DCCCXLVIII
Rémission accordée à Jean Jourdain, dit d'Anjou, couturier établi à Parthenay, pour le meurtre d'un Anglais, ouvrier couturier de passage en la dite ville, auquel il avait donné l'hospitalité et qui avait voulu abuser de sa femme, pendant son sommeil.
- B AN JJ. 453, n° 440, fol. 296
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p. 316-318
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble
supplicacion à nous presentée de la partie de Jehan Jourdain, dit d'Anjou, povre
cousturier de Bourgueil en Valée, contenant que, le mardi avant caresme prenant
derrenierement passé, vint en la ville de Partenay par devers le dit suppliant, qui
lors tenoit son ouvroir en ycelle, un jeune homme cousturier appellé Guillemin,
qui se disoit Anglois, nez de Londres, auquel ycellui suppliant pour passer chemin
bailla de l'ouvrage à faire de son dit mestier, et le mercredi ensuivant, aprez ce que
yceulx suppliant et Englois orent beu, aprez disner, en pluseurs lieux de la dicte
ville jusques à la nuit, ilz s'en alerent en l'ostel d'un ouvrier de peignes, pour
illec faire herbergier le dit Englois qui la nuit precedent y avoit geu et esté
herbergiez, lequel ouvrier et sa femme refuserent à herbergier le dit Anglois; et pour
ce le dit suppliant, veant qu'il estoit nuit, le mena en son hostel, et le fist
couchier en son lit avecques sa femme qui jà estoit endormie, le dit suppliant estant
ou milieu. Et aprez ce qu'ilz furent couchiez et que le dit suppliant fu endormi, le
dit Anglois sailli par devers la femme du dit suppliant et la volt efforcier,
laquelle en soy deffendant feri le dit Anglois du poing sur le visaige et se leva de
son lit, et ala querir de la chandoille ardant ; mais le dit Anglois la poursui et
lui destaingni sa dicte chandoille. Et lors la dicte femme commença à crier et tant
que le dit suppliant son mary s'esveilla et [p. 317] se leva
hastivement, et print le dit Anglois et le detint tant qu'il laissa aler sa dicte
femme. Et advint que à icelle heure Jehan Rousseau, cousturier et voisin du dit
suppliant, passoit par devant l'ostel du dit suppliant et, pour la noise qu'il y oy,
entra en ycellui hostel, et prist la femme du dit suppliant et l'amena couchier en son
hostel avecques la sienne, et aprez retourna par devers les diz suppliant et Anglois
et les appaisa ; et puis s'en retourna coucher. Et tantost qu'il se fu parti, le dit
Anglois prist sa sainture et sa dague qui estoit sur le lit du dit suppliant, et dist
à icellui suppliant qu'il avoit fait que mauvais vilain jaloux d'avoir fait partir sa
putain de femme qui l'avoit frappé, dont il la courrouceroit. A quoy le dit suppliant
lui respondi qu'il mentoit, et pour ce le dit Anglois tira sa dague et en volt ferir
le dit suppliant, le quel en soy reculant pour eschever le cop trouva un
pesteil1 lequel il prist et en fery le dit Anglois parmi la teste
tant qu'il chey à genoulx, mais tantost il se releva et s'efforça autresfois de ferir
de sa dicte dague parmi le ventre le dit suppliant, qui de rechief, en soy deffendant
et pour eschever le peril de mort, fery du dit pesteil le dit Anglois en tele maniere
que mort s'en ensui en sa personne. Pour occasion du quel fait le dit suppliant,
doubtant rigueur de justice, se absenta du païs et s'en vint demourer en nostre ville
de Chartres, où il a esté et demouré par aucun temps et ouvré de son dit mestier,
jusques à ce qu'il a esté acusé du dit cas par devers justice du dit lieu, qui pour ce
l'a fait detenir en noz prisons illecques, èsquelles il a esté en grant povreté et
misere au pain et à l'eaue, l'espace de cinq mois ou environ, et y est encores en
aventure d'y finir misérablement ses jours, se sur ce ne lui est pourveu de nostre
grace, et pour ce nous ait fait humblement supplier, etc. Pour ce est il que nous,
voulans [p. 318] misericorde preferer à rigueur de justice, avons au dit Jehan
Jourdain ou cas dessus dit quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement à
nostre bailli de Chartres et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou mois
de septembre l'an de grace mil CCC IIIIXX et XVIII, et le XVIIIe de
nostre regne.
Par le roy, à la relacion du conseil. Charité.