4 Guillaume Martel, seigneur de Bacqueville. (Voy. ci-dessus, p. 287, note 1.)