DCCLXXXVIII
Déclaration en faveur de Jeanne, femme de Pierre Remau, portant qu'elle ne pourra être poursuivie au criminel, mais au civil seulement, à l'occasion du meurtre de Jean Bouguier, dont elle avait été cause en excitant contre lui Jean Pesas, écuyer, cousin de son mari.
- B AN JJ. 145, n° 321, fol. 139 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 153-155
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, à nous avoir esté exposé de
la partie de Jehanne, femme de [p. 154] Pierre Remau, escuier, que comme, depuis
un an ença ou environ, une chamberiere eust esté louée pour demourer en la maison du
dit Pierre jusques à certain temps, la quele y vint demourer et y fu par aucun temps
avec le dit Pierre, pendant lequel feu Jehan Bouguier ou autre pour lui fist tant et
procura que la dicte chamberiere se parti de l'ostel du dit Pierre et vint demourer en
l'ostel du dit feu Jehan Bouguier. Pour quoy ledit Pierre vint en l'ostel d'ycelui feu
Jehan Bouguier et lui requist que sa dicte chamberiere il lui renvoyast en sa maison,
qui ce faire ne voult, et pour ce dirent pluseurs paroles l'un à l'autre, pour doubte
des queles paroles et dudit Pierre, ledit feu Bouguier par certain nostre sergent se
fist tenir en nostre sauvegarde et ce signifier au dit Pierre et à la dicte Jehanne sa
femme; depuis la quele sauvegarde signifiée, depuis deux mois ença ou environ, Jehan
Pesas, escuier, cousin du dit Pierre, vint en la maison du dit Pierre ; auquel Jehan
Pesas lors la dicte Jehanne, femme du dit Pierre, se complaigni et dist que le dit
feu Jehan Bouguier leur avoit osté la dicte chamberiere ou tant fait qu'elle estoit
alée demourer en sa maison, et qu'il avoit dit injurieuses paroles de sa personne, qui
n'appartenoient pas à dire au dit feu Bouguier, et que de ce elle vouldroit bien estre
vengée. Après lesquelles paroles dictes au dit Jehan Pesas, ycellui Pesas passa par
mi la ville du Tail, où le dit feu Bouguier demouroit, et vit ycellui passer par
devant lui avec chevaux et une chamberiere, et demanda à aucunes gens de la dicte
ville se c'estoit le dit Bouguier, lesquelx lui respondirent que oyl; et lors il ala
après lui et lui demanda s'il avoit à nom Jehan Bouguier, lequel lui respondi que non.
Et lors lui dit qu'il mentoit et tira s'espée et lui en donna deux ou trois cops de
trenche parmi la teste, dont l'un des cops descendi sur son bras, et ce fait s'en vint
en la maison du dit Pierre, et trois ou quatre jours après le dit feu Jehan Bouguier
ala de vie à trespassement. Pour [p. 155] occasion du quel cas, la dicte Jehanne
s'est absentée du pais, ou quel elle n'oseroit jamais demourer, se par nous ne lui est
sur ce pourveu de nostre grace, si comme elle dit, en nous humblement suppliant que
comme en autres cas elle ait tousjours esté et soit femme de bonne vie et renommée,
sanz avoir esté reprise d'aucun autre villain cas, nous sur ce lui veillons impartir
nostre dicte grace. Nous adecertes, eue consideracion aux choses devant dictes, inclinans
à la supplicacion de la dicte femme, à ycelle de nostre grace especial et
auctorité royal, ou cas dessus dit, toute peine criminele, que pour cause et occasion
des choses devant dictes elle puet avoir encouru envers nous et justice, avons mué et
muons par ces presentes en civil, et la restituons et mettons à plain à sa bonne fame,
renommée, au païs et à ses biens non confisquez, satisfaction faicte à partie
premièrement. Si donnons en mandement au bailli de Touraine et des Exempcions d'Anjou,
du Maine et de Poitou, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys de
fevrier l'an de grace mil CCC IIIIXX et XIII, et de nostre regne le XIIIIe.
Es requestes par vous tenues, presens les arcevesques de Sens et de Besançon 1, les
evesques de Noyon, de Bayeux, de Meaulx, du Puy2 et autres du
conseil. Voisines. — R. Le Fevre.